Les peuples autochtones d’Amazonie dénoncent une augmentation de l’orpaillage illégal pendant la pandémie

 | Par DW Brasil, Nádia Pontes

Selon les autochtones, le flux d’orpailleurs brésiliens en direction la Guyane Française a augmenté à cause de l’affaiblissement du contrôle à la frontière au milieu de cette pandémie de coronavirus. Les gouvernements réfutent la réduction des effectifs.

  • Traduction de Marie MOUSSEY pour Autres Brésils
  • Relecture de Aurélia PILETITCH

(Photo : L’institut IBAMA mène une opération de lutte contre l’extraction illégale de l’or dans le territoire autochtones de Kayapó, dans l’État de Pará, au Brésil, en 2017 © Felipe Werneck/Ibama)

Les frontières sont fermées, mais le flux de bateaux clandestins sur le fleuve Oiapoque, qui sépare le Brésil et la Guyane Française, a augmenté. Bien que la pandémie du nouveau coronavirus ait entraîné la fermeture de la frontière terrestre entre le Brésil et le territoire français, des orpailleurs brésiliens arrivent en plus grand nombre sur les terres amazoniennes habitées par des autochtones, dénoncent les leaders locaux.

« Ils n’ont jamais été capables d’éradiquer l’orpaillage illégal. Avec la pandémie, la situation s’est empirée », a confié à DW Brasil Claudette Labonté, présidente de la fédération Parikweneh de Guyane Française et membre de la Coordination des Organisations Indigènes du Bassin Amazonien (Coica).

Maripasoula, parc amazonien de Guyane, lutte contre l’orpaillage illégal
© Wikimedia Commons

Selon Labonté, la menace du Covid-19, maladie respiratoire provoquée par le nouveau coronavirus, a affaibli la vigilance aux frontières. « La police a baissé la garde » affirme la leader. « Nous sommes dans une situation d’urgence sanitaire. La diminution de la surveillance de la circulation sur les fleuves ne devrait pas arriver ».

Pour contrer la dissémination du coronavirus, le gouvernement brésilien a annoncé la semaine dernière la fermeture de toutes les frontières terrestres, dont celle avec la Guyane Française, pour les étrangers, ce qui, en théorie, devrait signifier une plus grande vigilance.

Selon les rapports des communautés qui vivent en Amazonie sur le territoire français, les envahisseurs arrivent aussi par la terre. « Ces personnes arrivent armées et sont dangereuses » disent les autochtones.

Des dénonciations similaires sont aussi faites auprès de WWF. « Nous avons reçu le témoignage d’une jeune qui habite là-bas. Elle dit : "Ces jours, la tension monte, l’eau est vraiment sale et les orpailleurs illégaux sont très nombreux" », nous dit Laurent Kelle, directeur de l’ONG en Guyane Française.

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Selon le récit, le fleuve Maroni, à la frontière entre la Guyane Française et le Suriname, est contaminé par les déchets des orpailleurs, et il n’est plus possible de pêcher ou de nager sans que le corps en sente les effets. « Nous avons besoin d’aide. Nous sommes en danger », alerte le message reçu par Kelle.

Questionné sur la vigilance à la frontière avec la Guyane Française pendant la pandémie, le Ministère de la Défense brésilien a répondu par mail : « Les forces armées continuent d’agir aux frontières en soutien aux organes de sécurité fédéraux avec les mêmes effectifs ». La note, cependant, n’a pas mentionné le nombre d’officiers affectés à cette tâche.

Bien qu’ils aient confirmé la réception des rapports des autochtones à propos de l’augmentation des orpailleurs illégaux, les autorités de Guyane Française ont dit à DW Brasil qu’elles n’avaient pas constaté ce flux plus important.

« La protection des populations autochtones est une priorité du gouvernement, et les rapports récents qui suggèrent une augmentation de l’orpaillage illégale dans la région sont prises très au sérieux » affirme Marc Del Grande, représentant du gouvernement français en Guyane Française.

Dans le cas où des mesures ne seraient pas prises, les autochtones ont dit qu’ils prévoyaient de barrer eux-mêmes le passage des bateaux sur le fleuve.

