Il y a bien plus d’auteur·es noir·es que le dit le marché éditorial Interview avec Mirtes dos Santos, Quilombola fondatrice du premier club de lecture antiraciste du Brésil.

 | Par Século Diário, Vitor Taveira

Activiste du mouvement noir, Mirtes dos Santos est née dans la communauté quilombola de Angelim, à Conceição da Barra, au nord de l’état. Docteure en Droit et Sociologie de l’Université fédérale de Rio de Janeiro (UFF), elle croit important d’encourager la lecture et la valorisation de la littérature afro-brésilienne et celle de la diaspora africaine comme stratégie de combat contre le racisme et la discrimination dans notre société.

Elle a créé pour cela la Pretaria BlackBooks, considérée comme le premier club de lecture par abonnement centré sur les questions ethno-raciales et sur le combat contre le racisme. Chaque mois, les abonnés reçoivent un livre choisi par une équipe éditoriale. “Notre travail est un travail de pionnier, entièrement développé par des femmes noires, activistes et chercheuses en littératures et relations ethno-raciales au Brésil et dans le monde “, raconte-t-elle.

Voyez l’interview donnée à Século Diario.

Mirtes Santos, photo : reproduction

D’où est venue l’idée de créer un club de lecture antiraciste ?

Les clubs de lecture existants ne mettent pas en avant la littérature des auteurs et autrices non blancs ou qui traitent de thèmes liés aux questions raciales, au racisme et à l’antiracisme. C’est pourquoi la Pretaria vient répondre à cette demande urgente des lecteurs et devient le premier club de lecture par abonnement du Brésil spécialisé en littérature antiraciste, tourné vers la valorisation de la littérature afro-brésilienne et celle de la diaspora africaine, en incitant les lecteurs à la lecture et à la connaissance des thématiques des relations ethno-raciales axées sur le combat du racisme et de la discrimination.

Comment fonctionne la Pretaria ?

Nous envoyons tous les mois à nos abonnés du Club de lectures Pretaria BlackBox une BlackBox avec des livres qui font partie de notre Programme de formation antiracisteau Brésil, contenant un livre, des hommages et des recommandations de lecture centrées sur la prise de conscience, la déconstruction et la maîtrise du racisme. Nous présentons à nos lecteurs, en partenariat avec des auteurs et des éditeurs, des œuvres et des travaux d’artistes en résonance avec les objectifs de la Pretaria. Et nous sommes ouverts à de nouvelles collaborations.

Comment est réalisée la sélection de livres envoyée aux associés ?

Nous avons un projet de formation antiraciste au Brésil, au sein duquel notre groupe éditorial, qui comprend une éditorialiste en chef et des invitées, choisit quelques-uns des principaux livres indiqués dans chaque BlackBox du mois. Ces ouvrages possèdent des contenus favorables au processus de prise de conscience, déconstruction et maîtrise du racisme et des préjugés.

Comment devient-on membre du Club ?

L’abonné du club Pretaria BlackBooks accède au site www.pretaria.com.br, choisit une des propositions d’abonnement et reçoit chez lui une BlackBox mensuelle contenant un livre, des hommages et des recommandations de lecture. Le délai d’adhésion au Club a lieu tous les 20 du mois pour le choix de l’une des propositions d’abonnement au programme de la Pretaria. La réception a lieu en fin de mois.

Quel est le type de services offerts ?

Le club de lectures Pretaria BlackBooks est un service par abonnements, nous offrons trois programmes que nous concevons comme des étapes dans le processus de formation antiraciste. Chaque BlackBox contient des livres qui ont pour base la prise de conscience, la déconstruction et la maîtrise du racisme. Nous ne promettons pas un miracle, simplement un dialogue avec la société brésilienne pour chercher à éliminer les préjugés et les discriminations de races en encourageant la lecture.

Quelle est l’importance de la production académique et littéraire pour affronter le racisme au Brésil et dans le monde ? Comment la littérature s’articule-t-elle avec l’activisme ?

Les productions culturelle, littéraire et artistique constituent des outils importants pour affronter le racisme, la discrimination et, par conséquent, deviennent un instrument d’intégration s’ils sont utilisés à cette fin. La "littérature afro-brésilienne" les auteurs noirs est devenue le principal vecteur de divulgation des textes de ceux qui sont restés en marge de l’histoire, composant un modèle très riche de transmission de la culture, de la pensée et des modes de vie des peuples afro-brésiliens et des peuples autochtones, entre autres peuples infériorisés.

Les œuvres des écrivains afro-brésiliens circulent-elles difficilement dans les milieux influents ? Pourquoi ?

Nous voyons déjà un meilleur accès à ces œuvres dans les lieux influents comme les grands éditeurs et les événements littéraires, mais les auteurs et autrices noir·es, au Brésil publiaient leurs œuvres dans des productions et maisons d’édition indépendantes, comme les cahiers noirs du Quilombohoje [1], qui depuis plus de 40 ans fait connaître de grands noms de la littérature brésilienne. Par exemple, Conceição Evaristo, une des autrices brésiliennes noires qui à ce jour vient le plus à l’esprit : pourtant ses livres n’ont été connus du grand public qu’après ses 70 ans, alors qu’ils étaient déjà connus depuis longtemps principalement au sein des groupes de militants et de chercheurs sur les diversités.

Les publications d’auteurs noirs, hommes et femmes, au Brésil, de même que les livres à thématique ethno-raciale ont-elles considérablement augmenté ces dernières années ? À quoi attribuer cela ?

En effet, en réalité il y a une plus grande littérature afro-brésilienne que le présente le marché éditorial ou les librairies. Pourtant, ces dernières années, certains auteurs ont conquis de la notoriété dans les médias en dénonçant leur absence dans des grands événements littéraires au Brésil comme la Flip en 2018 [Foire littéraire internationale de Paraty, un des événements les plus importants de la littérature au Brésil], ainsi qu’en revendiquant l’intégration d’auteurs noirs dans les cursus scolaires.

Quels auteurs ou quelles œuvres recommandez-vous à quelqu’un qui désire un premier contact avec la littérature antiraciste ?

Dans la BlackBox de décembre 2019, nous indiquons, en partenariat avec les éditions Nandyala qui ont inauguré notre programme de Formation antiraciste du club, l’ouvrage théorique important Racismo e sociedade (2012) [Racisme et société, non traduit] de l’écrivain cubain Carlos Moore, édité chez Nandyala. L’ouvrage de cet auteur permet au lecteur de comprendre les racines épistémologiques du racisme dans l’histoire de l’humanité. Dans la BlackBox de janvier 2020, en partenariat avec les éditions Letramento, nos lecteurs ont déjà à leur disposition le lancement tout nouveau au Brésil, en 2019, de la version en portugais du best-seller Why I’m no longer talking to white people about race [2], de la journaliste britannique primée Reni Eddo-Lodge. Eddo-Lodge a déjà écrit pour le New York Times, pour The Voice, pour Daily Telegraph, Guardian, Independent, Stylist, The Pool, Dazed and Confused et New Humanist, or ceci est son premier livre.

Voir en ligne : Século Diário

[1Quilombohoje est une association fondée en 1980 qui se propose d’encourager la lecture et de développer les études et les recherches sur la littérature et la culture noires. Après s’être fait connaître en publiant la série Cadernos negros, elle a diversifié ses activités et notamment les a étendues à la littérature des périphéries. Lire aussi Deux romancières afro-brésiliennes : Conceição Evaristo et Ana Maria Gonçalvesde Ineke Phaf-Rheinberger dans Études littéraires africaines numéro 43, 2017

[2traduction française : Le Racisme est un problème de Blancs

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