Aujourd’hui, 6,3 millions de personnes sont employées domestiques au Brésil. La plupart sont des femmes noires.
Pour plus de contexte, le dossier Autres Brésil sur les employées domestiques (2016). En 2009, une étude réalisée par l’OIT plaçait le Brésil parmi les pays comptabilisant le plus d’employées domestiques au monde. On estime qu’elles sont entre 6.5 et 7.2 millions au Brésil, et que 93% sont des femmes dont 61.6% sont noires. Cette profession est également directement liée au travail informel puisque près de 75% des employés domestiques n’ont pas de carte de travail [1]
Lettre manifeste des enfants d’employées domestiques et journalières sans quarantaine
Aux pouvoirs publics, aux employées domestiques et à toute la société civile.
L’objectif de cette lettre est d’activer une politique du bien commun, pour laquelle les actions individuelles sont primordiales pour le bien-être de la collectivité. Considérant que, selon l’OMS, nous sommes au milieu d’une pandémie, les recommandations internationales de rester en isolement et en quarantaine volontaires sont momentanément nécessaires et nous devons limiter la coexistence sociale.
Lorsque nous constatons que les membres de nos familles, employées domestiques et journalières continuent à travailler normalement, nous insistons sur l’URGENCE de veiller à la quarantaine stipulée par les autorités et nous exigeons la REMUNERATION des employées domestiques et journalières par leurs employeurs afin de pouvoir respecter les exigences de précaution dans la lutte contre la propagation du COVID-19.
L’isolement social est crucial et va bien au-delà de la relation de travail. C’est un moyen efficace d’éviter l’exposition dans des transports publics bondés et d’autres situations qui favorisent la contamination massive, entraînant une contagion communautaire, comme cela se produit déjà. Elle comporte des risques pour les employeur·es et les employé·es.
À Miguel Pereira, dans le sud de l’État de Rio de Janeiro, une femme de 63 ans est morte du nouveau coronavirus. Elle avait continué de travailler chez son employeur à Rio de Janeiro, qui avait déjà été diagnostiqué positif au COVID-19 à son retour d’un voyage en Italie.
Les employé·ees domestiques appartiennent à une catégorie de travailleurs qui représentent le Brésil. Selon l’IBGE, les professionnels qui fournissent des services à domicile - incluant les jardiniers, les femmes de ménage, les nourrices et les travailleurs journaliers - représentent un total de 6,3 millions de personnes. Tou·tes ces professionnel·les sont économiquement actifs et actives dans le pays.
De ce groupe, 1,5 million ont un contrat de travail avec des droits du travail. Un deuxième groupe de 2,3 millions n’ont pas de contrat de travail et un troisième groupe de 2,5 millions de personnes sont des travailleurs journaliers, les rendant l’un des groupes les plus économiquement vulnérables dans le scénario actuel.
La situation de la pandémie indique que le plus grand nombre de travailleurs, à l’heure actuelle, (avec un grand risque de contagion) sont impuissants face à la législation du travail. Les travailleuses journalières sont dans une situation encore plus précaire et vulnérable, sans contrats légaux permettant, par exemple, de négocier des avances sur leurs congés. Pour cette raison, ils rencontrent encore plus d’obstacles pour se maintenir économiquement et garantir la sécurité des membres de leur famille, puisqu’ils sont payés à la journée.
Depuis des années, nos mères, grands-mères, tantes, cousines ont consacré leurs vies à d’autres familles, nous sommes tou·tes affecté.es par cette "relation de travail" [2] rétrograde et attachée à des modes d’esclavagiste. Notre vie a été marquée par ce contexte qui doit être repensé par toute la société, en particulier par les employeurs. Dans ce contexte, nous, les filles et les fils d’employées domestiques et journalières, vivons les dérangements que nos proches nous rapportent [3] :
Ma grand-mère a travaillé pendant des années dans une maison familiale. Elle avait 63 ans. Elle arrivait à 6 heures du matin, deux fois par semaine, puis se mettait à cuisiner, à repasser, à laver la terrasse... pour ne gagner que 100 R$, sans aide au transport. En janvier, elle est morte et on a reçu message par whatsapp « Dona Conceição, je me suis arrangée pour que quelqu’un d’autre prenne votre place, puisque vous n’êtes plus venue, ma maison est toute sale parce que les murs ont été peints ».
Nicole Nascimento, Japeri/RJ
Ma mère travaille depuis l’âge de 6 ans comme employée domestique et journalière. Je l’ai souvent vue aller travailler malade pour tenir ses engagements. Même en parlant des risques du Corona, elle ne peut pas se permettre d’être licenciée. Les domestiques prennent de grands risques et représentent une grande possibilité de contagion, surtout dans les transports métropolitains".
Marcelo Rocha - Mauá/SP
Mainha [4] est journalière. Elle est tous les jours dans une maison différente. Ce lundi, quand le coronavirus a explosé, mon frère m’envoie un zap [5] disant que notre mère ne voulait pas rentrer à la maison parce que la patronne lui aurait dit qu’elle avait de la fièvre et que c’était à ma mère d’être vigilante. Cet épisode a fait que Mainha prenne une douche de gel d’alcool, non pas par désinformation, mais de FRAYEUR que quelqu’un qu’elle aime, puisse attraper le coronavirus chez elle.
Yane Mendes, 28 ans- Toto-Recife PE
Je me souviens de plusieurs histoires, du travail excessif, de la surcharge de travail et je la vois encore travailler à 66 ans, même à la retraite. Une fois, une situation s’est produite, une non, plusieurs fois, elle a dû quitter le travail pour cause de maladie et elle m’a demandé d’appeler pour les informer de son absence, alors je l’ai fait et j’ai entendu : « Quand ta mère reviendra-t-elle ? » A l’époque, ma réponse a été la bonne : « Tout simplement, quand elle ira mieux ! »
Laura Cristina, 29 ans- Santa Luzia/MG
Ceci dit, nous présentons des mesures concrètes qui peuvent et doivent être respectées par les employeurs, dans un objectif de bien commun :
- Arrêt immédiat et rémunéré des employées domestiques, qu’elles aient un contrat signé ou non, et des travailleuses journalières ;-* Avance sur congés, le tout ou en partie ;-* Si la salariée vit chez son employeur et fait partie d’un groupe à risque, elle ne peut être placée dans des situations de risque de contagion, telles que : aller dans des supermarchés, des pharmacies, des centres commerciaux et d’autres espaces publics, évitant ainsi toute forme d’agglomération.
Cette lettre est signée par les filles et les fils d’employées domestiques et de journalières en faveur de la santé et du soin collectifs et au-delà de tout, de la vie de leurs mères !