Le Sommet des Peuples contre les « fausses solutions » de la Rio+20

 | Par Fabíola Ortiz

Les ONG et les mouvements sociaux accusent la rencontre officielle de Rio de maintenir la société civile à l´écart et de privilégier les grandes corporations.

Source : Opera Mundi – 24/03/2012 -

Traduction : Sandro Freire pour Autres Brésils
Relecture : Roger Guilloux

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D´ores et déjà annoncée comme un fiasco trois mois avant son inauguration, la Rio+20 (Conférence des Nations Unies sur le Développement Durable), qui se tiendra en juin à Rio de Janeiro, a déjà provoqué un événement parallèle. Des centaines d´ONG, mouvements sociaux, réseaux, alliances et articulations de plusieurs pays se préparent à manifester leur mécontentement en organisant un événement parallèle à la rencontre officielle. L´objectif du Sommet des Peuples, nom de ce forum alternatif, est de critiquer les « fausses solutions » de la Rio+20 et de proposer des solutions alternatives.

Le sommet durera une semaine et aura lieu du 15 au 23 juin. Organisations syndicales, mouvements paysans, mouvements de défense des droits des femmes, des noirs et de la jeunesse – dont beaucoup n´ont pas été conviés à participer aux discussions de la conférence officielle, qui réunira plus spécialement des chefs d´État et des représentants des corporations – promettent de réunir près de 10 mille personnes sur l´Aterro do Flamengo. Ce lieu, choisi par le Comité d’appui de la société civile brésilienne, offre un espace ample et ouvert, proche du centre ville et des principaux quartiers de la zone sud de Rio.

"Les corporations et les entreprises considèreront sans doute que la Rio+20 aura été une réussite, mas le débat central n´aura pas lieu au sein des échanges officiels. La grande différence par rapport à l´ECO92 [1], c´est qu’aujourd’hui la société civile est maintenue à l´écart et que le dialogue a lieu entre chefs d´État et grandes corporations.", soutient Marcelo Durão, du MST (Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre), qui représente la Via Campesina dans le cadre de l´organisation du Sommet des Peuples.

Durão critique la proposition d’ébauche de document final de la Rio+20, dont on commence à discuter, et mise sur d´autres propositions impliquant la société civile. « Nous considérons que les solutions proposées pour résoudre des problèmes de climat, donnant la priorité à l’accumulation et la centralisation des richesses, sont des fausses solutions. L´idée du Sommet des Peuples est de promouvoir une grande réflexion sur les causes structurelles, qui nous touchent tant à la ville qu´à la campagne, et de mettre en avant des expériences concrètes de préservation de l´environnement qui socialisent les richesses selon une logique bien différente de celle que propose la Rio+20 », ajoute-t-il.

Selon l´un des organisateurs, le sommet dans son ensemble veut « proposer d´autres paradigmes » et une autre perspective pour résoudre les problèmes climatiques et environnementaux. « Nous allons faire une critique concrète au "néo-développementalisme" qu´illustrent bien, au Brésil, le barrage de Belo Monte [2] et les changements apportés au Code Forestier. Il existe des solutions aux problèmes environnementaux qui n´ont pas besoin de passer par des accords au sommet entre chefs d´États et grandes corporations. Notre objectif est de constituer un agenda global unifié de luttes et de mobilisations, mais aussi de remise en question des fausses solutions », explique-t-il.

10 mille personnes

Les organisateurs n’ont pas encore bouclé le programme d´activités du Sommet des Peuples, mais sa structure est déjà définie. Les neuf jours que durera le Sommet alternatif seront divisés en trois phases. Durant les trois premiers jours des activités seront réalisées en autogestion sur des thèmes spécifiques comme, par exemple, l´agro-écologie, la relation homme femme, les communautés afro-brésiliennes traditionnelles (quilombolas), la question des indigènes.

