Le pré-sal brésilien frappe à la porte d’un grand avenir

 | Par Marilza de Melo Foucher

Source : Correio do Brasil - 25/10/2013

Traduction pour Autres Brésils : HARTER CRUZ (Relecture : Roger GUILLOUX)

La Présidente Dilma Roussef a montré, lors de son discours sur le pré-sal [1] brésilien et dans son action gouvernementale, sa vision pragmatique dans la manière de faire face à l’avenir du Brésil. En général, la plupart des gouvernants ne préparent pas l’avenir, ils gouvernent en fonction du présent et des jeux politiques.


Pour peu, le pétrole du pré-sal se retrouvait dans les mains des entreprises nord-américaines

De cette façon, Dilma anticipe l’avenir et montre sa vision moderne du rôle de l’État. En d’autres termes, lorsque l’État établit un partenariat avec les entreprises multinationales européennes et chinoises, celui-ci se met en place sous forme de contrat aux objectifs bien définis. Cela signifie un changement de gouvernance considérable dans la mesure où l’État assume la défense de la souveraineté de la nation dans la gestion des richesses naturelles en même temps qu’il définit des règles de partenariats avec les entreprises multinationales qui ont une large expérience dans le domaine.

La Présidente, qui est économiste, développe une vision keynésienne améliorée du rôle de l’État dans l’économie. Cela rappelle l’approche qu’a faite l’économiste Keynes de la socialisation de l’investissement, quand il explique que l’État doit être toujours présent dans la coordination des relations entre l’investissement public et privé. (Voir l’interview de l’économiste et annaliste politique Luiz Gonzaga De Mello Belluzzo, réalisé pour le journal Correio do Brasil ).

L’État et la Petrobras [2] détiendront la majeure partie de la production et des ressources générées. De plus, l’État va parallèlement encourager le développement technologique des infrastructures essentielles à l’exploration du pré-sal ainsi que le développement de l’industrie brésilienne dans le domaine de l’innovation nécessaire pour faire face à ce grand défi. Le secteur industriel devra mettre en valeur son esprit inventif et améliorer la qualité et la durabilité des équipements futurs. De plus, il devra former des cadres hautement spécialisés. Pour affronter ce défi, ces entreprises peuvent compter sur l’appui de l’Union. Il s’agit-là, d’une relation basée sur la réciprocité et la responsabilité où tout le monde sort gagnant.

La grande partie des bénéfices générés par l’extraction de produits naturels qui seront répartis de façon à garantir l’avenir d’une génération de jeunes brésiliens, est le point culminant de cet investissement national. Cela se traduit par la priorité donnée à l’éducation et à la recherche. C’est l’une des initiatives les plus importantes de l’histoire brésilienne où l’éducation est en train de devenir le moteur d’un avenir meilleur. La santé est aussi un secteur qui devient prioritaire. Jusqu’à maintenant, ce secteur n’avait jamais été une priorité concernant la population à faible revenu.

Il faut néanmoins attirer l’attention du gouvernement brésilien pour qu’il n’oublie pas les risques environnementaux que peut représenter ce méga-investissement ni la dimension d’innovation scientifique et technologique sui generis. Il est donc important que le gouvernement brésilien ait la capacité d’anticiper les risques environnementaux et qu’il puisse dès maintenant contribuer à la formation de professionnels tout en renforçant le secteur de recherche scientifique environnementale afin que, de cette manière, débute l’étude de tous les risques possibles et l’analyse de tous les impacts qu’un tel investissement peut provoquer. Comme il s’agit de quelque chose de nouveau, le Brésil peut donner l’exemple d’une gestion environnementale de risques afin d’éviter l’improvisation, qui a toujours lieux quand se produit une catastrophe naturelle.

Un autre danger serait de se préoccuper davantage de la concurrence internationale que de la propriété intellectuelle. Comment, par exemple, garantir que les entreprises chinoises et européennes ne s’approprient cette propriété intellectuelle de la Petrobras. Il est déjà certain que les États-Unis, qui ne sont pas directement impliqués dans l’exploration, ont déjà suffisamment espionné la Petrobras pour s’approprier certaines connaissances ... Il ne s’agit pas là de paranoïa, aujourd’hui les services d’espionnage industriel et technologique sont plus importants que l’espionnage politique à l’époque de la guerre froide.

