São Paulo : trois leçons que la crise hydrique pourrait nous enseigner

 | Par Edson Aparecido da Silva

Source : Outras Palavras - 21/05/2015
Traduction pour Autres Brésils : Roger GUILLOUX
(Relecture : Mara DERSIGNY)

Depuis plus d’une année que dure la crise d’approvisionnement en eau qui affecte bon nombre de villes de l’État et toute la Région Métropolitaine de São Paulo (RMSP) peuplée de plus de 21 millions d’habitants et après la divulgation du bilan de la Sabesp [1] pour l’année 2014, nous disposons désormais d’éléments permettant de faire une brève analyse de cette crise.

L’absence de pluies et les températures élevées de l’été 2013-2014, entraînant une augmentation de la consommation d’eau, ont été le détonateur de la crise des systèmes d’approvisionnement, notamment du Système Cantareira [2].

La question à laquelle il faut répondre est de savoir si, en dépit des phénomènes observés antérieurement, il était inévitable que l’on passe par cette crise qui affecte de manière plus significative les périphéries de nos villes. La réponse est non.

Cela ne l’aurait pas été si le gouvernement de l’État avait traduit en actions pratiques les études et les projets existants depuis les années 1990 et s’il avait suivi les recommandations contenues dans l’arrêt du Département des eaux et de l’énergie électrique (DAEE) de l’année 2004 qui autorisa la rénovation de la concession du système Cantareira et qui prévoyait, entre autres choses, les points suivants :

« Article 11 – La SABESP devra élaborer, dans un délai de 12 (douze) mois à partir de la publication de l’arrêt, conjointement avec la DAEE, l’ANA [3] et les Comités PCJ et AT [4], un Plan de contingence pour les actions permettant de faire face aux situations d’urgence.

Article 16 – La SABESP devra fournir dans un délai de 30 (trente) jours maximum, des études et des projets qui viabilisent la réduction de sa dépendance du système Cantareira, prenant en considération les Projets des bassins des Comités PCJ et AT.

Article 17 – La SABESP devra maintenir des programmes permanents de contrôle des pertes, de l’usage rationnel de l’eau et présenter chaque année des rapports au DAEE et à l’ANA qui fourniront des donnés aux Comités des bassins hydrographiques du Alto Tietê et des rivières Piracicaba, Capivari e Jundiaí. »

Ces mesures n’ont pas été adoptées et le peu qui a été réalisé n’a pas apporté de résultat positif.

Situation actuelle et perspectives

Le rationnement qui affecte la population de la Région Métropolitaine de São Paulo (RMSP) se fait par le biais de ce que l’on appelle « la réduction de pression dans le réseau » de dix mètres de colonne d’eau (valeur correspondant à une norme technique) à un mètre de colonne d’eau dans 60% du réseau de distribution. Dans les 40% restant, en raison de l’inexistence de soupapes de réduction de pression, il n’y a pas de réduction mais la fermeture manuelle des registres directement au niveau des réservoirs ou des réseaux les plus importants. Dans la majorité des localités, cela se produit à partir de l’après-midi et l’eau ne revient que le matin suivant.

Ces mesures, s’ajoutant aux concessions de bonus et à l’imposition d’amendes aux usagés, entraînent une réduction de la consommation et une diminution des pertes. Les pluies qui sont revenues avec une forte intensité en février et mars, dépassant légèrement les moyennes historiques, ne seront pas suffisantes pour ramener les volumes stockés dans les réservoirs des systèmes Cantareira et Alto Tietê à des niveaux qui apporteraient une sécurité hydrique lors de la prochaine période de sécheresse qui a commencé à la fin d’avril.

Nouveau schéma d’approvisionnement d’eau pour la Région métropolitaine de São Paulo (RMSP)

Un nouveau paramètre de consommation pour la RMSP se profile à partir de cette crise. La production d’eau dans la région est passée de 70m³/s (70 mille litres d’eau par seconde) à 51,71m³/s, une diminution de 26%. Cette réduction est encore plus importante pour le système Cantareira où la production est passée de 33m³/s à 13,70m³/s, soit 58,48% de réduction. Ceci démontre que la contrainte que représentait la réduction de la dépendance du système Cantareira, lors de la rénovation de la concession en 2004, était possible. La consommation par personne dans la RMSP qui était de 163 litres par habitant et par jour en janvier 2014 est passée à 126 litres par jour à la fin de décembre de la même année. Ceci montre qu’il existe une marge de réduction de la consommation.

Il est nécessaire de réaliser une étude qui montre quelle serait la demande réelle de production d’eau permettant de répondre aux attentes de la population, garantissant un approvisionnement correspondant à ses besoins. Ceci parce que la réduction de la production et de la consommation que nous observons aujourd’hui, ne reflète pas la réalité dans la mesure où il s’agit d’un rationnement forcé. Nous avons là une opportunité de traiter la question de la gestion de l’eau prenant en compte non seulement la demande mais l’offre, également.

