Un amendement à la Constitution votée par l’Assemblée Législative de l’Etat de São Paulo (Alesp) va permettre, à partir du 19 de janvier, que les mairies de tout l’Etat de São Paulo accordent la titularisation des terrains publics occupés de façon illégale par des familles à faibles revenus. Uniquement dans la municipalité de São Paulo, il s’agit de plus de trois millions de personnes qui vivent sur occupations clandestines, les cortiços et les favelas, une grande partie d’entre elles situées sur des zones d’utilité publique.
Très peu de familles obtiennent des documents, bien que certaines occupations, comme la favela Heliópolis, ont déjà été reconnues en tant que quartiers par les pouvoirs publics. Située dans la capitale de l’Etat de São Paulo, cette favela a près de 100 mille habitants et a déjà été considérée la plus importante du Brésil.
« São Paulo est le seul Etat brésilien où il y a eu une loi pour prohiber la régularisation foncière urbaine », affirme l’un des auteurs de l’amendement, le député d’Etat Mario Reali (PT). Pour donner une idée de l’avancement de la régularisation par documents des terrains publics dans les autres Etats, plus de 22 mille personnes ont été ou seront les bénéficiaires de titres de propriété à Rio de Janeiro, en accord avec le Ministère des Villes.
Dans tout le Brésil, le gouvernement fédéral a déjà remis 214 mille registres d’immeubles à la population nécessiteuse, et 908 mille autres demandes sont étudiées depuis avril de l’an passé. « Il y a une énorme demande dans ces zones occupées par les familles pauvres, qui peuvent a présent devenir des lotissements pour des logements », affirme Reali.
Par ce nouvel amendement de la Constitution, peuvent être titularisés les terrains publics occupés avant décembre 2004, du moment qu’ils sont reconnus en tant que zones habitables. Le député cite en exemple la favela São Remo, située dans un terrain de l’USP (Université de São Paulo), à la périphérie de la capitale paulista, et celle de Heliópolis déjà mentionnée.
Dans la municipalité de São Paulo uniquement, il existe 2.018 favelas, qui abritent 378.863 domiciles, selon le Secrétariat Municipal au Logement. La plupart n’ont pas d’électricité, de collecte d’égouts ou de canalisations d’eau. Avec les titres de propriété reconnus par les pouvoirs publics, les habitants de ces favelas pourront avoir accès aux prestations d’infrastructures, comme ceux qui ont déjà été mentionnés, et pourront en plus être dotés d’une adresse et de rues asphaltées.
« Il y a des favelas occupées dans les années 40 qui figurent encore sur les cartes urbaines comme des espaces verts, comme si elles étaient inhabitées », affirme Rafael Santos, adjoint juridique du Secrétariat au Logement de Santo André. Selon les données du Secrétariat, près de 16% des habitants de la municipalité vivent dans des zones publiques occupées, tandis que dans le grand São Paulo l’estimation est de 20%. « Près de 90% des favelas du pays sont sur des zones publiques », précise l’adjoint.
Rafael Santos explique que la Constitution d’Etat a figé pendant longtemps l’administration de Santo André. « Les favelas se développent de façon désordonnées. On planifie le développement de la ville, mais nous ne savons jamais de quel côté elle va s’étendre », évalue-t-il . Pour lui, l’amendement constitutionnel « met fin à l’hypocrisie » des cartes officielles, qui ne reconnaissaient pas les zones occupées par des habitants à faibles revenus comme des terrains residenciels habités.
« C’est une question de citoyenneté. C’est absurde de vivre quinze ans dans une favela située sur un terrain public et de ne pas voir son droit à un logement reconnu », affirme Rafael Santos. Le coordonnateur de la Centrale des Mouvements Populaires (CMP), Benedito Barbosa, est d’accord. « Les familles non régularisées sont susceptibles d’être expulsées de leurs maisons, par décision de justice ». Il considère le vote de l’amendement comme une victoire pour les mouvements sociaux. « Nous allons accentuer la lutte pour la régularisation foncière dans les favelas », dit-il.
Benedito explique la procédure pour régulariser les favelas. « Les familles seront enregistrées et le pouvoir public municipal doit délivrer un titre de concession spéciale à des fins d’habitat ». Le titre est attribué en raison du projet de loi, présenté par le pouvoir législatif municipal, et cela, dans le cas d’une occupation illégale, peut être fait aussi bien collectivement que de façon individuelle.
Benedito, tout autant que Mario Reali, croient que la vitesse à laquelle se fera la régularisation va dépendre de la volonté politique des pouvoirs municipaux, telles que les mairies et les Conseils municipaux. Le coordonnateur du CMP considère que les zones telles que la favela da Água Branca [Eau Blanche], la favela do Moinho [Moulin] et la favela do Jardim Celeste [Jardin Céleste], toutes sur la municipalité de São Paulo, peuvent être régularisées.
Reali rappelle qu’il y a déjà des initiatives pour l’octroi du droit pour usage d’habitation sociale dans quelques villes, telles que Santo André et Diadema. Mais que céder, de fait, le titre de propriété de la terre était presque impossible. Il mentionne le cas du Secrétariat au Logement de Diadema, où ont été créées plus de 50 zones du droit à l’octroi pour utilisation. Deux seulement ont réussi à être enregistrées sur le cadastre. « Les mairies qui pratiquent des gestions progressistes ont des programmes de logements sociaux, mais cette article constitutionnel leur a lié les mains », a dit le député.
Pour Rafael Santos, le vote de l’amendement constitutionnel signifie la fin d’une myopie de l’Etat. « La Constitution se rapproche de ce qui est la réalité », dit-il. Il espère, avec la titularisation des terrains publics, que les familles à faibles revenus verront leurs droits au crédit immobilier s’amplifier et qu’elles auront plus de garanties juridiques.
Par Rafael Sampaio - 08/01/07
Source : Agence Carta Maior
Traduction : Monica Sessin pour Autres Brésils