Crise climatique : l’Amazonie a soif

 | Par InfoAmazônia

Source : Outras Mídias (InfoAmazônia (Jullie Pereira, Renata Hirota et Carolina Passos)
Publié le 28 janvier 2025
Traduction : Lucca ROCHA
Relecture : Emma BERTHOMÉ

Presque 60% des communes amazoniennes ont été confrontées à un certain degré de sécheresse pendant toute l’année écoulée. Les villes où la situation est plus grave ont des maires opposés à la cause environnementale, selon le sondage. La lutte contre la sécheresse se résume à l’assistance, à l’envoi de membres de brigades et à la canalisation des rivières.

Plus de la moitié des communes de l’Amazonie légale [1] ont été touchées par la sécheresse pendant toute l’année 2024. Une analyse exclusive d’InfoAmazonia, basée sur les données du Centre national de surveillance et d’alerte des catastrophes naturelles (CEMADEN), révèle que sur les 772 communes de la région, 459 (59,5 %) ont souffert de ce problème climatique entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année dernière.

En septembre, au plus fort de l’été en Amazonie, la quasi-totalité des villes se trouvait dans une situation de sécheresse plus ou moins grave : 759 (98,3 %). À l’époque, le rapport a remonté le fleuve Solimões entre les municipalités de Tefé et Uarini, dans l’Amazonas, et a accompagné Ernan Pereira, un pilote qui soutient l’organisation scientifique Institut de développement durable Mamirauá, et a emmené les chercheurs dans les communautés riveraines touchées par le manque d’eau.

« Nous vivons une réalité [plus surprenante] d’année en année, surtout pour ceux qui naviguent et pour les populations riveraines qui vivent dans ces communautés », explique Ernan Pereira, un pilote qui soutient l’organisation scientifique Institut de développement durable Mamirauá.

De grands bancs de sable occupaient l’endroit où la rivière aurait dû se trouver, un des signes évidents du manque de pluie. Cette situation s’est répétée à plus ou moins grande échelle dans toute la région en 2024. Le CEMADEN utilise une classification en fonction de la gravité de la sécheresse (voir les détails de la méthodologie ci-dessous). Les indices les plus graves sont « sévère », « extrême » ou « exceptionnel », ce dernier étant le plus grave de tous. Les versions les plus « douces » de la sécheresse sont « faible » et « modérée ».

Une seule commune de l’Amazonie a atteint le niveau de sécheresse exceptionnelle : Tarauacá, dans le nord-ouest de l’Acre. Selon les données du CEMADEN, la région a connu ses pires niveaux de précipitations, de disponibilité dans le sol et de santé de la végétation.

« Il est très rare de voir une sécheresse exceptionnelle, car nous faisons la moyenne des valeurs des indices et, à la fin, cette moyenne est lissée. On prend les précipitations, on prend les sols, on calcule les écarts à la normale et on vérifie les classes. En janvier [2025], on prévoit des précipitations dans la norme, mais dans cette région de Tarauacá, les précipitations pourraient encore être inférieures aux prévisions », explique Ana Paula Cunha, chercheuse au CEMADEN et responsable du suivi de la sécheresse.

Tarauacá fait partie des villes amazoniennes qui ont connu la sécheresse toute l’année, avec des variations d’un niveau à l’autre, mais sans interruption. En janvier, la sécheresse était déjà modérée. À partir de juin, la sécheresse a été sévère ; en juillet, elle est devenue extrême ; en août, elle a atteint un niveau exceptionnel. Puis elle est revenue au niveau extrême jusqu’en octobre. En novembre, elle est retombée à un niveau de sécheresse sévère. Mais en décembre, elle a atteint une sécheresse extrême.

Les villes ont ressenti la sécheresse au moins une fois

Presque toutes les municipalités amazoniennes ont connu au moins une fois la version modérée du problème en 2024 : 747 (96,7%). La sécheresse sévère a été ressentie par 486 municipalités (63 %) et la sécheresse extrême par 74 (9,5 %). À Feijó, dans l’État d’Acre, où vivent 35 000 personnes, la population a été confrontée pendant dix mois à une sécheresse modérée, grave et extrême.

Selon M. Cunha, 2024 a été la pire année pour le Brésil en termes de sécheresse : « Végétation sèche, sol sec, températures élevées, faible humidité. Ces zones sont plus sensibles aux incendies, leur propagation est plus rapide, la mobilité est également très affectée et l’approvisionnement des rivières prend beaucoup de temps », explique-t-il.

En 2024, le déficit pluviométrique était si important que les principaux fleuves du bassin amazonien ont atteint leur niveau le plus bas de l’histoire. La température moyenne de la Terre a dépassé, pour la première fois, le seuil de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Depuis la signature de l’Accord de Paris en 2015, les scientifiques alertent sur la nécessité d’éviter ce dépassement.

Selon M. Cunha, le pays ne dispose pas d’un système de gestion des risques spécifique à l’Amazonie, ce qui compromet l’efficacité et la rapidité des réponses. InfoAmazonia a cherché à analyser la position des nouveaux maires élus dans les villes confrontées à la sécheresse de 2024, afin de comprendre s’il existe des perspectives de gestion plus agile dans les années à venir.

