Le Gouvernement brésilien sous-estime gravement les émissions des barrages

 | Par Katy Yan

Source - International Rivers

Traduction : Philippe Roman pour Autres Brésils

<img2204|left> Les erreurs mathématiques que vous pouvez faire en classe ou pendant un contrôle n’ont pas d’autres conséquences qu’une petite tache sur votre note, voire un coup à votre auto-estime.

Mais que se passe-t-il quand l’erreur mathématique a lieu dans une importante agence de l’énergie d’un gouvernement ? Les ramifications pourraient être considérables, particulièrement quand un pays est fermement décidé à réduire son empreinte carbone en construisant plus de centrales hydroélectriques – et ce sont précisément les émissions de gaz à effet de serre de ces projets dont le calcul est entaché d’erreurs.


Une étude récente par deux experts reconnnus des émissions des réservoirs révèle que les estimations officielles par l’agence de l’énergie brésilienne, Eletrobrás, de la quantité de méthane à la surface des réservoirs de barrages, sont largement sous-estimées.
Lorsque les scientifiques ont refait les calculs correctement, les résultats ont montré que les émissions des réservoirs à la surface des barrages du Brésil étaient en réalité 345% plus élevées que selon les estimations officielles du gouvernement. Extrapolez à tous les réservoirs du Brésil, et la différence entre les calculs d’Eletrobrás et le calcul correct représente presque autant que les émissions annuelles de carburants fossiles de la plus grande ville brésilienne, São Paulo.

Les détails mathématiques

L’étude, produite par Salvador Pueyo et Philip Fearnside et intitulée « Emissions de gaz à effet de serre des réservoirs de barrages hydroélectriques : Implications d’une loi de l’énergie », a été récemment publiée dans la revue Oecologie Australis (en portugais). Fearnside en particulier est une figure importante de la recherche sur les émissions de méthane issues des réservoirs de barrages (le méthane, ou CH4, est un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2 ; voir la figure à droite).

<img2205|left> A travers les recherches de Fearnside mais aussi d’autres scientifiques, il est désormais prouvé qu’une partie du méthane produit par la décomposition de la matière organique dans les réservoirs est relâchée dans l’air sous la forme de bulles et par diffusion (autrement dit dégazage) à la surface et à partir de l’eau qui passe à travers les turbines et les déversoirs. Certaines centrales hydroélectriques sous les tropiques (telles que celles du Brésil) contribuent plus au changement climatique que les centrales à énergie fossile produisant des quantités similaires d’électricité (voir la figure à gauche). Même les réservoirs dans les zones tempérées peuvent être des sources significatives de méthane.

Pueyo et Fearnside ont découvert que, en raison de plusieurs erreurs mathématiques, Eletrobrás a calculé de façon erronée les émissions totales de méthane de 223 réservoirs au Brésil. Traduit en tonnes équivalent CO2, la différence entre les valeurs correcte et incorrecte (5,2 millions de tonnes) est presque égale aux émissions fossiles de la ville de São Paulo. Et si on inclut les émissions issues du dégazage au niveau de et sous les turbines et déversoirs des barrages, ainsi que les estimations actuelles du pouvoir de réchauffement du méthane (qui peut être jusqu’à 34 fois plus élevé que celui du CO2), le chiffre atteint les 9 millions de tonnes, plus que ce que tout le Honduras émet chaque année.

Tout cela pour dire que politiciens et décideurs devraient commencer à y penser à deux fois – et vite – avant de présenter les centrales hydroélectriques comme des sources d’énergie propres et décarbonées. Que ce soit lorsqu’on construit des projets massivement impopulaires et destructeurs comme le barrage de Belo Monte sur l’Amazone, ou quand on achète des crédits carbone pour des projets hydroélectriques émetteurs de carbone, cette dernière découverte montre que nous avons besoin de changer fondamentalement la manière dont nous considérons l’énergie hydroélectrique et comment cette dernière trouve sa place dans le débat sur le changement climatique. Les barrages sont sales à plus d’un égard, et les mathématiques sont là pour le prouver.


Pour plus d’informations :

Téléchargez :
Pueyo, S. & P.M. Fearnside, Oecologia Australis, Vol. 15, No 2 (2011) en Anglais et en Portugais.
Dirty Hydro, International Rivers factsheet
Fizzy Science , Intermational Rivers report


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