La Sabesp en chiffres

En 2014, cette entreprise a produit une recette liquide d’environ 11,2 milliards de réaux et un bénéfice net de 903 millions. Ses actifs s’élèvent à 30,4 milliards de réaux et sa valeur sur le marché était de 11,6 milliards de réaux le 31 décembre 2014. Elle fournit de l’eau à 28,4 millions de personnes (25,3 millions en distribution directe et 3,1 millions de personnes qui habitent dans les communes suivantes qui achètent l’eau de la Sabesp : São Caetano do Sul, Santo André, Mauá, Guarulhos et Mogi das Cruzes). Elle collecte les eaux usées produites par 22,4 millions de personnes et propose ses services à 67% de la population urbaine de l’État de São Paulo.
L’entreprise offre des services de conseil concernant l’utilisation rationnelle de l’eau, la planification et la gestion commerciale, financière et opérationnelle. Elle est présente au Panama, au Honduras et au Nicaragua, dans ces deux premiers pays, en partenariat avec la Latin Consult. Alors qu’elle offre des prestations en gestion commerciale, à l’étranger, elle continue à perdre 29,8% de l’eau qu’elle produit, 18,8% en pertes physiques et 11% en pertes commerciales, selon les données publiées par l’entreprise que bon nombre de spécialistes considèrent comme étant sous-estimées.
L’État détient 50,3% des actions de la Sabesp, 24,9% sont négociées à la bourse de New York et 24,8% à la Bovespa [5].

Réajustement des tarifs

L’Agence régulatrice de la voirie et de l’énergie de São Paulo (ARSEP) a décidé de répondre à la demande de révision tarifaire extraordinaire présentée par la Sabesp, alléguant qu’il s’agit là d’un mécanisme prévu par la loi fédérale 11.445/2007 dans son incise II, article 38, lequel établit que la réévaluation des conditions de prestation de services et de tarifs pratiqués est possible « quand il est constaté l’apparition de faits non prévus dans le contrat et échappant au contrôle du prestataire de services et qui mettent en danger l’équilibre financier ». L’augmentation sollicitée est de 13,8%.

A notre avis, il n’est pas juste que la population endosse une coût financier de plus, résultant de l’incapacité de le Sabesp à adopter les mesures nécessaires pour éviter que l’entreprise se retrouve actuellement en situation de déséquilibre économique et financier, conséquence de la réduction de la consommation et de la concession de bonus [6] . L’entreprise justifie l’augmentation en indiquant qu’elle résulte de l’augmentation des dépenses d’électricité. Nous ne sommes pas d’accord avec la thèse selon laquelle la décision adoptée soit liée à « l’apparition de faits non prévus », puisque, comme nous l’avons démontré, les mesures nécessaires pour éviter cette crise n’ont pas été prises en temps utile.

La crise que nous affrontons actuellement signifie le décret de faillite d’un modèle de gestion des eaux qui depuis fort longtemps considère les services d’approvisionnement, de collecte et de traitement des eaux usées comme un commerce. Et, c’est pour cela même qu’il ne s’est jamais intéressé à réaliser des campagnes permanentes de réduction de la consommation. Finalement, la vente de l’eau est devenue l’une des finalités de la Sabesp. Plus la quantité d’eau vendue est importante et plus la recette et les bénéfices augmentent et plus elle distribue de dividendes à ses actionnaires. Ce modèle de gestion priorise les grands travaux et ne se préoccupe pas d’agir sur la l’adéquation de la demande à l’offre. Les investissements réalisés pour réduire les pertes d’eau se sont montrés inefficaces et les programmes de recyclage, bien piètres.

Le manque de transparence et de démocratie a été la marque de ce gouvernement en ce qui concerne la gestion des ressources hydriques à l’intérieur de l’État. L’absence de priorisation du traitement des eaux usées qui polluent les cours d’eaux qui traversent les villes de la RMSP est, sans aucun doute, l’un des problèmes qui devront être affrontés afin que nous puissions bénéficier d’une eau recyclée propre à la consommation humaine. Construire une entreprise démocratique, transparente, avec un contrôle social et qui traite la question de l’eau et de la voirie comme un service public essentiel, doit devenir l’un des principaux défis pour la période à venir.

Notes de la traduction

[1Sabesp  : compagnie responsable de la captation, de la distribution d’eau et du traitement des eaux usées pour la ville de São Paulo et une bonne partie de l’Etat.

[2Sistema Cantareira : principal réseau de captation d’eau approvisionné à partir de cinq bassins hydrographiques.

[3ANA  : Agence nationale des eaux

[4Comité PCJ et AT : Comités dont la finalité est la récupération des eaux des rivières Piracicaba, Capivari et Jundiai - lesquelles font partie du réseau Cantareira - et Alto Tietê

[5Bodesva  : bourse des valeurs de São Paulo

[6Afin de réduire la consommation d’eau, la Sabesp offre des bonus à ceux qui diminuent leur consommation et impose des malus à ceux dont la consommation augmente.

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