Le 5 juillet 1962, dans le contexte d’une pénurie spéculative aiguë de riz et de haricots, et d’une grève générale décidée par les syndicats, les foules affamées de la Baixada Fluminense, périphérie pauvre de Rio de Janeiro, prirent d’assaut et mirent à sac deux mille commerces, à la recherche de nourriture. Ce jour-là, il y eut 42 morts et 700 blessés ; la furie populaire se concentra sur les entrepôts et les boulangeries. La police militaire se limita à empêcher que les pilleurs entrent dans les [beaux] quartiers cariocas, tandis que l’Association commerciale et industrielle appelait à l’aide les fusiliers marins. Ces épisodes accélérèrent la formation des escadrons paramilitaires financés par les commerçants et les industriels, qui feraient office d’une sorte de police privée.
La dictature militaire installée en 1964 [1] creusa davantage encore le fossé toujours plus grand entre les élites et la population pauvre, et accentua la criminalisation de la pauvreté. Même si les escadrons étaient apparus à la fin des années 50 pour appliquer la « solution finale » à des délinquants, la pratique de l’exécution sommaire - sa marque d’identité - se consolida sous le régime militaire, et fut utilisée non seulement contre le délit, mais aussi pour annihiler les militants de gauche. La police militaire, toujours mal payée, s’est impliquée dans la répression illégale, le jeu illicite et le trafic de drogues, avec la complicité de l’Etat - dominé par les mêmes élites qui l’avaient corrompue pour assurer leur propre protection face aux débordements de ceux qui vivaient à la marge - pour sceller l’impunité des assassins.
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