Premières réflexions

 | Par Emir Sader

Source : Carta Maior

Date de publication : 20/06/2013

Traduction : Erika Campelo pour Autres Brésils

Le mouvement, qui a débuté comme une résistance à l’augmentation du coût des transports, est sans précédent et surprenant. Celui qui pense pouvoir comprendre toutes ses dimensions et les projections futures immédiatement, aura très certainement une vision réductrice du phénomène, tirant les faits par les cheveux pour défendre les thèses développées précédemment, pour confirmer ses arguments sans se rendre compte du caractère multiforme et surprenant de ces mobilisations.

Nous n’allons pas essayer ceci dans cet article, mais seulement tirer quelques premières conclusions, qui nous paraissent claires.

1. L’annulation de la hausse a été une victoire pour le mouvement, il montre la force des manifestations, d’autant plus quand elles reposent sur une demande juste et possible - tant et si bien qu’elle a eu lieu.

2. Cette victoire renforce tout d’abord concrètement le fait que les mobilisations populaires valent la peine, sensibilisent les gens, font parler pour toute la société et servent comme un facteur de forte pression sur les gouvernements.

3. En outre, le mouvement a mis le débat sur une question clé dans la lutte contre le néolibéralisme - la polarisation entre les intérêts publics et privés. Sur qui doit financer les coûts d’un service public essentiel qui, en tant que tel, ne devrait pas être soumis aux intérêts du privé, axés sur le profit.

4. La conquête de l’annulation de l’augmentation se traduit par des avantages pour les plus pauvres, qui sont ceux qui servent habituellement des transports en commun, ce qui démontre comment un mouvement doit chercher à englober non seulement les demandes qui touchent tous les secteurs de la société en particulier, mais chercher à satisfaire les demandes plus larges, en particulier celles qui ont à voir avec les secteurs les plus démunis de la société et qui ont le plus de difficultés à mobiliser.

5. Peut-être l’aspect le plus essentiel de ces manifestations a été de faire entrer dans la vie politique de larges couches de la jeunesse, qui ne sont pas considérées par les politiques gouvernementales et qui, jusqu’ici, n’avaient pas trouvé leur manière spécifique de se manifester politiquement. Cela peut-être l’une des conséquences les plus durables de cette mobilisation.

6. Il est également devenu clair que les gouvernements, de partis différents, certains plus – ceux de droite - d’autres moins – ceux de gauche - ont des difficultés à être en rapport avec les mobilisations populaires. Ils prennent des décisions importantes sans consultation, et lorsqu’ils sont confrontés à la résistance populaire, ils ont tendance à réaffirmer leurs décisions de manière technocratique - « il n’y a plus de budget », « les comptes ne sont pas clos », etc. - Sans se rendre compte qu’il s’agit d’une question politique, une revendication juste de la citoyenneté, soutenue par un immense consensus social, qui doit avoir des solutions politiques, ce pour quoi les dirigeants ont été élus. C’est seulement après de nombreuses protestations et l’usure de l’autorité des gouvernants que les bonnes décisions sont prises. Une chose est de dire que l’on « dialogue » avec les mouvements, une autre est de faire face efficacement à leurs mobilisations, encore plus lorsqu’ils contestent les décisions prises par les gouvernants.

7. Certainement un problème auquel le mouvement est confronté est la tentative de manipulation du mouvement de l’extérieur. Comme celle représentée par les secteurs les plus extrémistes, qui ont cherché à introduire des revendications maximalistes de « soulèvement populaire » contre l’État, qui justifieraient leurs actes violents, qualifiés de vandalisme. Ces secteurs sont très petits, extérieurs au mouvement - avec infiltration de la police ou non. Ils profitent de l’importance que la couverture médiatique immédiate donne, mais ils ont été rejetés par presque tous les mouvements.

8. L’autre tentative est de droite clairement exprimée dans l’attitude des anciens médias. Initialement celle-ci s’oppose au mouvement, comme elle a l’habitude de le faire pour toute manifestation populaire. Mais, quand elle s’est rendue compte que cela pouvait constituer une déchirure pour le gouvernement, encouragée, elle a essayé d’insérer artificiellement ses directives dirigées contre le gouvernement fédéral. Ces tentatives des dirigeants du mouvement de APELAS ont également été rejetées, bien qu’un élément réactionnaire soit devenu omniprésent, avec l’amertume typique de l’extrémisme de droite, amplifié par les anciens médias.

9. Il est intéressant de noter la surprise des gouvernements et leur incapacité à comprendre le potentiel explosif des conditions de vie en milieu urbain et, en particulier, l’absence de politiques de la jeunesse par le gouvernement fédéral. Les associations étudiantes traditionnelles ont également été surprises et ont été absentes des mouvements.

10. Deux attitudes se sont affrontées au cours des mobilisations : la dénonciation des manipulations par la droite - positions plus clairement présentes dans les médias traditionnels - et les tentations de s’opposer au mouvement. C’est cette exaltation critique du mouvement, comme s’il contenait des projets clairs et futurs. Les deux ont tort. Le mouvement est né de justes revendications, comprenant des sections de la jeunesse, avec leurs états de conscience actuel, avec toutes les contradictions qu’un mouvement de cet ordre contient. La bonne attitude est d’apprendre de ce mouvement et d’agir avec lui, pour nous aider à avoir une conscience plus claire de ses objectifs, de ses limites, des tentatives de réappropriation par la droite et des problèmes que cela soulève et de faire avancer le débat sur sa signification et sur les meilleurs moyens à mettre en place pour faire face à ses conséquences.

La signification majeure du mouvement deviendra plus clair avec le temps. La droite ne sera intéressé que par ses préoccupations électorales étroites - dans ses efforts désespérés d’accèder au second tour des élections présidentielles. Les segments extrémistes chercheront des interprétations exorbitantes comme quoi il aurait été données des conditions alternatives violentes, ce qui disparaîtra rapidement.

Le plus importante sont les leçons que le mouvement lui-même et la gauche - partis, mouvements populaires, gouvernements - tireront de l’expérience. Aucune précédente interprétation ne rend compte de la complexité et de la nouveauté du mouvement. Probablement la plus grande conséquence est l’introduction du thème de la signification politique de la jeunesse et des conditions concrètes de vie et des attentes au Brésil au XXIe siècle.

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