Des mesures provisoires de Michel Temer ouvrent 600.000 hectares de zones protégées aux défricheurs et aux grileiros [1] Le vote n’a duré que quelques minutes.
Au milieu de la plus grande crise du gouvernement Temer, le Sénat a approuvé, au début de la soirée d’hier (le 23 mai), les Mesures Provisoires (MPs – Medidas Provisórias) [2] n°756/2016 et 758/2016 sans apporter de modification au texte de la Chambre des Députés. Dans la pratique, ces deux mesures mettent à disposition des grileiros, des défricheurs illégaux et des orpailleurs 598.000 hectares d’Unités de Conservation (UCs), dans le sud du Pará, soit quatre fois la ville de São Paulo. Voir la carte ci-dessous.
Ces mesures retirent des parties du Parc National et de la Forêt Nationale du Jamanxim, situés dans la zone d’influence de la BR-163 (Cuiabá-Santarém). Elles les transforment en une Zone de Protection Environnementale (APA [3]), une catégorie de zones de protégées qui comporte une protection inférieure, permettant la vente et l’achat de terres privées en son sein, la destruction de la végétation, l’élevage bovin ou encore l’exploitation minière.
« Cela va augmenter la déforestation et l’invasion des espaces publics dans la zone d’influence de l’axe routier de la BR 163 », explique Ciro Campos, conseiller de l’ISA [4] . Les environs de la BR 163 présentent les taux les plus élevés de déforestation en Amazonie.
La Forêt Nationale du Jamanxim, par exemple, la plus touchée par cette réduction, a été aussi l’Unité de Conservation la plus déboisée entre 2012 et 2015 en Amazonie Légale [5] , avec une perte de 23.700 hectares, selon les données de l’Institut de l’Homme et de l’Environnement en Amazonie (Imazon).
« Cette MP constitue l’un des plus graves crimes contre l’environnement dans le pays. C’est une provocation organisée par le gouvernement Temer qui soutient certains secteurs économiques », a réagi le sénateur Randolfe Rodrigues (Réseau-AP). Il a fait obstruction à la proposition et a demandé un vote nominal.
Les grands bénéficiaires de ces MP seront les grileiros, les défricheurs et les orpailleurs, selon Maurício Guetta, avocat de l’ISA. Il estime que la réduction des aires protégées approuvée est « absolument contraire à la Constitution » et que cela entraîne un risque pour l’avenir de toute la forêt amazonienne.
* Aire totale non protégée : 496.000 ha. Ces informations ont été obtenues à partir de l’ICMBio [6] , de la proposition du gouvernement et du rapport du député José Priante (PMDB-PA) ainsi que du texte approuvé en session plénière de la Chambre des députés.
Dans l’État de Santa Catarina, les 20% de la région du Parc National de São Joaquim qui perdent leur protection sont des zones où se trouve la forêt d’Araucárias [7] la plus menacée du pays, située dans la Forêt Atlantique [8]
« Il est inacceptable que le Sénat approuve cette mesure provisoire [756] de la façon dont elle est venue à la Chambre des Députés », a déclaré le sénateur João Capiberibe (PSB-AP). Il a ajouté que la Mesure Provisoire « contredit catégoriquement les principes assumés par le Brésil en ce qui concerne le climat et la biodiversité ».
Avant l’ouverture des travaux en plénière du Sénat, des échanges virulents et une certaine pagaille ont animé la Commission des Affaires Économiques au moment de la lecture de l’avis sur la Réforme du Travail. L’opposition s’est mobilisée pour que le Sénat ne puisse pas voter des projets de cette importance en pleine crise politique, alors que la légitimité du président Michel Temer est questionnée, elle a donc promis de bloquer tous les travaux du Sénat. Le président du Sénat, Eunício Oliveira (PMDB-CE), n’a cependant pas pris en compte les appels des sénateurs qui voulaient reporter le vote.
* Aire totale non protégée : 101.000 ha. Ces informations ont été obtenues à partir de l’ICMBio de la proposition du gouvernement et du rapport du député José Reinaldo (PSB/MA) ainsi que du texte approuvé en session plénière de la Chambre des députés.
Lors du vote des députés, en séance plénière, la chef du PT, Gleisi Hoffmann (PR), a fait un pas en arrière et renoncé au barrage, puis elle a autorisé les sénateurs du PT à voter. À la dernière minute, le sénateur Paulo Rocha (PT-PA) a également violé l’accord conclu avec les organisations environnementales et a retiré le point central qui visait à assurer l’intégrité du Parc National São Joaquim.
Comprendre la procédure des MP
Les premiers textes des MP sont sortis des bureaux de Michel Temer pour être examinés au Congrès. Là, dans les comités mixtes - qui réunissent des députés et des sénateurs – des amendements parlementaires ont été incorporés dans le texte original, augmentant de près de 900.000 hectares la zone non protégée. Lorsque le texte est allé à la Chambre des députés, la pression de certains parlementaires et d’organisations environnementales a permis d’atténuer les dégâts. Finalement, ce sont près de 600.000 ha qui perdent leur protection.