Le Forum Social Nordestin s’impose comme un espace de revendications de gauche

 | Par Bia Barbosa

Le Forum Social du Nordeste, qui s’est terminé le 27 novembre 2004 à Recife, a montré, avec près de 8.000 participants et plus de 670 organisations, que l’articulation des mouvements sociaux de la région est un chemin pour la revendication et la recomposition de la pensée de gauche au Brésil.

<img1199|left> 128 ateliers autogérés, 33 séminaires, quatre grandes conférences, une marche dans la ville qui a réuni près de 10 mille personnes et enfin plus de 100 activités culturelles ont été organisés. En quatre jours intenses, sous la chaleur de l’Etat de Pernambouco, le Forum Social du Nordeste a permis un engagement massif des Etats de la région dans la lutte contre l’hégémonie néolibérale et pour le développement d’un autre Nordeste.

Cet engagement s’est traduit dans le nombre d’inscrits à la rencontre. Des 8.357 inscrits, 5.066 étaient délégués, c’est-à-dire représentant une des 672 organisations participant au Forum dans le but de réactiver le champ politique de la gauche nordestine et de le maintenir en constante évaluation à travers l’articulation des mouvements sociaux locaux.
« Il y a une tentative d’imposer des défaites à la gauche de manière générale. Au Brésil, la défaite de la gauche arrive maintenant. Notre réponse a été d’organiser le Forum et de montrer que la gauche est vivante. Faire le Forum, c’est créer un espace de revendication de la gauche, de recomposition d’une pensée meilleure, davantage plurielle. C’est quelque chose de plus ambitieux que de changer le gouvernement ; nous devons redémocratiser l’Etat » affirme Silvia Camurça, de l’Articulation des Femmes Brésiliennes, membre de la coordination collégiale du Forum Social du Nordeste (FSNE).

L’objectif d’articulation des diverses forces politiques de l’Etat est une des victoires du FSNE. Le Forum s’est construit autour de trois grands axes : Radicaliser la démocratie contre le néolibéralisme, Le développement que avons et le Nordeste que nous voulons, L’affirmation des mouvements sociaux du Nordeste. La rencontre a bien mis en évidence la pluralité des luttes sociales dans la région, un élément pressenti dans le processus de construction du Forum, et qui s’est concrétisé. En garantissant la tenue d’autant de discussions, de formes d’action politique et de modèles d’organisation, le FSNE a réussi à se transformer en une arène de dialogue de la société civile.

Des propositions sont nées du Forum, allant de la réalisation d’un plébiscite sur la transposition du fleuve São Francisco, de la reprise d’une campagne pour l’audit de la dette publique à des motions contre la base d’Alcântara dans l’Etat du Maranhão et à la construction d’un Plan directeur participatif dans les communes qui renforcerait l’usage d’instruments et de mécanismes de participation populaire dans les villes. Ont aussi été évoquées la création d’un fonds national d’appui à l’économie solidaire, la défense de la division syndicale par activité économique en vue d’une consolidation des luttes des travailleurs, l’inclusion de l’enseignement de l’histoire africaine dans les cursus scolaires de l’enseignement secondaire et aussi l’attribution à des femmes de 20% des postes politiques dans les municipalités du Nordeste afin d’encourager leur participation.

Cet espace de dialogue de la société civile, nécessaire pour affronter le modèle néolibéral doit maintenant relever le défi de « la construction d’un projet populaire de transformation du Nordeste qui ne soit pas soumis à l’agenda du gouvernement » souligne Mônica Oliveira, de l’Association Brésilienne d’ONG (Abong). « Les thématiques de la violence, des inégalités et de la diversité culturelle ont marqué le Forum. Elles sont une réponse des mouvements sociaux aux politiques publiques que les gouvernements présentent et qui ne répondent pas aux attentes sociales » ajoute-t-elle. Un obstacle doit être vaincu par le Forum pour que cela ne reste pas soumis à l’agenda du gouvernement : être considéré comme un tout par la société et non comme un salon ou un événement ponctuel ou encore comme un Forum anti-Lula. Il faut que le FSNE soit vu comme un espace de lutte et de regroupement des mouvements. « 

 » Dans un contexte défavorable, de crise de la gauche, qui amène la population à l’isolement et à la dépolitisation, instaurer un processus d’articulation globale qui reflète le Nordeste est un véritable défi. Les gens ont déjà oublié à quoi sert la lutte des masses et les mouvements comme le Forum. Il y a une harmonie tellement grande entre le gouvernement et la société qu’on a oublié qu’il est nécessaire de revenir à des pratiques de gauche. C’est cela que propose le Forum du Nordeste. « explique Sivia.