« Orpailleur est synonyme de Brésilien »

Avec une surface de 84 000 kilomètres carré, la Guyane Française, couverte par la forêt amazonienne, est un département d’outre-mer de la France. Sur ses 290 000 habitants, 15 000 sont autochtones, appartenant à six ethnies. Ce territoire est historiquement marqué par l’exploitation de l’or depuis l’arrivée des Européens, et la présence de Brésiliens dans les mines d’or illégales est connue et étudiée par des chercheurs.

Selon les chercheuses Joana Domingues Vargas, de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro, et Jania Diógenes Aquino, de l’Université Fédérale du Ceará, on estime à 480 orpailleurs clandestins en activité dans les forêts de Guyane Française. Dix mille Brésiliens en situation illégale constituent la force de travail.

La plus grosse partie du marché est nourrie par l’illégalité : seulement 20% de l’or extrait vient de l’exploitation minière légale, et la route principale de la contrebande passe par Oiapoque, la ville frontalière d’Amapá, évoquent les chercheuses.

Décio Horita Yokota, coordinateur exécutifs adjoint de l’Institut de Recherche et de Formation Indigène (Iepé), accompagne aussi ce scénario dans la région frontalière. « En Guyane Française, orpailleur est synonyme de Brésilien » résume-t-il.

Les impacts de ce marché retombent particulièrement sur les populations autochtones des deux côtés de la frontière. « L’utilisation intensive de mercure dans l’orpaillage, ainsi que les activités mafieuses qui lui sont liées, menacent les autochtones de Guyane Française » affirme Yokota. « C’est une région où il y a des autochtones isolés et des ethnies qui transitent entre les deux territoires » complète-t-il.

Dérivation de la rivière causée par l’exploitation minière
© Renata Fernandes - Agência Minas

Les ethnies Teko, Wayana et Wayãpi sont celles qui souffrent le plus de ces impacts, affirme Labonté, de la Coica.

À la différence de la constitution brésilienne, la constitution française ne reconnait pas les populations autochtones comme peuples originaires ayant des droits sur un territoire habité ancestralement.

« Le gouvernement français refuse de reconnaître les autochtones, et ce refus est une menace encore plus grande que celle qui vient avec l’exploitation minière, puisqu’il nous empêche l’accès à nos droits internationaux, comme le droit à consultation préalable et informée en cas de projets entrepreneuriaux sur les territoires autochtones » critique Labonté. « Ces droits sont intimement liés à la protection de la forêt amazonienne elle-même  », affirme la leader autochtone.

Menace et confinement dûs au Covid-19

Au-delà des invasions, la pandémie du coronavirus a engendré encore plus de difficultés pour les autochtones. Isolés dans leur communauté, avec des familles nombreuses, ils n’ont pas de quoi communiquer avec les hôpitaux en cas d’urgence.

« Beaucoup d’argent est gaspillé, et le prix de l’or a augmenté. Donc, l’exploitation minière va augmenter, et nous devons nous préparer au pire après cette pandémie », prévient Labonté.

A propos du combat contre l’orpaillage illégal, le gouvernement français affirme que les militaires, les policiers et les agents de douane brésiliens et français coopèrent le long de la frontière, avec des actions prévus entre Cayenne, la capitale de la Guyane Française, et Brasilia.

«  En 2008, un accord a été signé pour garantir la lutte coordonnée contre l’extraction illégale d’or, ratifié en 2013, avec une entrée en vigueur en 2015. Depuis lors, diverses opérations conjointes sont réalisées » dit Del Grande.

Les autochtones affirment que, dans la pratique, rien n’a changé. « Les choses vont vraiment mal aujourd’hui, mais les orpailleurs brésiliens sont un problème depuis longtemps. Ils ne détruisent pas seulement l’environnement et la qualité de l’eau, mais ils ont aussi de l’argent, et à cause de ça les prix montent », dit Labonté.

« Comme tout est plus cher, la communauté n’arrive pas à acheter les aliments et d’autres biens de première nécessité. Et avec le confinement, à cause de la pandémie, c’est encore plus dur pour nous de dénoncer et de combattre cette situation » déplore-t-elle.

Voir en ligne : DW Brasil - « Indígenas na Amazônia denunciam aumento de garimpo ilegal durante pandemia »

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