La littérature de cordel aide à la lutte contre le travail esclave

 | Par Leonardo Sakamoto, Maurício Hashizume

Ce mardi 13 décembre 2005, la nouvelle étape de la campagne pour l’éradication du travail esclave au Brésil a été lancée. Elle est destinée à faire de la prévention et à informer les travailleurs du problème.

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La campagne - une réalisation de la Commission Nationale pour l’Eradication du Travail Esclave (Conatrae), de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), de la Fondation de la compagnie « Vale do Rio Doce » (CVRD) et du Gouvernement Fédéral - distribuera 300 000 manuels sous forme de littérature de cordel [1] et 4 000 pancartes et affiches informatives dans les endroits où l’enrôlement des travailleurs dans l’esclavage est élevé.

Des messages radio seront également diffusés pour alerter les travailleurs sur les risques de croire aux promesses des « chats » (recruteurs de main d’œuvre au service des grands propriétaires terriens). L’association brésilienne des chaînes de radio et de télévision (Abert) - qui rassemble les grands réseaux de communication - soutiendra cette initiative en diffusant les messages dans les intervalles de leur grille de programmation.

La région du chemin de fer de Carajás sera l’une des cibles de la campagne. Le train amène le minerai extrait par la CVRD dans l’Etat du Pará, jusqu’au port de São Luís, pour être exporté. La ligne est empruntée régulièrement par des travailleurs de la région du Nordeste, qui vont au sud du Pará chercher du travail. Elle est un lieu d’action des « chats ». Ainsi, au fil des années, elle a reçu le triste nom de « l’Express de l’Esclavage ». La CVRD soutient déjà des campagnes de prévention des travailleurs dans les régions proches du chemin de fer.

Le président Luiz Inácio Lula da Silva est apparu lors du lancement de la campagne, mais n’a fait aucune déclaration officielle. Cela a frustré une partie du public présent, qui espérait un discours incisif de soutien politique au combat contre le travail esclave. Etaient également présents à la cérémonie les ministres Luiz Marinho (Travail et Emploi), Patrus Ananias (Développement Social) et Jaques Wagner (Articulation Politique), le chef intérimaire du Secrétariat Spécial des Droits Humains (SEDH), Mário Mamede, et la directrice du bureau de l’OIT au Brésil, Laís Abramo - en plus de représentants d’institutions gouvernementales, de la Justice, du Pouvoir Législatif et de la société civile.

En plus des slogans de la campagne, il a été annoncé que la Banque Nationale du Développement Economique et Social (BNDES) restreindra tout type de crédit aux employeurs qui font partie de la « liste noire » du travail esclave. La Banque de l’Amazonie (Basa), la Banque du Nordeste du Brésil (BNB) et la Banque du Brésil avaient déjà pris la décision de ne pas prêter à ceux qui sont sur la « liste noire ». La Fédération Brésilienne des Banques (Febraban) a également pris l’engagement de recommander à ses associés de suivre la même voie et de ne pas prêter ou financer ces personnes physiques ou juridiques.

Une autre mesure prise a été l’extension des bénéficiaires du programme « Bourse Famille » à tous ceux qui ont été libérés de l’esclavage par le Ministère du Travail et de l’Emploi (MTE). Jusqu’à maintenant, les victimes recevaient leurs arriérés de salaires, leurs primes de travail et trois mois d’assurance-chômage. Dans certains cas, ils recevaient des indémnisations à travers des actions civiles effectuées par le Ministère Publique du Travail.

La directrice du bureau de l’OIT au Brésil, Laís Abramo, a dit que le combat contre le travail esclave au Brésil était une référence internationale et a souligné l’importance de la « liste noire » et des instruments de répression économique qui en sont issus. L’un d’eux a été les restrictions commerciales imposées aux détaillants, grossistes, industries et exportateurs qui pratiquent l’esclavage.

Le ministre Luiz Marinho a réaffirmé l’importance d’agir avec les industriels et les chaines de production pour éradiquer le travail esclave. Il a rappelé que si rien n’était fait pour éradiquer l’esclavage, cela pourrait être utilisé dans le futur contre le pays pour justifier le boycott de ses exportations. En plus de cela, il a déclaré que les personnes de la « liste noire » n’avaient pas non plus accès aux ressources du Fonds de Soutien au Travailleur (FAT).

Logique inversée

Un travailleur libéré de l’esclavage a apporté son témoignage pendant l’évènement. Embauché à Araguaína (Tocantins), il a été emmené dans une ferme isolée dans le sud du Pará. Quand il est arrivé, il a trouvé de « l’eau à boire pour l’urubu », peu de nourriture et a en plus été informé que le salaire promis ne serait pas payé. Même ainsi, il a continué à travailler en échange de la promesse de paiement à sa famille, dans sa ville d’origine . « Mais ma famille n’a jamais vu cet argent », a-t-il raconté.

La logique de la « liste noire », dans son cas, a été inversée. Les patrons ont menacé de diffuser une « lettre noire » avec de mauvaises références - « pour qu’il ne trouve plus de travail » - au cas où il décide d’aller à São Félix do Xingu (Pará), où une mission du groupe mobile du MTE accueillait des travailleurs de la même ferme. Après avoir été trompé une deuxième fois, il a décidé de demander de l’aide à la police fédérale de Araguaína et, il y a presque un an, il a reçu une glèbe de terre sur un terrain municipal. Finalement, il a exigé de Lula l’amélioration de l’infra-structure de son terrain. « Je vous demande, M. le Président, de poursuivre le combat contre le travail escalve ».


De Leonardo Sakamoto et Maurício Hashizume - 14/12/2005

Traduction : Manuel Mackiewicz pour Autres Brésils


Note :


[1]
Le cordel est la littérature de colportage éditée sous forme de petits livrets, les folhetos. Cette littérature est étroitement liée à la musique et au chant (la cantoria) ainsi qu’à l’image (la xylogravure).


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