La militarisation de l’Incra préoccupe les organisations liées au milieu paysan.

 | Par Rafael Tatemoto

La présence de militaires au sommet de la structure bureaucratique de l’Institut National de Colonisation et de Réforme Agraire (Incra) met en alerte les organisations populaires liées aux questions agraires.

Traduction : Roger GUILLOUX pour Autres Brésils
Relecture : Nasser Olivier Belalia
Par Rafael Tatemoto

Le Général de la réserve João Carlos Jesus Corrêa, est le président de l’institution depuis le 11 février 2019 / Crédit : Elza Fiuza / Agência Brasil

La restructuration de cet organisme se fait sur le même modèle que les autres institutions sous le gouvernement Bolsonaro. Selon un relevé réalisé par le quotidien Estadão , aux trois échelons les plus élevés de l’Exécutif, on retrouve environ 130 personnes issues des Forces armées [1].

A l’Incra, la présidence est occupée par le général de réserve João Carlos Jesus Corrêa. L’instance de médiation [2] agraire nationale chargée de recueillir les plaintes liées aux conflits concernant les questions foncières, a pour responsable le colonel João Miguel Souza Aguiar Maia de Sousa.

La Commission pastorale de la terre (CPT), organisme rattaché à la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), est dans une phase d’évaluation des répercussions possibles de la militarisation de l’Incra. Pour Isolete Wichinieski, membre de la coordination nationale de cet organisme, ce changement peut indiquer que, pour le gouvernement actuel, la solution à la question foncière au Brésil, passe par l’étouffement des conflits et non pas par l’analyse de ce qui est à l’origine de ceux-ci.

“En réalité, la question foncière est abordée par ce gouvernement comme devant être résolue à partir de critères de sécurité tels qu’ils sont perçus par les militaires et non à partir d’un changement de la structure agraire du pays. Depuis l’époque des gouvernements militaires, la question agraire est perçue comme importante pour l’expansion de la frontière agricole. A un tel point que l’Amazonie a été considérée comme un espace stratégique dans les années 70” dit-elle.

Winchinieski explique que d’un point de vue historique, les Forces armées conçoivent l’espace rural à partir de la logique de l’occupation et de la colonisation, fermant les yeux sur les questions latifundiaires. A titre d’exemple, les récentes prises de positions de militaires contre les réserves indigènes témoignent de la reprise de cette logique.

Nouveau modèle

Pour Frédérico Almeida, professeur de sciences politiques à l’Université d’Etat de Campinas (Unicamp), en réalité la présence de militaires dans le gouvernement Bolsonaro, assure la continuité d’un processus initié il y a quelques années.

“Cela ne date pas seulement de ce qui allait se produire après l’élection de Bolsonaro. Il y avait déjà une orientation dans ce sens venant de la présence du général Sérgio Etchegoyen, chef du Cabinet de la sécurité institutionnelle (GSI) du gouvernement Temer. A titre d’exemples, l’intervention fédérale à Rio [3] et toutes les déclarations publiques des généraux Eduardo Villas Boas [4], Agusto Heleno et Hamilton Mourão, avant même qu’ils ne s’engagent en faveur de la candidature de Bolsonaro”, dit-il.

Il est évident qu’à l’arrivée du gouvernement Bolsonaro, les membres des forces armées ont assumé un rôle éminent qui rompt avec les modèles de gouvernement établis depuis la redémocratisation. Almeida estime cependant, qu’il est trop tôt pour affirmer que les militaires ont pris le contrôle total de la politique.

″Au sein-même du pouvoir, on ne peut pas dire que le gouvernement est aux ordres des Forces armées. Il est sous observation″ estime-il, rappelant que les militaires ont des positions divergentes de celles d’autres groupes du gouvernement actuel, à commencer par les membres de la famille Bolsonaro.

Voir en ligne : Brasil de Fato

[1Actuellement, au premier échelon : le vice-président et 7 ministres (sur 22), plus de 40 au deuxième échelon (secrétaires d’état, présidents d’organismes publics, …) dans presque tous les secteurs (justice, éducation, agriculture, droits humains, relations avec les ONGs, infrastructure, communication, …)

[2En portugais : ouvidoria

[3En février 2018, le président Temer a décidé de retirer les questions de sécurité de l’Etat de Rio au gouverneur de cet Etat et les a confiées (jusqu’à la fin de 2018) aux Forces armées.

[4Accesseur du général Agusto Heleno, ce dernier est le nouveau directeur du GSI (organisme qui chapote les différents services de renseignement). Hamilton Mourão : actuel vice-président du Brésil.

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