L’enquête a utilisé les données de l’indice total de convergence environnementale (ICAt) de l’Institut pour la démocratie et la durabilité (IDS), qui évalue l’engagement des parlementaires en faveur de l’environnement, avec une position favorable ou défavorable sur la question. Parmi les villes confrontées à une sécheresse sévère, extrême ou exceptionnelle, 117 (89 %) ont élu des maires ayant une très mauvaise note, c’est-à-dire des personnes défavorables à la cause environnementale. Les résultats montrent également que les maires favorables à l’environnement qui ont été réélus ont connu des sécheresses plus faibles.

Le politologue Marcos Woortmann, directeur adjoint de l’IDS, explique qu’il y a un manque de gestionnaires publics formés pour débattre, planifier et mettre en œuvre des idées qui créent des actions à court terme contre la sécheresse. Au cours des deux dernières années, la population amazonienne a été à la merci de propositions telles que la distribution de nourriture, l’envoi de membres de brigades et la canalisation des rivières, sans qu’aucun projet ne réduise réellement l’impact des événements extrêmes.

Woortmann affirme également qu’un plan d’adaptation est nécessaire au niveau municipal pour chacun de ces événements. « L’article 170 de la Constitution stipule que le droit à un environnement sain est un droit inscrit dans la Magna Carta. Ces personnes font exactement le contraire, elles agissent à l’encontre des meilleures données scientifiques et des connaissances traditionnelles, car les populations indigènes, les populations riveraines, ont également leurs propres interprétations de l’environnement », déclare-t-il.

Et 2025 ?

Le climatologue José Marengo, coordinateur général de la recherche et du développement au CEMADEN, a déclaré qu’en 2025, la région devrait ressentir les effets de La Niña. Ce phénomène climatique refroidit les eaux de l’océan Pacifique, mais il n’est pas encore possible de prévoir comment il se comportera. « Lorsqu’il y a La Niña, il y a une tendance à la sécheresse dans le sud et à la pluie en Amazonie, mais nous avons un océan Atlantique très chaud, ce qui ne favorise pas la pluie », explique-t-il. L’expert explique que c’est la raison pour laquelle la tendance à l’augmentation des températures en Amazonie se poursuivra.

Jusqu’en juillet dernier, un autre phénomène influençait le climat de la région : El Niño, un phénomène qui provoque le réchauffement des eaux de l’océan Pacifique. Cependant, Marengo explique que la sécheresse qui sévit en Amazonie n’est pas le résultat d’un seul événement isolé.

« La saison sèche est de plus en plus chaude. Elle s’aggrave pendant El Niño, mais El Niño n’en est pas la cause. Plusieurs études le prouvent. Certaines des causes sont, par exemple, la variabilité interdécennale dans le Pacifique et les oscillations multidécennales dans l’Atlantique. Mais le fond du problème, c’est le réchauffement climatique », précise-t-il.

Comment analysons-nous la sècheresse en Amazonie en 2024 ?

Dans cet article, nous recueillons et analysons les données semestrielles et mensuelles de l’indice intégré de sécheresse (IIS) du Centre national de surveillance et d’alerte en cas de catastrophe naturelle (CEMADEN), pour les communes de l’Amazonie légale, de janvier à décembre 2024.

L’IIS est une combinaison de l’indice de précipitations normalisé (IPS), de l’eau disponible dans le sol (EDS) et de l’indice d’alimentation en eau de la végétation (IAEV) ou de l’indice de santé de la végétation (ISV), tous deux estimés par télédétection, c’est-à-dire à partir de données satellitaires. L’indice IAEV comprend les classes suivantes : état normal (6), sécheresse faible (5), sécheresse modérée (4), sécheresse sévère (3), sécheresse extrême (2) et sécheresse exceptionnelle (1).

Pour évaluer les niveaux de sécheresse tous les mois et arriver au chiffre de 59,5 %, nous avons utilisé les données semestrielles sur la sécheresse publiées par CEMADEN, appelées IIS6. Selon l’agence, les indices semestriels montrent les niveaux consolidés de la sécheresse. Les indices mensuels sont utilisés pour analyser l’état de la sécheresse au cours d’un mois donné de l’Amazonie, comme le mois de septembre.

Les indices des communes ont également été comparés au comportement des maires élus en 2024 en ce qui concerne l’agenda environnemental, une analyse réalisée par InfoAmazonia sur la base de l’indice de convergence environnementale totale (ICAt) de l’Institut pour la démocratie et la durabilité (IDS).

Voir en ligne : Article original en portugais

[1L’Amazonie Légale est une aire géographique d’environ 5 millions de km2 et couvre 61 % du territoire brésilien. Elle comprend tous les États de la région Nord (Acre, Amapá, Amazonas, Pará, Rondônia, Roraima) ainsi que deux États de la région Centre-Ouest (Mato Grosso et Tocantins) et une partie de l’État du Maranhão (de la région Nordeste)

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