Implanté à Lorena, à l’intérieur de l’État de São Paulo, il a été auparavant élève du séminaire, éducateur social de rue pour la Pastoral do Menor et candidat à la municipalité de sa ville. Aujourd’hui, en plus des diplômes de professeur en philosophie et docteur en éducation de l’Université de São Paulo (USP), il est l’un des représentants de la littérature autochtone. Et même, le cas échéant, acteur occasionnel.
Comme écrivain, c’est un auteur primé et membre de l’Académie des Lettres de Lorena. Parmi 60 titres édités, destinés pour une grande part aux professeurs et aux jeunes, ses livres ont conquis deux prix Jabuti, une mention honorable de l’UNESCO et des mentions de Livre Hautement Recommandable de la Fondation nationale du Livre infantile et juvénile. Parmi les thèmes abordés dans ses cours et ses textes figurent le respect envers la nature et envers la vie en communauté, l’appropriation impropre de la connaissance indigène sans droit à reconnaissance ni à réparation, l’éducation différenciée à partir de la création d’une école autochtone ; on y trouve aussi l’adoption effective du terme “autochtone” ou “peuple originaire” au lieu de “indien”, et la raison pour laquelle les collectivités autochtones ont choisi des lieux sur des gisements de minerais. Des questions, en fait, que Daniel a affrontées depuis son enfance.
Né à Belém, État du Pará, en 1964, année du coup d’état militaire qui a instauré la dictature, il a reçu, comme l’imposait le gouvernement, une éducation “occidentalisée”– à commencer par son nom de blanc, Daniel Monteiro Costa. Malgré tout, élevé dans un village de l’intérieur de l’état, où il retourne souvent, il n’a jamais perdu de vue son ancestralité. Il a ainsi opté pour son surnom Munduruku. Dans son livre primé Meu Vô Apolinário (Mon grand-papa Apolinario, non traduit), il raconte comment les enseignements de son grand-père paternel l’ont aidé à mettre en valeur son identité.
Son œuvre la plus récente, Sawé, O Grito Ancestral (Sawé, le cri ancestral, non traduit), qui traite de la destruction de la nature par les humains à la recherche de richesse et de pouvoir, est bilingue. Il a été écrit en portugais et en munduruku pour que le lecteur puisse prendre contact avec l’une des 250 langues originaires existantes ; le Brésil est en effet un des dix pays les plus multilingues au monde, mais contient la majeure partie de la population monolingue de la planète. Munduruku croit en l’existence d’un vide chez le peuple brésilien, formé, selon son affirmation, sans la perspective des peuples originaires.
Après avoir transmis la culture autochtone à travers des conférences, des livres et même des festivals culturels, Munduruku assume maintenant son rôle plus médiatique. Conseiller de l’équipe de mise en scène de Walcyr Carrasco [2] dans la novela actuelle de 21 heures de la TV Globo, il joue en plus un rôle parmi les acteurs autochtones de Terra e Paixão [3] : celui du pajé [4] savant Jurerê Guató.
Vous avez publié 60 livres. Existe-t-il une méthode quelconque en vue de cette intense production ?
J’ai découvert ma vocation pour l’écriture un peu tardivement. J’avais déjà plus de 30 ans quand j’ai publié mon premier livre Histórias de Índio (non traduit), édité par la Companhia das Letrinhas [5], en 1996. À ce moment-là, je pensai que ce serait le seul que je publierais, car le marché éditorial était fermé pour le type de littérature que je pourrais éventuellement produire. Pourtant, la “mouche” de la littérature m’a piqué et j’ai perfectionné mon style au cours du temps, en même temps que j’assurais une présence très constante dans les écoles brésiliennes. Je ne laissais passer aucune invitation à parler des peuples originaires et, sans même être payé pour cela, j’ai obtenu la reconnaissance de mes efforts par les éditeurs qui me rencontraient dans les événements littéraires. Sans plus tarder ont commencé à arriver les invitations à écrire d’autres textes. Ce phénomène augmenta beaucoup au début des années 2000, grâce aux politiques de quotas [6] qui ont été développées à cette époque. À partir de 2008, ce fut encore mieux quand le gouvernement a signé la loi 11.645 qui garantissait la thématique autochtone dans la salle de classe. Dès lors, sont arrivées de nombreuses propositions pour l’acquisition de livres avec cette thématique et par conséquent l’émergence d’auteurs autochtones.
Qu’est-ce que la littérature autochtone peut nous enseigner ?
Elle peut enseigner beaucoup de choses qui ont toujours été refusées à l’ensemble des brésiliens. Par exemple : elle peut nous aider à imaginer le Brésil sous des perspectives autres, au-delà du modèle économique hégémonique ; à accepter la diversité culturelle et linguistique comme un patrimoine dans la formation de notre identité ; à nous rappeler que tout brésilien possède une mémoire ancestrale ; que notre histoire nationale a été racontée de manière exclusive et que de nouvelles générations doivent la raconter en présentant ses acteurs ancestraux.
Vous rejetez le terme “indien”, qui réduit réellement la signification de l’individu et de sa culture, de même que l’appropriation indue de la connaissance autochtone, comme le piratage des ressources naturelles. Que faut-il pour remédier à ces distorsions et ces appropriations ?
