UNICEF- Brésil montre le lien entre le taux d’assassinats de jeunes et le décrochage scolaire

 | Par Ponte Jornalismo, Yasmim Restum

Lors d’une conférence à Rio, des adolescents ont demandé une plus grande participation dans la construction des politiques publiques d’éducation pour combattre la violence : « On ne se rend pas compte qu’on viole nos droits parce que nous ne les faisons pas valoir ».

Traduction : Marie-Hélène Bernadet pour Autres Brésils
Relecture : Du DUFFLES

Des jeunes et des spécialistes affirment que l’éducation est la meilleure arme pour combattre la violence. Cette vision commune a été la base des discours du séminaire organisé à Rio de Janeiro le 17 juin 2019 par l’Unicef (Fonds des Nations Unies pour l’Enfance) et l’ONG Cidade Escola Aprendiz.

D’après Patrick Medeiros, étudiant et membre des projets de l’Unicef, exclure les jeunes de l’élaboration et de la mise en place de politiques publiques, dont le but est de les protéger, finit par compliquer la prévention de la violence : « On ne se rend pas compte que nos droits sont violés parce que nous ne les faisons pas valoir. Ils sont niés depuis toujours. Un syndicat actif et une permanence pour les jeunes peuvent être des mécanismes de protection. Si l’Etat n’assiste pas ceux qui souffrent de la violence, cela n’a pas de sens. Participer, c’est protéger », a-t-il assuré.

Le séminaire a rapporté des données de référence montrant une relation de cause à effet entre le taux d’assassinats d’enfants et de jeunes et l’absentéisme scolaire. « Le Brésil possède le nombre le plus élevé de morts d’enfants et d’adolescents entre 10 et 19 ans : 32 par jour. Dans le Ceará, nous avons développé une étude qui a montré que 70% des adolescents assassinés n’allaient plus à l’école depuis plus de six mois », a donné comme exemple Florence Bauer, la représentante d’Unicef Brésil, à partir de données de l’Unicef et de DataSus, du Ministère de la Santé. « L’école est le meilleur moyen de les protéger de la violence, mais c’est également la violence qui, le plus souvent, les empêche d’aller à l’école », poursuit-elle.

Selon l’ONG Redes da Maré, dans le bulletin "Droit à la sécurité publique de la Marée" les opérations de police interfèrent directement dans la vie quotidienne des gens dans la favela de Rio de Janeiro, notamment depuis la fin de de la mesure judiciaire de l’« Ação Civil da Maré (ACP) » qui formule une série de recommandations sur la manière dont la police doit procéder lors de ses interventions dans les communautés : Selon leur projet De Olho na Maré, en 2017, 35 jours d’école ont été interrompus. La même année, les postes de santé ont été interrompus pendant 45 jours. En 2019, tous les chiffres sont en augmentation : jusqu’en Juin on comptait déjà 21 opérations et 27 personnes tuées. En conséquences des opérations, les ecoles ont été fermées pendant 10 jours ; de même pour les postes de santé.
 

L’étudiante Bárbara Tavares (en photo), coordinatrice du projet Buquê de Inclusões, a critiqué la faible mobilisation des syndicats et des représentants de classe dans la défense des étudiants face aux directeurs des établissements. « Actuellement, le rôle des représentants de classe et des syndicats d’étudiants se limite à remettre des documents au directeur mais ils pourraient faire bouger les choses et améliorer notre relation avec les professeurs  », regrette-t-elle.

Ayant réfléchi à ces difficultés, l’étudiante Lays dos Santos a intégré le groupe d’élaboration du Manifeste Jeune pour la Fin de la Violence, à Johannesburg, en 2018. « Le rapport de la violence dans les écoles et dans le cadre scolaire se répète et ce manifeste est le seul à pouvoir rompre ce cycle. Vers qui les jeunes peuvent-ils se tourner ? Nous avons besoin de plus de sécurité à ce niveau-là », affirme Lays.

Le manifeste fait de ces jeunes des acteurs responsables et respectueux qui font entendre leur voix, prennent leurs responsabilités et exigent d’être pris au sérieux à travers des mesures claires et établies : loi de restriction des armes, sécurité sur le chemin de l’école, installations sécurisées, moyens accrus de la communauté scolaire, enseignement sur le consentement sexuel et réponses apportées à la violence sexuelle.

Rocio Aznar Daban, spécialiste en Protection de l’Enfance et de l’Adolescence à l’Unicef, a mentionné les différents types de violence pouvant s’exercer dans le contexte scolaire, comme la violence pratiquée par des professeurs et des fonctionnaires dans les écoles, la violence entre les élèves ainsi qu’au sein de leurs familles et de la communauté. « Souvent, les enfants victimes de violence connaissent des problèmes de concentration, évitent les activités scolaires ou souhaitent quitter l’école, ce qui réduit leurs perspectives académiques et professionnelles », analyse Rocio.

Une autre élève a également ajouté le préjugé dont sont victimes certains étudiants :

« J’ai déjà été obligée de rentrer à pied parce que le chauffeur ne veut pas arrêter le bus pour ceux qui portent la chemise de l’école publique », se souvient-elle.

Les étudiants ont également insisté sur les problèmes pour gérer les trajets dangereux jusqu’à l’école : « Les tirs et les opérations policières aux heures d’entrée et de sortie des écoles, la difficulté de déplacement entre les zones de factions rivales parce qu’il est souvent impossible de s’inscrire dans l’école la plus proche de son domicile. Nous sommes menacés dans ces zones... Cela m’est arrivé et peut également arriver à d’autres », a témoigné Rafael Barbosa, étudiant et
danseur du projet RAP da Saúde.

Lire aussi de Glauber Sezerino, Pour Autres Bresils et Basta Mag,

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Les défis du moment politique

Des spécialistes ont fait part de leur inquiétude concernant le scénario politique actuel et les récentes coupures de budget dans le domaine de l’éducation. « Nous sommes dans un moment très délicat de rupture avec ce que nous avions construit. Il est nécessaire de réaffirmer nos droits dans les différentes politiques publiques du pays qui subissent un démantèlement et un tarissement des finances à cause de l’amendement 95 », a dénoncé José Ferreira da Cruz, vice-président du Collège National des Instances Municipales d’Assistance Sociale.

L’amendement 95 (voté en 2016, NdT), connu également sous le nom de Projet d’Amendement Constitutionnel de la Mort (PEC da Morte), rompt le contrat social signé par la Constitution Fédérale de 1988 rendant l’Etat responsable de la garantie des services sociaux. Le gel du budget de ces secteurs pendant 20 ans a été présenté par le gouvernement comme une mesure de réduction des dépenses face à la crise des coffres publics.

Cet amendement a créé une grande polémique, provoquant des manifestations contraires et favorables dans tout le pays. Cependant, les enseignants et les universitaires pensent qu’il peut détruire les acquis en matière d’éducation au Brésil.

Lors de la conférence au Museu do Amanhã (à Rio de Janeiro, NdT), on a discuté de comment l’éducation interfère dans la sécurité publique et vice-versa. | Photo : Yasmim Restum/Ponte Jornalismo

« Ils construisent une mauvaise opinion de l’éducation, mais nous allons résister. Nous savons combien les professeurs sont importants dans ce moment politique difficile. Nous ne pouvons nous soumettre aux attaques des réseaux sociaux ni aux manifestations isolées négatives », a revendiqué Lenine Rodrigues Lemos, président de la section de la Undime (Union Nationale des Dirigeants Municipaux de l’Education), à Rio de Janeiro.

Voir en ligne : Estudo do Unicef mostra relação entre taxa de assassinatos de jovens com a evasão escolar

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