Ensuite, des assemblées préparatoires ou des assemblées plénières de convergence, réuniront les réseaux formés au cours des débats précédents. A priori, quatre grands thèmes transversaux devront être présents dans toutes les discussions : droits territoriaux entre ville et campagne, droits humains, agriculture souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique. D´autres thèmes sont en cours de discussion.

Pour clore cet événement, le Sommet des Peuples a l’intention de réaliser une grande assemblée qui fera l’objet d’un document final devant prendre en compte les propositions et les orientations suggérées par les centaines d´organisations de la société civile présentes.

J’ai une vision pessimiste de la manière dont peut évoluer les discussions de la Rio+20. Tout ce que l´on a essayé de faire depuis l´ECO92, avec les trois documents sur la désertification, le changement climatique et la biodiversité furent le résultat de plusieurs accords collectifs. À cause de la grave crise financière de 2008, l´Europe, les États-Unis et les grandes corporations sont en train de démanteler ce grand accord. Nous pensons qu´il va y avoir une déconstruction de cet ensemble en plusieurs accords individualisés. Que chacun s´occupe de son environnement comme il peut !", nous dit Durão.


La mise à l´écart du thème de la ville

Pour l´avocate Karina Uzzo, membre de l´Institut Polis [3] et de la Coalition Internationale pour l´Habitat (CIH), le droit à la ville est une prérogative du développement durable qui doit être pensé dans le cadre d´un agenda spécifique aux centres urbains.

Au sein de la Rio+20 le thème de la ville sera marginalisé, souligne Uzzo. "Le draft zero englobe l´Agenda 21, qui est avant tout un ensemble d´intentions. Cela ne sert à rien d´avoir un agenda pour la préservation de l´environnement si c´est la commune qui, par le biais d´un plan directeur, définit l´usage et l´occupation des sols."

La Coalition Internationale pour l´Habitat sera présente à la fois à la conférence officielle de l´ONU et au Sommet des Peuples où elle organisera des activités au Sommet des Peuples pour lancer le débat sur le droit à la ville durable ainsi que sur les expulsions et déplacements de populations en raison d´événements sportifs internationaux comme la Coupe du Monde de 2014 et les Jeux Olympiques de 2016.

"Nous ne nous reconnaissons pas dans la Rio+20. L’approche que le draft zero privilégie est celle des concepts de changement climatique, d’environnement et de l’eau mais ceux-ci ne sont pas articulés au thème de la ville. Seul un petit paragraphe parle de la ville, alors que plus de 50% de la population mondiale est urbaine On ne peut pas parler de développement durable sans situer cette durabilité dans un territoire. Le droit environnemental urbain n´a jamais été respecté ni même abordé", affirme Karina Uzzo.

Selon cette militante, il ne peut y avoir d´avancée en matière d´environnement si la législation environnementale ne contemple pas les villes. "Le droit environnemental vaut pour les riches mais il est contre les pauvres. La ville doit être l´espace de tous, un lieu où tous ont le droit de jouir d´un espace commun et d´un environnement équilibré. On ne peut pas parler de développement durable sans aborder la question de la ville durable."

Selon l’avocate des droits de la ville , il y a une incohérence au sein même de l´ONU. En effet, le Forum Mondial Urbain – qui a eu lieu lui aussi à Rio en 2011, quelques mois avant la Rio+20 – reconnaît dans sa déclaration finale le droit de la ville, les droits concernant l´environnement, la mobilité et la participation de la société à la formulation des politiques publiques.


Notes des traducteurs :

[1] ECO 92 : première conférence sur l´environnement qui s´est tenue à Rio en 1992.

[2] Barrage de Belo Monte : usine hydroélectrique en construction sur le rio Xingu dans l’Etat du Para qui a fait et qui continue à faire l’objet de nombreuses controverses tant au niveau de la politique de production d’électricité qu’au niveau de l’environnement humain et physique.

[3] Instituto Polis : Institut de recherche ayant le statut d’une ONG qui œuvre dans les domaines suivants : démocratie et participation, citoyenneté urbaine, réforme urbaine le développement durable et politiques publiques.


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