Le juriste Paulo Sérgio Pinheiro a récemment été mis sur une liste d’enseignants, de policiers et de personnalités publiques que le gouvernement et les services de renseignements brésiliens considèrent comme des « antifascistes ».
Dans une interview accordée à swissinfo.ch, Paulo Sérgio Pinheiro s’exprime sur les défis rencontrés durant sa carrière, le multilatéralisme, le rôle central des victimes dans les travaux de l’ONU et le fait d’être devenu une cible politique au Brésil.
swissinfo.ch : Après 25 ans passés au service de l’ONU, quel rôle pensez-vous que cette organisation internationale puisse réellement jouer pour protéger les droits de l’homme ?
Paulo Sérgio Pinheiro : Si l’on considère les Nations unies dans leur ensemble, les droits de l’homme ont été dès le tout début au cœur de l’organisation, à commencer par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Ils sont présents dans les décisions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité. Toutes les agences onusiennes protègent les droits de l’homme dans le monde entier. Mais l’organe le plus important qui assure cette fonction est le Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, dont les rapporteurs spéciaux en place depuis 1979 examinent la situation des droits de l’homme dans différents pays, avec l’aide du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme.
Avez-vous éprouvé des frustrations en raison des limites du rôle international ?
Seules les victimes – que je préfère appeler survivants – de violations des droits de l’homme peuvent ressentir de la frustration. Ceux d’entre nous qui tentent de mettre en lumière les violations des droits et de demander justice ne sont frustrés que par les organes des Nations unies qui ne fonctionnent pas comme ils le devraient. Après plus de dix ans de violations des droits de l’homme et de crimes de guerre, en Syrie par exemple, le dysfonctionnement du Conseil de sécurité fait que ces crimes ne sont pas jugés par la Cour pénale internationale. C’est non seulement frustrant, mais aussi inexplicable pour les survivants de la guerre.
Au Burundi, lors de votre première mission en 1995, on attendait vraiment que des progrès soient réalisés. Cela a-t-il fonctionné ?
Le rapporteur spécial n’a pas de baguette magique pour changer la situation dans un pays particulier. Mais la différence réside dans le fait qu’il y a eu des rapporteurs spéciaux et, après 2016, une commission d’enquête. La société civile locale est plus forte, et le gouvernement se sent habilité dans le domaine des droits de l’homme. Mon meilleur interlocuteur était le ministre des droits de l’homme, Eugène Nindorera, qui est devenu plus tard directeur des droits de l’homme des Nations unies pour les missions en Côte d’Ivoire et au Sud-Soudan.
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