Qui fait la déforestation en Amazonie ? Dans le Cerrado ? Dans le Pantanal ? Dans la Forêt Atlantique ? DE OLHO NOS RURALISTAS divulgue la plus grande enquête jamais réalisée sur les pénalités appliquées par l’Institut Brésilien de l’Environnement et des Ressources Renouvelables (IBAMA) dans la catégorie « flore ». L’ensemble des 284.235 pénalités de ces 25 dernières années apparaît dans le site de cet institut lié au gouvernement fédéral. Ces données - publiques mais dispersées - se retrouvent désormais dans une plateforme où l’on peut voir, par année et par commune, à qui ont été appliqués les plus grands PV. De l’Oiapoque (AP), dans l’extrême Nord, à Uruguaiana (RS), extrême Sud. Qui sont les accusés des plus grandes déforestations à Manaus ou à Boa Vista ? Ou bien à Altamira (PA) ? Ou à Paranagua (PR).
Une fois réorganisées, les données de l’IBAMA ont fait apparaître un public bien sélectionné : 487 personnes physiques et juridiques ont amassé, entre janvier 1995 et octobre 2019, des amendes pour déforestation qui dépassent les R$ 10 millions. Pour savoir sur quelle partie du territoires incident les plus grandes punitions, il suffit de cliquer sur les symboles rouges dans la carte DE OLHO NOS DESMATADORES plus loin. Autres 466 citoyens (ou entreprises) ont eu des PV qui dépassent R$ 5 millions. Chaque amende au-dessus de cette valeur peut être vue, sur la carte, dans les symboles jaunes. Les restantes, au-dessus de R$ 1 million, dans les symboles verts.
Il est important de noter que l’INCRA est la personne juridique qui a reçu le plus d’amendes millionnaires depuis 1995. Cela est dû à l’occupation illégale par des accapareurs de terres publiques. Ainsi, c’est bien l’INCRA qui est le destinataire de l’amende. Un cas classique est celui de São Félix do Xingu (PA). C’est là que la plupart des amendes millionnaires infligées à l’INCRA l’ont été au cours des dernières années. – explication de Leonardo Fuhrmann, journaliste, dans Viomundo
La liste rassemble des milliers d’entreprises - dans une bonne partie, des compagnies ouvertes - et des centaines de politiciens. Des multinationales aux grands représentants brésiliens de l’agrobusiness. Des banquiers aux entrepreneurs du bâtiment. Le lecteur attentif y trouvera le nom d’un chanteur célèbre. Ou le père d’un sélectionneur du foot. Des organisateurs du carnaval bahianais. Des people. Des maires. Un gouverneur. Plusieurs ex-gouverneurs. Tout le long des prochaines semaines, la série DE OLHO NOS DESMATADORES (« L’oeil sur la déforestation ») divulguera des nouvelles sur ceux-là et encore autres personnages, organisées par secteur d’activités ou autre critère journalistique.
Consultez ci-dessous la carte interactive Mapa das Multas por Desmatamento (Carte des amendes pour déforestation) élaborée par l’observatoire :
Voici le lien pour y accéder :
Avec la publication de cette carte, DE OLHO NOS RURALISTAS remplit sa fonction de diffusion non seulement de l’actualité - sa raison d’être -, mais aussi d’autres informations d’intérêt public. L’enquête à l’origine de la plateforme a déjà motivé des reportages dans les principaux média brésiliens : The Intercept Brasil et CartaCapital. Ce site a divulgué la liste des 25 plus grandes amendes pour déforestation depuis 1995. Le magazine a publié dix pages sur le sujet, titré en couverture, dans l’édition qui a circulé le vendredi 31/01/2020. D’autres média, au Brésil et dans d’autres pays ont l’intention de publier des reportages à partir de ces données.
LA CARTE DEVOILE DES AMENDES MILLIONNAIRES
La plupart des plus grandes amendes a été appliquée en Amazonie. Le reportage de CartaCapital révèle qu’une société appartenant à un gouverneur en Amazonie Légale[En vertu de loi loi fédérale de 1955, l’Amazonie légale désigne la région administrative comprenant les état du Acre, Amapá, Amazonas, Mato Grosso, Pará, Rondônia et Roraima, et une partie du Maranhão et du Tocantins.], Mauro Carlessi (Democratas - DEM), se trouve parmi les 4.620 propriétaires terriens qui, ces 25 dernières années, ont été condamnés à des amendes dans la catégorie « flore » au-dessus de R$ 1 million . Cela aurait entraîné sa condamnation dans son Etat, le Tocantins. Mais Carlessi n’est pas parmi les détenteurs de records, ceux dont les pénalités dépassent R$ 50 millions sur toute la période. Il y en a qui ont été pénalisés sur 16 années successives. Qui sont ces récidivistes ?
Parmi les 25 plus grands inculpés, 24 ont payé des amendes sur plusieurs années. La récurrence ne concerne pas les inculpations de faible valeur : 22 parmi les gros transgresseurs ont dû payer des amendes supérieures à R$ 1 million sur au moins deux ans. En tête de liste, l’Institut National de Colonisation Agraire (INCRA) ; s’ensuit l’Agropecuaria Santa Barbara, appartenant à la famille du banquier Daniel Dantas. Des éleveurs comme Antonio José Junqueira Vilela Filho, « AJJ » pour les potes, ainsi que les frères Quagliato, occupent une place importante. La sidérurgie idem. En fin de comptes, une partie du bois devient charbon.
