Au Brésil, la violence de l’extrême droite contre les professeur·es

 | Par Le Monde Diplomatique Brasil

Pour Fernando Penna et Renata Aquino « Le moment est venu de penser à des politiques de réparation pour la catégorie professionnelle que le bolsonarisme a transformée en ennemie. »

Le début du gouvernement de Lula apporte de l’espoir pour les catégories professionnelles durement persécutées par le bolsonarisme : la semaine précédente a été annoncée la création de l’Observatoire National de la Violence contre les Journalistes – une initiative importante pour garantir la liberté de la presse dans le pays. Pour récupérer aussi le droit à l’éducation, il nous faut un Observatoire National de la Violence contre les Professeurs.

Traduction pour Autres Brésils : Pascale Vigier
Relecture : Cristiane Capuchinho

Le bolsonarisme s’est créé à partir de théories du complot et comme stratégie de formation de groupe il s’est servi d’attaques constantes contre des systèmes de vérification et de construction de connaissance entre pairs ; ainsi, journalistes et enseignants ont été utilisés comme objet de mobilisation par la peur et la haine [1] Des théories du complot ont remplacé l’esprit critique pour penser la réalité. Là où a diminué le bien-fondé de l’éducation sur des bases scientifiques fiables, a proliféré le conspirationnisme, base de la vision du monde bolsonariste.

L’épouvantail de l’ “endoctrinement” a été une des théories du complot les plus efficaces : elle a présenté les enfants, symboles de l’innocence, justement attaqués par les professionnels ou professionnelles avec lesquels ils passent une période fondamentale de leur formation. Cette crainte de “professeurs qui endoctrinent”, qui “corrompent” l’enfance a été nourrie par une longue campagne où, peu à peu, dès 2004, tout ce qui n’était pas conforme pouvait être considéré comme “endoctrinement”, à mesure que la catégorie enseignante perdait de la légitimité dans le système éducatif du pays.

Cette animosité mal dissimulée envers la théorie de “l’endoctrinement” – il vaut la peine de souligner qu’elle est orientée vers une profession largement féminisée – a servi comme un aimant entre des groupes et des idées qui jusqu’à un certain moment étaient seulement proches : tel le cas du Mouvement Brésil Libre (MBL) , qui a réalisé une marche nationale Pour une École sans Parti en 2017 . “Dénoncer un cas d’endoctrinement” est devenu un programme pour gagner attention, engagement et votes.

Lire aussi :
 
Luis Felipe Miguel traduction de Anaïs Fléchet, revue >Brésil(s)

Avec les événements du 8 janvier il devient plus évident que les mots se transforment en actes. À Curitiba, un professeur d’histoire a été sommairement renvoyé d’une école privée sous prétexte qu’il travaillait avec une source historique qui montrait que la sentence “Dieu, Patrie, et Famille” avait auparavant été utilisée par des régimes dictatoriaux au Portugal. À Salvador, une professeure a été exclue pour essayer d’utiliser avec ses élèves un livre de Conceição Evaristo, auteure noire fondamentale dans le contexte littéraire du pays. Les cas sont nombreux et la lassitude par anticipation, l’autocensure des méthodologies et des contenus se sont généralisées afin “d’éviter des problèmes”. Ces cas indiquent un ample phénomène de perte de légitimité de l’autorité intellectuelle des professeurs de l’enseignement primaire. Différents mouvements de censure recommandent jusqu’à ce jour que les parents fassent un procès aux éducateurs parce que, indépendamment du résultat judiciaire, le gâchis émotionnel et financier amène naturellement à une autocensure de l’enseignement. Quand des familles fondamentalistes, des leaders religieux et des politiques d’extrême droite donnent aux professionnels de l’éducation peur d’enseigner au sujet de la théorie de l’évolution, au sujet des inégalités raciales ou de genre, ou sur ce qu’a été la dictature militaire, par crainte d’être expulsés ou exposés dans les réseaux, à l’encontre de leur formation et de leur devoir professionnels, les principales victimes sont la liberté d’apprendre et celle d’enseigner. C’est le droit même à l’éducation qui est en danger, et, en conséquence, notre démocratie.


Fernando Penna est directeur de la Faculté des Sciences de l’Éducation de l’Université de Rio de Janeiro.
Renata Aquino est diplômée en histoire, docteure en Études supérieures d’Histoire et d’Historiographie de l’Université d’État de Rio de Janeiro.

Voir en ligne : A violência da extrema direita contra professores

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