L’Université de l’Etat de Rio de Janeiro instaure les quotas chronique de Sueli Carneiro, chercheur au CNPq et directrice du Geledés

 | Par Sueli Carneiro

Le débat sur le système des quotas se renforce et occupe de nouveau l’espace médiatique suite à la décision de l’Université de l’Etat de Rio de Janeiro (UERJ) d’appliquer la loi réservant un certain nombre de places aux élèves noirs et métisses.

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Selon Hélio Santos [1], il y a quatre arguments fondamentaux contre l’application de cette discrimination positive : elle est contraire au principe d’égalité ; elle remet en cause le principe du mérite ; elle masque le problème structurel de l’inégalité due à la pauvreté ; et le métissage qui la rendrait inapplicable à cause de l’impossibilité de déterminer qui est noir au Brésil.

Tous ces arguments s’alternent dans le débat actuel révélant ce qu’il y a de mieux dans les quotas c’est-à-dire leur capacité à démasquer le racisme, la discrimination raciale et à expliciter la véritable nature de ces idéologies : la légitimation des privilèges raciaux et sociaux. Ils obligent les divers intérêts engagés et les bénéficiaires de l’exclusion à se manifester. Et c’est pour cela que les quotas peuvent galvaniser l’opinion publique parce que le monopole historique des groupes raciaux dominants ayant accès aux positions sociales les plus hautes se trouve menacé. Pour le préserver, plusieurs discours sont mis en avant.

La défense d’une école publique de qualité, vieille revendication des classes populaires, entre dans la rhétorique des classes moyenne et aisée comme solution pour empêcher que les exclus du droit au savoir ne souillent avec leur « bas niveau » le bastion de la reproduction des élites constitué par les universités publiques qu’elles ont privatisé.

La presse apporte sa contribution en construisant un consensus négatif sur la question soit en prenant une position éditoriale, soit en préférant offrir ses espaces aux détracteurs et en occultant ou en donnant des espaces plus petits aux défenseurs. Ils s’articulent sur le double intérêt du maintien du status quo excluant et, comme l’avance le sociologue José Ricardo dans un article sur « Lista Racial on line », « cette campagne contre le système des quotas montre l’intérêt des écoles privées et du monopole de ces cours qui préparent à l’examen de fin d’études secondaires horriblement chers qui voient ainsi diminuer leur nombre d’élèves reçus. Et qui possèdent une grosse part du marché publicitaire dans ce type de média ».

Pour compléter ce rouleau compresseur, le monde juridique se mobilise en réaffirmant la conception libérale classique de l’égalité qui, comme le souligne Norberto Bobbio dans Liberalismo e democracia, est un principe égalitaire car « il élimine une discrimination antérieure ». Cet artifice masque intentionnellement les nouveaux sens que la lecture contemporaine vient donner aux notions de démocratie et d’égalité, abandonnant le caractère formel qui leur a été donné dans la tradition libérale qui est formulé de la façon suivante par Bobbio :
« l’égalité des droits comprend l’égalité dans tous les droits fondamentaux énumérés dans une constitution, du moment que peuvent être définis comme fondamentaux ceux et seulement ceux dont peuvent bénéficier tous les citoyens sans discrimination de classe sociale, de sexe, de religion de race, etc. ».
A l’opposé de ce point de vue, les détracteurs du système des quotas contribuent à en finir une fois pour toutes avec le vieux mythe de la démocratie raciale. Grâce aux quotas, le racisme brésilien se voit contraint d’abandonner sa « cordialité » hypocrite.

Pour finir, un autre type de message est employé. C’est celui qui cherche à faire honte et à stimuler chez les Noirs le complexe d’infériorité et de culpabilité quant à leur entrée dans les universités via les quotas en les induisant à considérer que les quotas seraient une preuve de leur incapacité, que leur entrée dans ces conditions signerait la mort de l’enseignement supérieur. Ce sont des arguments qui convient les Noirs à accepter la compétition inégale instituée ou à se conformer à la prédiction, imposée par le racisme, que les titres universitaires demeurent un monopole des groupes sociaux et raciaux dominants. La boucle ne pourrait être bouclée sans le concours de la victime. Il faut la rendre complice de son exclusion pour que l’appareil idéologique acquiert sa légitimité complète. Pour cela des espaces généralement inexistants sont offerts aux Noirs dans les médias pour que quelques-uns donnent leur voix pour défendre les thèses des « patrons ».


Source : CMI - Brésil - 13/11/2003

Traduction : Sandrine Lartoux pour Autres Brésils


[1Helio Santos est professeur à l’Université de Sao Paulo (USP)

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