Au moment même où le Brésil commémorait les cinquante ans de la mort de Getulio Vargas, le film Olga, qui parle de la vie de Olga Benário, la compagne de Luis Carlos Prestes, est sorti dans les salles obscures du pays. Je suis allé voir le film, un soir, et le lendemain j’ai lu un article du philosophe Emir Sader sur le sujet.
Olga, juive, née en 1908, adhère au parti communiste de Munich, sa ville natale, à l’âge de quinze ans. Le scénario, écrit par le romancier Fernando Morais, est porté à l’écran par Jayme Monjardin, qui a repris la majeure partie la distribution de « A casa das sete mulheres ». Le film est d’une très grande qualité au niveau du script (de Rita Buzar), de la mise en scène, des costumes, des dialogues et de la fidélité à l’histoire.
Eh bien, Emir Sader interroge et répond lui-même : Olga dérange-t-elle ? Oui ! personne ne quitte la salle indifférent à ce beau film, qui a déplu à certains « directeurs de conscience ». Olga dérange parce qu’il raconte l’histoire personnelle de deux révolutionnaires. Ça dérange de savoir que les militants communistes sont des personnes, qui aiment, qui soufrent et qui sont heureux, en s’identifiant totalement avec les causes pour lesquelles ils luttent, qui ne recherchent pas des profits personnels mais la justice et la solidarité.
Olga dérange parce qu’il rappelle les brutalités répressives perpétrées contre les juifs et les communistes ici et en Allemagne. Le bourreau brésilien Filinto Müller († 1972), par les atrocités qu’il a commises, a été l’objet d’un livre de David Nasser, écrit en 1950, intitulé Il manque quelqu’un à Nuremberg. Il livre Olga, alors enceinte de sept mois - sur les ordres de Vargas - à la Gestapo. Elle sera exécutée en 1942 dans une chambre à gaz à Bernbug...
Le film rappelle que beaucoup ont fermé les yeux, y compris le pape Pie XII, devant le nazisme. Olga dérange surtout ceux qui vivent des intérêts, des profits, de la grande propriété, du prestige, des gains immédiats, du pouvoir-savoir qu’un autre mode de vie et de valeurs sont possibles. Olga dérange peut-être parce qu’il montre Fernanda Montenegro, notre plus grande actrice, donner vie à Leocádia, la mère de Luís Carlos Prestes.
Peut-être que ça dérange d’entendre l’Internationale dans différents arrangements y compris pendant les scènes d’amour des révolutionnaires. Il se peut aussi que Olga dérange parce que c’est une production d’excellente qualité, bien qu’il essaie d’éviter les clichés du style nord-américain auxquels les films nous ont tant habitués. Mais surtout, Olga dérange parce que c’est un film qui se positionne clairement à gauche - comme le sont Carnets de voyage et les films de Michael Moore - quand ils veulent nous convaincre que tout ça n’existe plus et que les valeurs d’aujourd’hui sont différentes.
Et avant tout Olga est un film humaniste, qui n’épargne pas les bourreaux, qui appelle un chat un chat. Regardez Olga, au cinéma ou en DVD, malgré les conservateurs. Que les jeunes sachent, que les adultes se souviennent et que tous voient et jugent, de leurs propres yeux, avec leurs sentiments, leur raison et leurs valeurs. Olga dérange et c’est très bien comme ça, en des temps qui semblent dire à tous de ne plus se déranger pour rien. Plus que jamais suivez ce conseil : regardez le film et lisez le livre.
Par Antonio Mesquita Galvao,
écrivain, philosophe et professeur de Sciences Politiques
Source : ADITAL - 09/09/2004
Traduction : Sandrine Lartoux pour Autres Brésils