Ce colloque a pour objectif de proposer un éclairage historique sur la profonde rupture politique vécue par le Brésil au cours de l’année 2016, c’est-à-dire la conquête du pouvoir par une droite très conservatrice, via l’impeachment de la présidente Dilma Rousseff. Après treize ans de mandats du Parti de Travailleurs, de centre-gauche, 2016 a vu se dérouler une « alternance » politique – phénomène classique en démocratie – selon des mécanismes tout à fait inédits : d’abord, elle a nécessité l’emploi d’une mesure juridiquement extrême, l’impeachment. Celui-ci a été voté alors qu’aucun crime ou délit grave n’avait été commis par l’ex-présidente : il s’agit donc d’une condamnation politique, dénotant un sentiment d’urgence de revenir aux affaires de ces secteurs conservateurs. L’autre particularité de cette alternance est que ce « front conservateur » était déjà majoritaire au Sénat et à l’Assemblée, détenteur de la vice-présidence ainsi que de nombreux postes gouvernementaux. L’accession à la présidence de Michel Temer lui assure donc les pleins pouvoirs, et la possibilité de mettre en œuvre un programme politique qui n’aura pas été validé par les urnes à cette échelle de l’Etat. Enfin, le passage à droite de l’exécutif se déroule avec pour toile de fond, dans la société, un profond discrédit pour la classe politique, mais également une forte progression de revendications conservatrices, sociétales, économiques et idéologiques, que les résultats aux élections municipales d’octobre 2016 ne font que confirmer.
Tous ces éléments confirment l’existence d’une rupture, non seulement constitutionnelle, mais aussi politique, que ce colloque prétend aborder dans une perspective interdisciplinaire et comparatiste. Notre objectif est en effet de donner une profondeur de temps aux thématiques mises en avant par le camp politique « pro-impeachment », ses traits socio-politiques et ses modes d’organisation : racialisation et dé-sécularisation du politique, omniprésence de la thématique anticommuniste, résurgence d’une mémoire positive de la dictature, poids de groupes de pression et lobbys, renouvellements de la pensée néolibérale. Toutes ces thématiques seront envisagées dans une perspective historique et socio-historique.
L’une des ambitions de ce colloque est de réfléchir collectivement aux spécificités, historiques et politiques, des droites brésiliennes, ainsi que leur insertion dans un contexte global : pour cela, il a été pensé dans une dimension résolument comparatiste. Ainsi, les sessions seront composées d’un chercheur brésilianiste, et d’un collègue non-brésilianiste, spécialiste du même thème dans une aire géographique différente.