« Composante autochtone » est le nom technique du chapitre entier de l’autorisation qui se réfère aux peuples autochtones affectés par Belo Monte. Son analyse dépend de la Fondation des peuples autochtones. Renouveler ou ne pas renouveler la licence d’exploitation de Belo Monte sera un grand défi pour la première présidente autochtone de la FUNAI, Joenia Wapichana, et pour le tout nouveau ministère des Peuples autochtones, dirigé par Sonia Guajajara.
La conditionnalité relative à la protection territoriale des terres autochtones affectées, déterminée dès la phase de licence préliminaire, afin d’empêcher l’invasion et la dévastation de ces zones est un exemple. Norte Energia a été obligée par la Cour fédérale de construire les bases de surveillance qui empêcheraient les invasions, mais n’a livré qu’une partie des structures en 2016. Pour prévenir les conflits et les invasions sur les terres autochtones, les postes de protection auraient dû être mis en place avant le début des travaux de l’usine hydroélectrique, mais une partie d’entre eux n’ont été prêts que lorsque l’usine était déjà en activité. Ce retard est directement lié à la pression intense exercée par les accapareurs de terres, les exploitants forestiers et les orpailleurs sur les territoires affectés par Belo Monte. Durant ces dernières années, Cachoeira Seca, du peuple Arara, Trincheira Bacajá, du peuple Xikrin, Apyterewa, du peuple Parakanã, et Ituna Itatá, des peuples isolés, collectionnent les records des terres autochtones les plus déforestées du Brésil. Dans les cas de Cachoeira Seca et Ituna Itatá, la négligence en matière de protection territoriale est encore plus grave : à ce jour, les bases de protection de ces territoires n’ont toujours pas été construites par Norte Energia.
Dans un rapport technique publié en exclusivité par SUMAÚMA, le Réseau Xingu +, qui surveille la déforestation dans tout le bassin de la Xingu, affirme que les terres autochtones sous l’influence de Belo Monte ont été les plus déforestées de toute l’Amazonie au cours des sept années de fonctionnement de l’usine. En 2019 et 2020, les deux premières années du gouvernement Bolsonaro, avec le climat du tout est permis qui s’est répandu dans la région, la déforestation s’est encore accrue dans l’ensemble du biome. Mais dans quatre terres autochtones impactées par Belo Monte, elle a été plus importante que dans les 311 autres territoires : précisément Apyterewa, Ituna Itatá, Cachoeira Seca et Trincheira Bacajá, tous situés dans la zone d’influence de l’usine hydroélectrique.
Dans le diagnostic de Xingu +, la dévastation s’est accentuée en 2015, avant même l’obtention de la licence d’exploitation, en raison de la démobilisation du chantier de construction de l’usine. Il s’agit d’un impact prévu qui aurait dû être contenu. Avec la disparition des emplois, de nombreuses personnes venues de diverses régions du Brésil pour travailler à l’usine se sont tournées vers des activités illégales dans la région pour survivre. C’est pourquoi des actions de protection du territoire avaient été prévues, mais Norte Energia a mis des années à les mettre en œuvre, et encore de manière incomplète. Il était également nécessaire de finaliser les actions de régularisation des titres fonciers de toutes les terres affectées et l’expulsion des envahisseurs de celles qui étaient déjà occupées. Rien de tout cela n’a eu lieu. En conséquence, des années de dévastation ont suivi. Rien qu’en 2019, 30 000 hectares de forêt ont été abattus dans les quatre terres autochtones les plus déforestées. « Pour avoir une idée de l’ampleur de la déforestation dans ces terres autochtones, en particulier, ce total représente 61 % de toute la déforestation dans les zones autochtones de l’Amazonie légale », indique le rapport.
La TI Cachoeira Seca aurait dû faire l’objet d’une expulsion des envahisseurs et la réinstallation des dits « occupants de bonne foi ». Parmi eux, les riverains qui sont là depuis le début du XXe siècle et ceux qui sont arrivés dans la région à l’invitation de l’État, lors de la construction de la route Transamazonienne par la dictature. Le gouvernement fédéral aurait dû le faire avant d’autoriser l’exploitation de l’usine, mais rien ne s’est produit jusqu’à présent.
Sans l’expulsion des envahisseurs, au lieu de réduire la déforestation sur le territoire du peuple Arara, celle-ci a continué d’augmenter. Selon les données de PRODES [le système de détection de la déforestation de l’Institut national de recherche spatiale — INPE], en 2017, la déforestation dans cette TI a augmenté de 24 %. Au cours des trois années suivantes, la déforestation totale de Cachoeira Seca — 18 700 hectares — a été supérieure à la déforestation totale de la décennie précédente, qui avait atteint 18 mille hectares. Pour la seule année 2020, plus de 7 mille hectares ont été déforestés dans cette TI, informe le rapport.
