Source : Carta Maior - 15/10/2015
Traduction pour Autres Brésils : Roger GUILLOUX
(Relecture : Pascale Vigier)
J. Batista – Chambre des députés. Cunha, des membres de l’opposition et des membres de mouvements tels que Revoltados Online, Movimento Brasil livre [1] lors d’une soi-disant manifestation contre la corruption.
Au cours des mois qui ont précédé sa candidature à la Présidence, Fernando Henrique Cardoso se refusait à suivre les conseils de ses coreligionnaires du PSDB [2] et à former une alliance avec le PFL. Aujourd’hui, déguisé en Démocrates, ce parti d’Antonio Carlos Magalhães et des « coroneis [3] » du même acabit, représentait selon FHC, « ce qu’il y avait de pire dans la politique ». Entre 1995 et 2002, le Vice-président de FHC était Marco Maciel, du PFL !
Pendant des dizaines d’années, Luiz Inácio Lula da Silva, a dirigé un PT [4] dont la bannière principale était celle de « l’éthique dans la politique ». Arrivé au pouvoir, Lula a vu se développer sous ces yeux, un scandale de corruption qui a conduit en prison plusieurs des principaux cadres du parti et un autre qui en vient à laisser la République sens dessus dessous.
Le (tristement) célèbre présidentialisme de coalition mis en place par le PSDB et le PT a apporté des améliorations historiques au Brésil. Et tout particulièrement, la stabilisation monétaire avec le contrôle de l’inflation et une réduction significative de la pauvreté qui a retiré le pays de la carte mondiale de la faim. En même temps, cependant, cette forme de gouvernement a donné au Brésil un système politique qui représente ce qu’il y a de pire, d’extrêmement anti-éthique et qui essaie de se maintenir aux dépens des intérêts de la propre population.
Rien n’est plus représentatif de cette situation que la cour que le gouvernement et l’opposition, le PT et le PSDB, font pour mettre de leur côté, le Président de la Chambre des Députés, Eduardo Cunha [5] du PMDB [6] de Rio de Janeiro.
Il est difficile d’exagérer les accusations contre Cunha. Il fait l’objet d’une enquête de la part de la Commission des Valeurs Mobilières pour avoir porté préjudice à un fonds de pension des fonctionnaires de Rio de Janeiro, il a été cité par cinq délateurs [7] comme étant l’un des bénéficiaires des pots-de-vin millionnaires de l’opération « Lava Jato », il a menti lors de la CPI de la Petrobras, il dispose de comptes en Suisse qui ont été utilisés par son épouse, il a été dénoncé par le Ministère Public pour corruption et blanchissage d’argent et peut être inculpé d’un moment à l’autre.
Le côté « voleur de grand chemin » [8] du Président de la Chambre des Députés n’est pas une nouveauté. En 2014 déjà, l’ex-ministre de l’Education avait fait un diagnostic peu aimable de ce membre du PMDB. « Ce type doit être, entre mil escrocs, le chef de bande ».
Et malgré tout cela, l’opposition a aidé Cunha à devenir Président de l’Assemblée et pendant des mois l’a soutenu, pensant qu’il pourrait être l’artifice de la procédure de destitution de la Présidente, une forme de coup d’État imaginée comme une option par le PSDB, pour remédier à l’échec aux dernières élections. Maintenant et malgré la publicité donnée aux scandales de Cunha, une partie du PSDB a adopté ce que le Sénateur Cássio Cunha Lima (PSDB de la Paraiba) a appelé une « éthique sélective ». Un seul membre de ce parti a signé une demande de mise en accusation de Cunha au Conseil de l’Ethique. Certains membres de l’opposition vont même jusqu’à présenter leurs excuses suite à la note qui suggère son retrait de la présidence de l’Assemblée.
L’attitude de respect inattendu du PT vis-à-vis de Cunha manifestée lors de la présentation de la note liminaire du Tribunal Suprême Fédéral qui a sapé la dynamique de destitution, doit rendre furibonds les membres du parti les plus sensés. Cunha s’est construit et s’est enrichi, selon ses délateurs, à partir de combines dont les membres du PT ont également profité aussi bien dans le cas du mensalão [9] qu’actuellement, dans le cadre des enquêtes liées à l’opération Lava Jato.
Si Cunha avait réellement le dernier mot en ce qui concerne la désignation du directoire international de la Petrobras, comme l’affirment les dénonciateurs, c’est parce que le gouvernement du PT le couvrait. La présence de Lula à Brasília est à la fois symbolique et embarrassante dans la mesure où, d’après ce qu’on dit, elle aurait eu pour but de sauver Cunha afin de sauver Dilma. Il est difficile d’imaginer un moment plus décourageant et plus triste dans l’histoire de ce parti et, de plus, en contradiction avec l’attitude de 32 députés qui ont signé une motion contre Cunha.
Dans un moment politique où tous les moyens sont bons, le PSDB et le PT veulent le pouvoir pour le pouvoir. Le premier, par une manœuvre irresponsable visant à faire tomber le gouvernement élu et le second voulant éviter à tout prix cette chute, ce qui est moins grave, mais pas beaucoup moins, étant donné l’absence de projet et de vision du gouvernement.
De cette manière le PSDB et le PT détruisent toute perspective possible, pour l’un comme pour l’autre, de représentation ou même de participation à d’éventuelles tentatives de rendre le système politique brésilien plus légitime à la population. Le régime qu’ils ont créé, l’un après l’autre, entre 1995 et 2012 a été durement attaqué en juin 2013 mais il essaie quand même de s’accrocher et vole l’énergie et ce qui reste de dignité à ces deux partis.
Le plus préoccupant, c’est que cette situation ne laisse entrevoir, à l’horizon, aucune alternative viable à la situation actuelle. Si le PSOL [10] et tout particulièrement ses représentants à la Chambre des Députés manifestent un surplus d’intégrité, en contrepartie, ce parti manque de compétence politique. Ciro Gomes, maintenant rattaché au PDT [11] fait un diagnostic parfait des problèmes du présidentialisme brésilien mais nous ne savons pas s’il a l’étoffe pour diriger un gouvernement qui refuse d’adhérer au système. Et Marina Silva qui a finalement réussi à légaliser son parti, la Rede Sustentabilidade [12], a beaucoup de mal à donner forme à son slogan de « nouvelle politique ». Et pendant ce temps, le pays continue à la dérive.
Notes de la traduction :