Quant à l’opposition, aveugle et sectaire, qui pense uniquement aux résultats électoraux à court terme, elle est évidemment contre ce grand investissement. Mais elle aurait au moins pu montrer un certain sens des responsabilités si elle avait été plus constructive concernant l’étude des objectifs du grand projet. Par exemple, elle aurait pu vérifier s’il existe certaines lacunes, faisant des suggestions pour les surmonter. La critique irrationnelle a toujours été une arme des politiciens médiocres.

Un bon politicien est celui qui se jette dans les failles rencontrées dans le projet de l’adversaire, non seulement pour les dénoncer à la grande presse, mais aussi pour mieux informer ses propres électeurs et le peuple brésilien sur les raisons de son opposition. S’il s’agit d’un politicien qui défend l’intérêt collectif, il va montrer sa capacité de discernement face au défi que représente le Pré-Sal dans le développement du Brésil, pointant du doigt ce qui manque pour que ce projet soit plus viable, efficace et écologiquement compatible.

Au sujet des enchères, contrairement à ce qui a été fait sous le gouvernement de Fernando Henrique, celles-ci ont été amplement discutées et bien pensées. Le gouvernement de Fernando Henrique avait décidé de façon monarchique, lors des appels d’offres visant à privatiser plusieurs entreprises publiques locales et fédérales. Ces appels d’offres avaient été lancés sans expliquer à la population les raisons de la privatisation. La seule image que le gouvernement voulait présenter à l’opinion publique était celle de la faillite de l’État comme régulateur économique et social. C’était le message dicté par la gouvernance mondiale, le FMI, la Banque Mondiale et l’Union Européenne auquel le Président Sociologue [3] Fernando Henrique et ses alliés ont adhéré et qu’ils ont suivi sans réserve. L’idéologie néo-libérale dictait la conduite de l’État, qui devait être un État Entrepreneur et non un État Protecteur. Je m’arrête là ; si le lecteur souhaite se rafraîchir la mémoire, qu’il retrouve les recommandations du FMI concernant le Brésil et sa conception de l’ajustement structurel à la fin des années 80/90.

Vous avez vu comment a été conduit le processus de privatisation du « Vale do Rio Doce [4] » et de la Petrobras. S’il n’y avait pas eu la pression populaire, aujourd’hui cette dernière serait entièrement privatisée. Imaginez, mesdames et messieurs les critiques, l’action du gouvernement Dilma, si la Petrobras était aujourd’hui privatisée, comment serait administré le Pré-Sal brésilien ? Comment agirait l’État brésilien face à cette grande découverte ? Il serait surement complètement désarmé pour négocier un projet d’une telle envergure que celui du Pré-Sal.

Notes du traducteur
[1] Pré-sal. Ce terme est utilisé pour désigner un type de roche de la croute terrestre formé exclusivement de sel pétrifié, déposé en couches au fond des mers. Ce type de roche peut retenir du pétrole. Au Brésil l’ensemble des champs de pétrole du pré-sal, récemment découverts se situent à des profondeurs allant de 1000 à 2000 mètres, pour la partie immergée et de 4 à 6.000 mètres au-dessous du la couche de sel. Ces nouveaux champs de pétrole s’étendent sur une bande d’environ 800 kms le long du littoral brésilien, entre l’Etat de l’Espirito Santo et celui de Santa Catarina.
[2] Petrobras. Entreprise brésilienne dont le principal actionnaire est l’Etat. Elle développe ses activités dans le domaine de l’exploration, la production et le transport de pétrole, de gaz naturel et d’énergies renouvelables. Présente dans 25 pays, c’est la cinquième entreprise pétrolière au niveau mondial.
[3] Presidente Sociologo. La gauche brésilienne aime à tourner en dérision les manifestations d’ego du président Fernando Henrique Cardoso. L’une de ses expressions préférées pour le désigner est celle de ʺPrince des Sociologuesʺ.
[4] Vale do Rio Doce ou Vale . Entreprise minière multinationale et aussi l’un des plus grands opérateurs logistiques du Brésil. Vale est devenue leader dans la production et l’exportation du minerai de fer. Il est aussi un producteur d’envergure mondiale de nickel, manganèse bauxite, potasse, cuivre et aluminium.

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