Bien que la communauté soit située très près de la zone urbaine et à quelques mètres de l’Avenue du Japon, une route très fréquentée, la majorité des habitants de Mogi ignorent l’existence de ce village.
Luis Wera Jyekupe Lima, 60 ans, est cacique et habitant de la communauté M’Boiji. Il raconte que les chefs et les membres du village ont choisi de rester dans l’anonymat pendant 16 ans et que ceci faisait partie d’une stratégie de préservation de la culture, c’était aussi une façon de garantir la sécurité des natifs.
« Nous sommes ici depuis très longtemps mais nous préférons rester éloignés. Cette distance avec les juruás (non autochtones en tupi-guarani) nous a permis de continuer à vivre selon nos coutumes et nos traditions », explique le cacique.
Toutefois, suite à la pandémie, les habitants du village ont décidé de mettre fin à l’éloignement et ont demandé l’aide financière du Secrétariat à la Santé de Mogi das Cruzes. Luis raconte que la gestion municipale a été étonnée d’apprendre l’existence de la communauté. « C’était nouveau pour les autorités. Eux non plus ne savaient pas que nous étions ici depuis tant de temps, puisque l’existence de notre tekuá (village) n’a jamais été dévoilée », rapporte-t-il.
En janvier de cette année, au début de la campagne de vaccination infantile contre la Covid-19, les membres du village M’Boiji ont commencé à être connus par les habitants de la ville. A ce moment-là, Mirindy, 6 ans, a été le premier à être vacciné, suivi par cinq autres enfants autochtones. Ça a fait boule de neige, rendant la communauté plus populaire dans la région de Alto Tietê.
Pourtant, avant que ne soit effectuée cette ouverture, il y eut un long processus de décision entre les membres du village. « Nous nous sommes préparés pour cette ouverture. Cela a été une décision organisée et discutée avec toutes les familles », explique-t-il.
Luis affirme que bien que les aînés aient donné leur accord pour l’ouverture de la communauté, beaucoup ont choisi de rester éloignés, par crainte d’être victimes de persécutions. « Nous avons des parents qui vivent reclus et nous respectons cela. Beaucoup d’anciens ont peur de vivre les mêmes oppressions que leurs ancêtres ».
D’après Luis, le village de M’Boiji s’est construit avec l’arrivée de peuples autochtones qui vivaient déjà dans la région, originaires du grand village Takuasé, dans une zone où se trouve actuellement la commune de Itaquaquecetuba.
« Mon peuple a vécu pendant des décennies en guerre contre les envahisseurs et les bandeirantes . Ceci a fait que beaucoup de gens se sont réfugiés dans d’autres régions au climat plus chaud, comme dans le village Rio Silveira, à Bertioga. Cependant, certains sont restés dans la région de l’Alto Tietê”, affirme-t-il.
Les autochtones vivant dans la communauté M’Boiji cohabitent au quotidien avec le contraste de deux réalités différentes. Bien qu’ils soient intégrés dans le village, ils sont également proches des zones urbanisées.
« Nous rencontrons quelques difficultés. Nos keringués (enfants) ont l’habitude de mettre peu de vêtements et ils se sentent un peu intimidés par les juruás (non autochtones) », commente le cacique.
Luis explique qu’il y a actuellement 42 familles de l’ethnie tupi-guarani qui vivent à Mogi das Cruzes mais qu’il n’y a pas assez de logements pour tous dans le village de M’Boiji. C’est pour cette raison que la plupart des autochtones vivent intégrés dans l’environnement urbain ou dans d’autres villages qui restent méconnus.
« Nous travaillons à une meilleure organisation du village afin de faire revenir d’autres parents. Nous ne voulons pas qu’ils subissent l’influence de la vie urbaine, qu’ils s’attachent uniquement à des biens matériels, à des vices et qu’ils cessent de respecter la nature », explique-t-il.
Education
Dans le village, il y a une école où 11 keringués âgés de 6 ans étudient tous les jours. Ils suivent des cours de guarani, de langue portugaise, de chant, de danses et un enseignement sur la faune et la flore.
Le cacique explique que l’éducation est primordiale pour la survie de la culture autochtone.
« Ceux qui sont nés au XXIème siècle doivent étudier, chercher la connaissance et apprendre à utiliser la technologie à leur avantage. Cependant, l’autochtone a également besoin de comprendre d’où il vient ainsi que la valeur de notre culture », affirme-t-il.
Actuellement, les chefs du village de M’Boiji participent à des réunions avec le Secrétariat à l’Education de la municipalité. Les autochtones demandent que leur école soit intégrée au réseau d’enseignement municipal. Ainsi, la communauté pourra recevoir l’aide financière nécessaire au maintien du fonctionnement de l’école.
« Un peuple qui ne préserve pas sa culture est un peuple sans âme. Nous devons préparer nos xondaros (jeunes guerriers) à poursuivre notre combat. C’est pour cela que nous nous battons pour l’éducation de nos keringués ».