Il faut raconter à nouveau l’histoire du Brésil et faire en sorte que les brésiliens se réconcilient avec leur passé ancestral. Ceci pousserait notre peuple brésilien à reconnaître son identité et à la valoriser. Je crois qu’en serait augmentés son auto-estime et son sentiment d’appartenance à ce territoire qui, étant le sien, devrait se développer pour rendre notre peuple heureux. Je crois qu’en faisant ce cheminement, nous nous apercevrions bientôt que nos différences sont, en réalité, notre meilleur trésor.
Vous êtes favorable à une éducation différenciée avec la fondation d’une université autochtone. Qu’est-ce qui est nécessaire à sa création ?
Je suis favorable à ce que les savoirs traditionnels soient reconnus comme des savoirs canoniques. Au moyen de cette reconnaissance se créerait forcément un institut où leur transmission serait possible. Un institut dont les protagonistes seraient les autochtones, mais que tous les brésiliens qui le voudraient pourraient fréquenter et y apprendre.
Pour que cela se produise, il faudrait créer des conditions telles que des autochtones déjà docteurs pénètrent dans les universités et commencent à former une génération de penseurs capables de comprendre que de tels savoirs sont urgents et nécessaires pour le maintien de la planète comme un tout. Il faudrait aussi, évidemment, que nous ayons des politiques moins rétrogrades et aliénés que ceux qui commandent le pays actuellement.
Vos cours, vos conférences et livres, même destinés aux enfants et à la jeunesse, ont un caractère politique. La question écologique est un thème récurrent, comme dans votre dernier livre Sawé, O Grito Ancestral (non traduit). Pourriez-vous expliquer, en résumé, ce qui arrive au peuple Munduruku à cause de la contamination des fleuves par le mercure ?
Le peuple Munduruku est victime du modèle économique exploiteur qui commande le monde aujourd’hui. Un tel système conçoit que l’expropriation des richesses naturelles est la porte d’entrée pour le développement. Pour cette raison, l’utilisation de plus en plus fréquente de produits chimiques pour “laver” les pierres extraites de la terre, pollue l’environnement utilisé pour toutes les formes de vie. Les fleuves sont les catalyseurs du mercure jeté dans leur lit ; de leur côté, les poissons qui s’alimentent des plantes aquatiques sont contaminés et finissent par contaminer les personnes qui s’en nourrissent. Conclusion : enfants, femmes enceintes et de nombreuses personnes se retrouvent avec leurs organes empoisonnés en raison du mercure ingéré. Des études montrent déjà les séquelles de cette consommation : maladies cardiaques, maladies mentales, corps mutilés, entre autres infirmités. Or c’est en train de se propager à travers toute l’Amazonie.
Pourquoi les collectivités autochtones choisissent-elles des endroits situés sur des gisements minéraux ?
Ces endroits ne sont pas choisis pour les gisements minéraux, mais pour l’énergie qui en émane. Les peuples autochtones ne s’intéressent pas à la valeur du minerai, mais au pouvoir de guérison, d’équilibre, d’abondance que ces éléments, unis à la force-même de la nature, sont aptes à produire. Dans ces lieux, l’incidence de la charge spirituelle nécessaire au bien vivre est meilleure.
Quelle est votre opinion sur le seuil temporel ?
Le seuil temporel [7] est une entrave que les ennemis des peuples originaires souhaitent imprimer à la Constitution brésilienne, un véritable parasite dans la législation. Comme dirait Ciro Gomes, un tatou [8] ne grimpe pas sur la souche. S’il se trouve là au sommet, c’est parce que quelqu’un l’a déposé. Le seuil temporel est un tatou sur la souche. Une aberration qui s’oppose à notre bon sens. Je crains que l’histoire ne considère nos politiques actuels une bande de canailles incapables de percevoir sa propre abjection. Je dis, en toute certitude, que leurs enfants souffriront les conséquences de leurs bêtises.
Avez-vous confiance en l’implantation des politiques du Ministère des Peuples Autochtones ?
Je suis réservé quant à la création d’un tel ministère. Ma pire crainte est qu’il ne survive pas à une réforme ministérielle d’ici deux ans. Je pense, également, qu’il y a certaines ambiguïtés dans la conduite des actes du ministère. L’une d’elles consiste à ne pas prendre au sérieux le pouvoir éducatif et innovateur de la culture autochtone. De nombreux juristes dirigeant un ministère auraient besoin d’avoir recours à la présence d’artistes.
Vous avez joué dans le film Tainá 2 [9] et à présent vous interprétez le pajé Jurecê dans la novela Terra e Paixão, en plus d’être assistant de l’équipe de réalisation. La représentation sur les écrans est-elle une manière de populariser la culture autochtone et de modifier l’image caricaturale créée par les blancs ?
Je ne suis pas naïf au point de penser qu’une novela soit la solution pour un problème qui se prolonge depuis plus de 500 ans. Une vision distordue des peuples autochtones est enracinée dans la culture brésilienne. Cela ne s’arrache pas du jour au lendemain. Il existe une petite chance que la novela serve comme instrument éducatif, mais je ne cède pas à l’illusion que le fait de se trouver là constitue, en soi, le signe du changement. Je me plais à imaginer que la novela soit un coup de pied initial pour que la société brésilienne comprenne, une fois pour toutes, que nous sommes leurs contemporains, nous autochtones, et que nous pouvons occuper des espaces qui l’aideront à être plus le Brésil.