Littérature brésilienne et la dénonciation du racisme : la vie de Lima Barreto

Lima Barreto (1881-1922), auteur de Triste fim de Policarpo Quaresma, aujourd’hui un classique de la littérature brésilienne, est né le 13 mai 1881, date qu’il a considérée “prédestinée” dans sa vie, puisque toute son œuvre représenterait “une sorte de revue critique de la période située entre l’existence d’esclaves au Brésil et l’ambiance de post émancipation”.

Traduction de Pascale VIGIER pour Autres Brésils
Relecture de Marie-Hélène BERNADET

Nos conseils de lecture :
Recordações do Escrivão Isaías Caminha (1909) ; traduction française : Souvenirs d’un gratte-papier, L’Harmattan, 1989.
 
Triste fim de Policarpo Quaresma (1911) ; traduction française : Sous la Bannière étoilée de la Croix du Sud : Triste fin de Policarpo Quaresma, L’Harmattan, 1992

Dans un article de la revue Estudos avançados, la professeure de l’Université fédérale de São Paulo (USP) Lilia Moritz Schwarcz analyse comment vie et œuvre se confondent pour une grande part de la création littéraire de Lima Barreto. L’écrivain “met en fiction sa propre vie”, génère “l’écriture de soi”. Preuve en est que trois de ses personnages de prédilection, Gonzaga de Sá, Isaías Caminha et Vicente Mascarenhas sont des fonctionnaires, comme l’écrivain, et subissent le racisme, le préjugé et la discrimination sociale que les noirs et les noires ont vécu durant cette période de post émancipation.

Les personnages présents dans son œuvre possèdent des caractéristiques identiques, soit par la manière de vivre et le lieu de vie – les banlieues de Rio –, soit par l’exercice de leur profession : “Sa littérature reflète, en même temps qu’elle crée le contexte qui l’a vu naître”, affirme l’autrice. Responsable de sa famille, l’écrivain s’est trouvé face à diverses persécutions dues à sa couleur de peau et à ses positions, qui “dénonçaient une société à prédominance raciste”. Outre des romans, Lima Barreto a écrit des lettres, des pièces de théâtre, des récits, des nouvelles, des chroniques. Il a aussi travaillé comme journaliste lors d’un moment crucial de l’histoire du Brésil, la période suivant la libération des esclaves. Avec la République et la période “post émancipation”, on n’a jamais autant cru en l’utopie de l’inclusion sociale. Comme elle ne s’est pas produite, l’écrivain a dénoncé l’exclusion, la discrimination et a lutté pour une réelle égalité et une liberté légitime.

Selon la chercheuse Lilia Schwarcz, Lima Barreto a été « une voix perspicace et souvent solitaire », « qui le distinguait de la plupart des hommes de lettres de l’époque », dans le Brésil de la Première République ; une voix contre le racisme ambiant au Brésil, l’exotisme et la réalité de la pauvreté qui migrait de la capitale vers la périphérie de Rio. L’écrivain n’a jamais nié non plus faire “de la littérature de soi”, en arrivant même à confondre son histoire personnelle “avec une certaine histoire du Brésil qui a promis l’inclusion, mais a donné libre cours à beaucoup d’exclusion sociale”. En réalité, son imaginaire constitue ses propres personnages et “son œuvre de fiction finissait par gagner de la réalité en lui-même”. Le Diário do Hospício [1], livre écrit pendant son internement à l’Hospice psychiatrique national, “est autant un récit de la réalité qu’un morceau de fiction”. Folie et racisme dialoguent dans cette œuvre et dans d’autres.

Dans Triste fim de Policarpo Quaresma, Policarpo, sorte de “Don Quichotte national”, ressemble à son créateur : bourré d’idées qui jamais ne se réalisent. Lima Barreto désirait à la fois être proche du milieu littéraire, tout en le dépréciant, de même que certaines habitudes des banlieues et de ses voisins. L’écrivain a certes représenté une voix dissonante en dénonçant l’oppression, voire même l’humiliation à laquelle la population noire était confrontée. L’article souligne que, si la photographie à ce moment-là était un instrument “des élites et des populations blanches”, il existait un silence embarrassé en ce qui concerne les noirs. Les images ne fixaient pas de personnalités noires ou afro descendantes, qui finissaient “blanchies” par la technologie, sûrement “pas par le temps, mais par l’effet du racisme structurel et institutionnel en vigueur au Brésil”.

Margareth Artur, Portal de Revistas USP

Citations extraites de l’article en portugais de :

Schwarcz L., Lima Barreto et l’écriture de soi. Estudos avançados, São Paulo, vol.33, n°96, pp.137-153, 2019. http://www.revistas.usp.br/eav/article/view/161285
(30 octobre 2019)

Lilia Moritz Schwarcz – Professeure titulaire au Département d’Anthropologie de la Faculté de Philosophie, Lettres et Sciences humaines (FFLCH) de l’Université de São Paulo (USP) a été professeure invitée à Oxford, et depuis 2010 à Princeton, entre autres institutions.

Voir en ligne : Lima Barreto : literatura que se confunde com vida pessoal denuncia racismo

Photo en couverture : Lima Barreto à l’époque de la 1ère édition de Recordações do Escrivão Isaías Caminha (Agência Brasil) , et détail de la chronique inédite de l’écrivain trouvée après sa mort (Bibliothèque nationale) – Photomontage : Jornal da USP

[1Traduction littérale, Journal de l’Hospice, non traduit

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