Auteur : Leonardo Sakamoto
Date de parution de l’article : 22/06/2017
Traduction : Marion Daugeard
Relecture : Roger GUILLOUX
La Norvège a annoncé qu’elle réduirait de moitié sa contribution au Fonds Amazonie, dédié à la protection du biome, à la régularisation foncière ainsi qu’à la gestion des terres indigènes. Cette coupe budgétaire est une forme de punition qui fait suite à l’augmentation de la déforestation qui a eu lieu ces deux dernières années. De 2009 à 2016, le pays nordique a investi 2,8 milliards de R$ dans le Fonds, mais promet d’augmenter sa contribution si ces chiffres venaient à diminuer.
L’annonce a été faite par Vidar Helgesen, ministre norvégien de l’Environnement, aux côtés de son homologue brésilien, Sarney Filho. Interrogé par des journalistes sur les garanties de la diminution de la déforestation, le fils de Sarney a dit que « seul Dieu pourrait la garantir ». Mais qu’il avait l’espoir qu’elle diminue. La Norvège a également exprimé sa préoccupation au sujet des changements dans la législation qui ont été influencés par le lobby ruraliste (bancada ruralista ) au Congrès National.
Sans entrer dans le détail des motivations de la décision du financeur (si la cause de la réduction est réellement environnementale ou vise à limiter les dépenses), il faut reconnaitre que les choses ne vont pas bien ici. Avant que vous ne fassiez des reproches qu’au gouvernement Temer, il est important de garder en mémoire qu’en ce qui concerne la question environnementale, foncière et de qualité de vie des peuples et travailleurs ruraux, le gouvernement Dilma a été une tragédie. Et je parle avec l’expérience de quelqu’un qui a accompagné de près la construction des usines hydroélectriques, comme celle de Belo Monte et qui fait office de rapporteur pour ce qui est aujourd’hui le Conseil National des Droits de l’Homme sur la violence agraire dans la région. Fierté de l’ex présidente, Belo Monte a entrainé des déboisements illégaux et du travail esclave, sans compter les dommages incalculables pour les communautés autochtones et ribeirinhas ni le chaos à Altamira. D’ailleurs, cerise sur le gâteau, l’usine est citée dans le scandale de l’Opération Lava Jato pour son rôle dans la corruption.
Ceux qui, depuis des années, se sont positionnés contre sa construction ont été poursuivis, ridiculisés, humiliés et même accusés d’être ni patriotes ni nationalistes. Aujourd’hui, un « je te l’avais bien dit » n’est toujours pas suffisant.
Désormais, sous la gestion Temer, le pays connaît une escalade sans précédent de violences, de massacres et d’embuscades de travailleurs ruraux et d’indigènes. Pourquoi ? Parce que les grands agriculteurs, les exploitants du bois, les accapareurs de terres etc., se sentent libres de faire ce qu’ils veulent avec la certitude que rien ou peu ne sera fait contre eux. La dernière grande tragédie a été l’assassinat de dix travailleurs ruraux par la police à Pau d’Arco, dans l’État du Pará.
Temer a remis le Ministère de la Justice, qui contrôle la Funai , entre les mains d’un membre du lobby ruraliste, Osmar Serraglio. Quand un groupe d’indigènes Gamelas a été attaqué, à Viana, dans l’État du Maranhão, et que l’un d’entre eux a presque eu la main coupée par une machette, le Ministère a publié une déclaration qui en venait à questionner s’ils étaient vraiment indigènes.
Face aux accusations d’augmentation de la déforestation en Amazonie, beaucoup de représentants des grands agriculteurs et éleveurs font du chantage, laissant entendre que le pays doit choisir entre suivre les règles environnementales (et souffrir de la faim) ou déboiser (et assurer la souveraineté alimentaire). Une forme de manichéisme infantile, mais qui sert bien la rhétorique grossière d’une partie des entrepreneurs qui font des profits rapides avec l’expansion agricole.
Ces personnes représentant la partie des entrepreneurs agricoles, qui « respectent » les règles sociales, les lois du travail et de l’environnement, nous valent cette honte nationale.
Il est possible de se développer économiquement, mais d’une manière responsable. En respectant le zonage économique, qui dicte ce qui peut et ce qui ne peut pas être produit sur une zone donnée ; en mettant en place une régularisation foncière générale qui confisque les terres volées à l’État ; en mettant en application une réforme agraire qui garantisse que les ressources allouées par les gouvernements aux petites propriétés - responsables de l’alimentation des brésiliens - soient, au moins, d’un montant égal à celles accordées aux grandes ; en préservant les droits des populations traditionnelles, dont les terres recèlent les taux les plus élevés de conservation du pays ; en maintenant l’armée dans les casernes et à l’écart de la politique foncière et indigène. Et finalement, en changeant de modèle de développement, ce qui implique un changement du mode de consommation, puisque nous, habitants du Sul Maravilha , dévorons l’Amazonie, le Cerrado, le Pantanal, la Forêt Atlantique (Mata Atlântica), en rotant de joie.
Le problème est que, finalement, nous soyons obligés de voir, sous la forme de publicités diffusées lors des intervalles des journaux télévisés, que l’ « Agrobusiness est Pop ». Problématique. Ici, la déforestation est pop ! Le travail esclave est pop ! L’expulsion des indigènes est pop ! Le meurtre des travailleurs ruraux est pop ! La menace faite aux ribeirinhos est pop ! La pollution environnementale est pop ! L’accaparement des terres est pop !
Pop aussi, les publicités de la télévision qui critiquent ceux qui dénoncent les problèmes provoqués par l’agrobusiness, publicités joliment produites par les industries automobiles pour vendre leurs camionnettes !