LES POINTS FORTS

Lors de la clôture de la rencontre, la Coordination Collégiale du Forum Social Nordestin est revenue sur les points positifs du processus. Le premier est le visage populaire du FSNE qui a pris les traits de la femme nordestine. Grâce aux efforts faits pour amener à Recife les militants de base des mouvements sociaux, les femmes, qui bien souvent ne sont pas des cadres dirigeants des organisations, ont pu être présentes. Au total, le nombre de femmes au Forum était trois fois supérieur à celui des hommes. Le risque politique de placer la jeunesse au sein de la rencontre - le FSNE n’avait pas de campement de la jeunesse comme celui du Forum Social Mondial - a aussi été un succès.

Directement insérés à la programmation, les divers mouvements de jeunesse, d’étudiants, de hip hop, qui ne sont pas toujours capables de dialoguer, ont réussi à être ensemble à et ont initié un processus de dialogue. Le fait d’avoir organisé le Forum sur le campus de l’Université Fédérale de Pernambouco, durant son activité ordinaire, au rythme normal des cours, a aussi garanti un échange avec le milieu universitaire et la sensibilisation de nouveaux alliés pour la lutte. » Aujourd’hui, il y a d’innombrables recherches sociales dans les universités, il y a une pratique de rapprochement avec les mouvements sociaux. La présence de ces mouvements sur le campus a été l’opportunité pour le milieu universitaire de comprendre ce qui se discute à l’intérieur de ces mouvements et de montrer à tous comment le savoir permet l’inclusion sociale " explique Maurício Guerra, du Forum de la réforme urbaine du Nordeste.

Enfin, l’articulation entre culture et politique a été mise en évidence autant par l’engagement dans le processus de construction du Forum que pendant son déroulement. Les dizaines d’artistes populaires qui ont montré la force de la culture nordestine durant ces quatre jours du FSNE n’ont exigé aucun cachet car, selon l’organisation, ils ont compris l’importance de l’engagement des artistes dans la lutte contre le néolibéralisme. Le thème de la culture, transversal à toute la rencontre, a marqué la clôture du Forum avec une conférence publique réalisée dans le Parc du 13 mai, dans le centre de Recife. Là, les participants du FSNE et les habitants de la ville se sont assis côte à côté pour écouter les universitaires et les représentants du gouvernement débattre sur la marchandisation de la culture et la transformation sociale.

Dans le manifeste « Culture et politique », lu à la fin du Forum, la commission culture a tenu à laisser bien clair qu’elle n’était pas un comité des fêtes. « Nous voudrions refléter la diversité des langages, des thématiques et des formes d’expression artistiques, et cela grâce à l’articulation et à la mobilisation de chaque Etat engagé. Favoriser la participation au Forum d’expressions artistiques des banlieues, des campagnes, d’endroits plus éloignés vivant une réalité de marginalisation et d’exclusion des artistes populaires, de groupes et de mouvements culturels dont la présence en tant qu’expression politique et esthétique est indispensable aux objectifs du Forum. La diversité esthétique que nous avons vécue dans une des villes les plus violentes du pays montre et renforce l’idée que ces expressions et langages possèdent une force politique et un pouvoir de contagion inégalable dans la transmission des valeurs, des savoirs, des croyances, des conflits et des injustices du passé et du présent » disait le texte.

Cependant, cette première édition du Forum Nordestin a révélé quelques lacunes dans son processus. Le rythme d’engagement et de participation des Etats de la région a été différent. Près de 60% des participants étaient du Pernambuco, état hôte. Ensuite, les plus grandes délégations étaient de l’Etat de Paraiba, du Rio Grande do Norte et de Bahia. Cela n’a pas été considéré comme un problème mais comme quelque chose de naturel dans le début d’un processus. Il s’agit d’une spécificité régionale qu’il faut prendre en compte.La seconde édition du Forum nordestin n’a pas encore été fixée. L’idée, suivant la dynamique du Forum Social Mondial, est d’attendre de savoir quand aura lieu le Forum Social Brésilien qui pourrait se tenir dans une ville du Nordeste. Avant cela, la région se réunira à nouveau au Forum Social Potiguar (FSP), du 16 au 19 décembre, à Mossoró, dans l’intérieur du Rio Grande do Norte. Ce sera la troisième fois que ce Forum a lieu dans cet Etat. Plus de trois mille personnes sont attendues à cette rencontre qui consolide une initiative pionnière dans la régionalisation et l’enracinement local du processus des forums sociaux. Cette année, l’axe principal du FSP sera l’économie solidaire.


Par Bia Barbosa

Source : Agência Carta Maior - 29/11/04

Traduction : Emilie Sobac pour Autres Brésils


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