Desova (la ponte), ou l’acte de faire disparaître des cadavres

Laís Dantas, Fernando Sousa et Gabriel Barbosa*
Publié par : Brasil de Fato | Rio de Janeiro (RJ)
Traduction : Patrick Piro pour Autres Brésils

Desova  : frai, nous dit le dictionnaire. 1. Action de pondre des œufs (employé surtout pour les poissons) ; 2. Action de faire disparaître des cadavres, des voitures ou d’autres objets acquis illégalement.

Dans la Baixada Fluminense (zone Nord, populaire, du Grand Rio de Janeiro), les favelas et les zones périphériques de Rio de Janeiro, faire disparaître des corps est devenu d’autant plus complexe que la technique a été affinée, au cours du temps, avec la contribution directe et indirecte… des agents de l’État.

Et la persistance d’un taux élevé de disparitions forcées, dans la Baixada Fluminense prouve la perméabilité historique entre certaines institutions étatiques et la criminalité violente. La population de cette zone cohabite avec un certain nombre de cimetières clandestins et de sites de « ponte » de corps, cartographie complexe révélant une pratique systématique de dissimulation des cadavres par le biais de disparitions forcées.

Au point de départ de cette pratique, couramment : la capture violente de la victime. Elle est ensuite emmenée dans un lieu éloigné, où elle est torturée et assassinée, sans que les auteurs du crime ne laissent d’indices ni de traces, qu’il s’agisse du lieu de la captivité ou de leur propre identité. En général, les corps sont mutilés afin de compliquer l’identification de la victime et de la scène du crime.

Dans la Baixada Fluminense, l’existence de sites de « ponte » peuple l’imaginaire social, car la plupart des gens connaissent un bosquet, un terrain vague ou une rue où l’on retrouve couramment des corps. Sans oublier les rivières, qui constituent de véritables cimetières aquatiques dans la Baixada. Y compris le Guandu. Alors que cette rivière est une source indispensable d’approvisionnement en eau de la région métropolitaine, elle est aussi un important et notoire site de « ponte » de cadavres de la Baixada Fluminense.

Statistiquement, le gros des victimes de morts violentes intentionnelles (catégorie incluant les décès résultant d’interventions policières) est constitué par des jeunes Noirs et des personnes pauvres. Le fait que cette population soit la plus exposée à cette technique cruelle de disparition des corps reflète le poids majeur du racisme et des inégalités sociales dans la société brésilienne.

Selon une méthodologie de collecte systématisée des données n’établissant pas de catégories dans les disparitions forcées, la Baixada Fluminense, dont la population est majoritairement noire, compte pour environ 60 % des cas de disparitions dans l’État de Rio de Janeiro.

Le 30 août, il y a quelques jours, c’était la Journée internationale des victimes de disparitions forcées, une commémoration créée dans le but de donner plus de visibilité à ce type de violation des droits humains.

Pourtant, bien que le Brésil soit signataire des principaux traités et conventions internationaux ayant rapport avec les disparitions forcées, il n’a, à ce jour, établi aucune classification pour ce type de délit. On constate même une pratique prédominante d’omissions, de la part de l’État, dans le cas de dossiers de police traitant de disparitions de corps dans les zones périphériques et les favelas.

Si de nombreux défis entravent la résolution de ce problème à Rio de Janeiro et au Brésil, le principal réside dans l’utilisation, par la police, de la qualification généralisante de « personne disparue » pour désigner ces cas.
Cet enregistrement administratif, considéré comme « provisoire » tant que le cas n’est pas requalifié, se décline en une très grande variété de dénominations : abandon de personne déficiente, fugue du domicile par une personne affectée de problèmes psychiatriques (entre autres), etc. qui masquent des cas de disparitions forcées tels que déterminés par les conventions internationales.

Il est donc nécessaire de mettre en place des outils de classification et de catégorisation plus efficaces pour lutter contre ce phénomène, qui affecte des milliers de familles dans la Baixada Fluminense, mais aussi dans tout le Brésil. L’incertitude, quant au sort d’un proche chéri — et même si tout conduit à penser qu’il a été victime d’un homicide —, provoque une angoisse de deuil chez de nombreuses mères, qui finissent par tomber malades au cours d’un épuisant processus de recherche sans réponse. On en arrive à cette absurdité de revendiquer le droit, pour les mères, de pouvoir ne serait-ce qu’enterrer leurs enfants, afin de transformer la douleur de la perte en force pour continuer à avancer.

Voir en ligne : Desova, ou o ato de fazer desaparecer cadáveres

*Lais Dantas, cinéaste et réalisatrice du court métrage Desova ; Fernando Sousa et Gabriel Barbosa, Quiprocó Filmes, cinéastes et producteurs exécutifs du court métrage Desova

**Article d’opinion. La vision des autrice et auteurs n’exprime pas nécessairement la ligne éditoriale du journal Brasil de Fato.

PHOTO : Apesar do Brasil ser signatário dos principais tratados e convenções internacionais que versam sobre o tema do desaparecimento forçado, não há uma tipificação para esse tipo de crime - Crédit : Fernando Frazão/Agência Brasil

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