La TI Apyterewa aurait également dû être débarrassée des envahisseurs avant la mise en service de l’usine hydroélectrique. Cette promesse a été faite au peuple autochtone Parakanã à l’époque des études sur l’usine, mais elle n’a jamais été tenue. Résultat : la déforestation a augmenté de 237 % entre août 2017 et juillet 2018 — et de 350 % entre août 2018 et juillet 2019. Pour le Réseau Xingu +, la déforestation sur le territoire est actuellement hors de contrôle. « Rien qu’en septembre 2021, la déforestation à la TI Apyterewa a atteint 2 480 hectares. C’est le taux le plus élevé jamais détecté dans cette TI au cours de la dernière décennie. En 2022, la déforestation n’a pas ralenti, et en août, plus de 6 200 hectares avaient déjà été ajoutés à la destruction de la végétation dans cette TI », indique le document.
La TI Ituna Itatá est un territoire de peuples isolés qui a subi de fortes pressions, notamment politiques, pour que cette zone, protégée par une ordonnance de restriction d’utilisation, soit désenclavée. En 2022, une décision judiciaire a été nécessaire pour obliger le président de la FUNAI de l’époque, le commissaire de la Police fédérale Marcelo Xavier, à renouveler l’ordonnance. La zone est située à seulement 45 kilomètres du barrage de Belo Monte et a subi un pillage de ses ressources forestières : une augmentation de 295 % de la déforestation dans les années 2015 et 2016 — et une augmentation de 478 % dans les années 2016 et 2017. « Mais c’est en 2019 que l’invasion et la déforestation dans cette TI ont échappé à tout contrôle, lorsque près de 12 000 hectares de forêt ont été abattus », indique le rapport. Après des opérations coordonnées par les équipes d’inspection de l’IBAMA, la déforestation a reculé en 2020, mais en 2021 et 2022, tout est reparti à la hausse.
Dans la TI Trincheira Bacajá, 60 % de la déforestation enregistrée s’est produite entre 2017 et 2021. Après l’octroi de la licence d’exploitation de Belo Monte, la dévastation de ce territoire du peuple Xikrin a commencé à croître, allant de zéro à 4 000 hectares de végétation détruite. « En 2019, l’année où le taux de déforestation est le plus élevé, plus de 3 400 hectares de forêt ont été détruits ». Face aux images du génocide Yanomami qui ont choqué le Brésil, le juge de la Cour suprême (STF), Luís Roberto Barroso a ordonné au gouvernement fédéral, dans une décision du 30 janvier 2023, d’expulser les orpailleurs de sept Terres autochtones en Amazonie, répondant ainsi à une demande de l’Articulation des peuples autochtones du Brésil (APIB). Parmi celles qui devraient bénéficier de cette mesure figure Trincheira Bacajá.
Le STF a rendu une décision historique en reconnaissant que le gouvernement fédéral n’avait pas respecté les droits des autochtones en ne procédant pas aux consultations préalables, libres et informées, prévues par la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail : c’est la première décision rendue par une juridiction supérieure en matière de consultations préalables dans l’affaire Belo Monte. « L’argument de l’IBAMA, également soutenu par l’Union, selon lequel l’entreprise n’est pas située sur des terres autochtones ne peut être retenu, car […] il est indéniable que, bien que l’entreprise ne soit pas entièrement située dans des zones autochtones, ses impacts — qui couvrent une zone beaucoup plus grande que l’entreprise elle-même — ont indéniablement couvert des terres autochtones », a déclaré le juge Alexandre de Moraes.
En réponse aux questions de SUMAÚMA sur le rôle de Belo Monte dans la progression de la dévastation forestière, Norte Energia s’est limitée à « préciser que la destruction de la végétation due à la construction de l’usine hydroélectrique de Belo Monte correspond à 0,04 % de la superficie totale du bassin de la rivière Xingu et à 0,004 5 % de l’Amazonie légale ». En ce qui concerne le retard dans la construction des unités de protection territoriale qui devraient protéger les terres autochtones affectées par cette usine, l’entreprise a confirmé que huit d’entre elles sont en service et que trois autres, dans les terres autochtones Ituna Itatá, Koatinemo et Cachoeira Seca, « ont été retardées en raison des problèmes de sécurité qui se posent dans ces régions ». Et qu’en octobre 2022, avec l’accompagnement de la FUNAI et de la Force de sécurité nationale, la construction des unités de protection d’Ituna Itatá et de Koatinemo a commencé, mais que les travaux à Cachoeira Seca n’ont pas encore reçu l’autorisation pour démarrer. Il est impossible de ne pas relever l’ironie de la situation : selon l’entreprise, des conflits fonciers sur des terres autochtones ont empêché la construction des unités de protection qui, selon les études d’impact environnemental, auraient dû être construites avant les travaux de l’usine pour éviter, justement, des conflits fonciers.
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