Jeunes, beaux, pas encore célèbres

 | Par En attendant Nadeau, Julia Peslier

Un premier roman dédicacé (Près du cœur sauvage, 1944), envoyé par la toute jeune écrivaine Clarice Lispector, vingt-trois ans, au second, Fernando Sabino, de deux ans son cadet et déjà auteur de deux livres, une rencontre sous l’égide de l’écrivain Rubem Braga, des conversations quotidiennes et nourries, et puis leurs départs respectifs, en 1946, pour deux continents séparés par un océan, l’Atlantique.

On comprend d’emblée combien les coordonnées de cette correspondance se placent sous le signe de l’exil, de la conscience aigüe de l’œuvre à bâtir, du partage du souci encore, cette inquiétude commune face à ce qui tient, dans les livres, comme dans les vies : comment écrire, avec quelle force motrice et pour dire quoi du monde. Dessinant un triangle ayant l’Europe, l’Amérique du Nord et le Brésil pour sommets, elles esquissent des formes du quotidien, traversées par des allants d’écritures et des mises à l’arrêt de la création, qui font affleurer l’incertitude, le questionnement intérieur, le chamboulement face à ce que de grands voyages amènent dans l’être et au mystère de ce que constitue une vie d’écrivain devant soi.

Lire aussi _ Surnommée « princesse de la langue portugaise », Clarice Lispector est longtemps restée méconnue en France. La publication de ses lettres devrait contribuer à son rayonnement. Voir la page de l’autrice sur aux éditions Des Femmes _ Antoinette Fouque}}

Berne la placide attend Clarice Lispector, qui y retrouve son mari, Maury Gurgel Valente, engagé dans une carrière diplomatique : « Je suis allée me faire laver les cheveux chez le coiffeur de l’hôtel et la shampouineuse, avec une santé acquise par des années de neutralité intime, avait une telle vigueur que j’en suis repartie délestée de la moindre idée – presque comme les dossiers de Fernando ». Fernando Sabino, lui, s’apprête à rejoindre New York avec sa femme, Helena, et sa fille Eliana pour y travailler au consulat du Brésil : « J’ai fini par habiter dans les bas-fonds de New York, tu ne t’imagines pas. L’escalier sent les écuries, et la baignoire fait quatre pieds et demi de hauteur. Le plancher n’est pas ciré et la table n’est pas vernie ». C’est sur les notations concrètes, ironiques ou désabusées, que s’enchâssent, s’exhaussent, se reconnaissent les considérations sur la vie intérieure, intellectuelle, littéraire.

Troisième terme fantasmatique de cette figure, terre de saudades, entre mémoire et projection, le Brésil est la pointe d’où les cœurs et les esprits partent et vers laquelle toujours ils se portent, se tournent, et parfois, au fil des années, se retrouvent. Elle fonde la nostalgie, et en partir est toujours une épreuve où l’émotion affleure, comme en témoigne l’écrivaine, dans une lettre de 1954 : « Pour moi quitter le Brésil est une chose grave, et, aussi raffinée que je me prétende, au moment de partir, je pleure pour de vrai. » La nostalgie est l’un des termes les mieux représentés. Le Brésil, le temps passé ensemble, le temps vécu à distance l’un de l’autre…

[...]

La traduction fluide et vivante de Claudia Poncioni et de Didier Lamaison est accompagnée de l’entretien mené par Clarice Lispector avec Fernando Sabino en 1968 pour la revue Manchete, « Dialogues possibles », ainsi que d’une présentation exhaustive des écrivains et autres Brésiliens mentionnés au fil de leurs lettres, présentation utile pour le lecteur qui ne serait pas familier de ces personnalités.

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