Sur l’ensemble de la carte, un même nom peut apparaître plusieurs fois. Le critère utilisé a été que le propriétaire ait accumulé plusieurs amendes qui, additionnées, monteraient à plus de R$ 1 million. Prenons « AJJ » : rien qu’en 2016, année où il a battu des records, ce pauliste apparaît dans les Etats de Rondonia, Mato Grosso, Piaüi et, principalement, Para. Les registres sont faits par municipalité. Mêmes résultats en 2012, 2013 et 2014, années où il a été condamné à payer plus de R$ 1 million en amendes. Les amendes mineures, ces années-là et autres, ne rentrent pas dans le relevé. Plusieurs amendes dans une même année et dans une même municipalité, dispersées dans la base de données de l’Ibama, ici apparaissent additionnées.
Cela signifie que la carte ne montre pas seulement les « champions » des amendes répertoriées dans le site Intercept et dans le journal CartaCapital. Tous ceux qui ont été condamnés à des amendes au-dessus de R$ 1million, depuis 2010, apparaissent sur la carte.
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Vérifiez un exemple sur la carte interactive : Xavier Dallagnol, oncle du procureur Deltan Dallagnol, condamné à Nova Bandeirantes ( dans le Mato Grosso MT). Chaque module apporte, par année, le nom du pénalisé, la commune, la date, le CPF (ou CHPJ - registres fiscaux) et le total de ses amendes sur la commune. La plateforme comprend déjà tous ceux qui ont reçu, depuis 1995, des condamnations au-dessus de R$ 5 millions - et elle sera mise à jour tout au long des prochains mois.
LA PERIODE COINCIDE AVEC CELLE DU PLAN REAL
Toutes les données publiées sur la carte proviennent de la section ’Consulta de Autuações Ambientais e Embargos’, dans le site de l’Ibama. Là, chaque amende a sa propre histoire. Certaines ont prescrit. D’autres, même après des décennies, font l’objet d’appels. Une tranche plus mince, 1,42% du total, a été payée. L’observatoire divulgue ces données parce qu’elles sont publiques et parce que ce sont elles qui permettent de comprendre où se sont produits les flagrants délits contre la flore au Brésil, conformément aux critères de l’institut. Et elles montrent qui a été incriminé.
Le lecteur qui voudrait savoir, par exemple, qui a reçu des PV à Santarém (PA), en août 2019, devait faire une opération spécifique sur la plateforme de l’Ibama, car le renseignement était quelque peu cachée dans ce site. Qui a eu un flagrant délit pour déforestation dans la période ? Des brigadistes ? Des bûcherons ? Des propriétaires ruraux ? Avec le carte interactive Mapa das Multas por Desmatamento, il est possible, en quelques secondes, avec la souris, de savoir qui a été surpris par les agents du gouvernement fédéral à Santarém ou en Altamira dans l’Etat du Para, ou encore dans chaque commune de l’Etat de Rio de Janeiro.
La période entre 1995 et 2019 a été retenue pour cette recherche pour deux raisons. D’abord, parce que le Brésil a eu une même monnaie dans toute la période. Les valeurs indiquées sur la carte sont celles du moment de l’application de l’amende, sans correction monétaire. Deuxièmement, parce que les inculpations millionnaires n’ont commencé à apparaître qu’en 1996. En 1995, 1997et 1998, il n’y a pas eu d’amende supérieure à R$ 1 million. Ceci n’est devenu courant qu’à partir de 1999, suite à l’adoption, l’année d’avant, de la Loi des Crimes Environnementaux. Nous avons ainsi une génération identifiable des méga inculpés par l’Ibama.
Donnés en provenance du site de l’IBAMA (Imagem De Olho nos Ruralistas)
Les données relatives à l’année 2019, entre janvier et octobre, ont été téléchargés en novembre. Les amendes appliquées en novembre et décembre n’ont pas encore été publiées. Par rapport aux années antérieures, de 1995 à 2018, les données ont été téléchargées en mai 2019, à fin d’unifier la recherche. La raison en est qu’il n’est pas rare que la plateforme de l’Ibama supprime des noms, surtout parmi les plus récents. En 2017, par exemple, lorsque l’observatoire a commencé à rechercher les amendes pour cause de déforestation, le médecin pauliste Carlos Alberto Mafra Terra était en tête de la liste de l’année, comme responsable de l’Agropecuaria Santa Barbara, du banquier Daniel Dantas, mais les amendes, à Cumaru do Norte (PA), ont été retirées du système. La carte est basée sur les données disponibles en 2019.
L’inclusion d’un nom dans la carte interactive Mapa das Multas por Desmatamento ne doit pas être confondue avec une quelconque condamnation judiciaire de l’un des propriétaires nommés. Pour connaître la situation administrative ou juridique de chacun d’eux, il faut entrer dans la plateforme du gouvernement et obtenir plus de détails. Tous les propriétaires inculpés ne sont pas d’accord avec les pénalités. La série De Olho nos Desmatadores « L ‘oeil sur la déforestation » publiera des reportages spécifiques les semaines à venir, sur ce thème et d’autres, ainsi que toutes les réponses qui arriveront à la rédaction.
La recherche a commencé en 2017, a été développée en 2018 et consolidée en 2019, où « DE OLHO NOS RURALISTAS a reçu l’appui de Amazon Watch et de Reporters sans Frontières. Ces ressources ont permis d’avantage de temps de travail pour un reporter et pour un designer. L’un de objectifs de l’observatoire est de transformer la carte en une plateforme pérenne, comme source de consultations pour des journalistes et chercheurs.
*reportage de : Alceu Luís Castilho, Leonardo Fuhrmann et Priscilla Arroyo collaboration de : Maria Ligia Pagenotto et Yago Sales. Carte : Rodrigo Correa et Felipe Fogaça.