Source : Deutsche Welle
Traduction pour Autres Brésils : Pascale Vigier (Relecture : Piera Simon-Chaix)
L’écrivain du Minas [1] a reçu des applaudissements, mais aussi de dures critiques après son discours controversé lors de la cérémonie d’ouverture de la Foire du Livre. Dans une interview à DW [Deutsche Welle] [2], il affirme avoir fait seulement un portrait du Brésil.
L‘écrivain du Minas Luiz Ruffato interviewé à la Deutsche Welle lors de la Foire du Livre
La journée qui a suivi la nuit de l’ouverture est déjà passée, mais les commentaires continuent à propos du discours de l’écrivain du Minas Luiz Ruffato, porte-parole du Brésil, invité d’honneur de la Foire du Livre de Francfort [3]. Il a utilisé des expressions dures pour parler des inégalités sociales dans son pays, ce qui, pour beaucoup, a été abusif.
Lors de ce jeudi (le 10 octobre), deuxième jour de la plus grande foire littéraire du monde, Ruffato s’est exprimé à la DW quant à l’intention de ses paroles et à propos de sa surprise face aux réactions agressives, arrivées en grande partie du Brésil à travers les réseaux sociaux.
Luiz Ruffato fait son discours polémique à l’ouverture de la Foire de Francfort
DW : Quel type de réaction attendiez-vous envers votre discours d’ouverture ?
LR : J’espérais que les gens auraient compris de quoi je parlais, que je ne faisais aucune critique du gouvernement ni de personne. J’ai seulement brossé un portrait de la société brésilienne. Je vis dans ce pays et sais combien ce portrait est déplaisant, mais c’est une déclaration de quelqu’un qui aime profondément le Brésil et veut qu’il aille mieux.
Je comprends parfaitement les réactions de désaccord, mais je suis resté ébahi devant les agressions. Il y en a beaucoup sur internet, et ici-même, à la Foire, j’ai presque été agressé physiquement par des brésiliens.
DW : Mais ici, à la Foire, une grande partie des réactions a été positive. En ce moment même quelqu’un vient de passer et de vous féliciter. D’où viennent les critiques négatives, alors ?
LR : Un peu d’ici, mais la majorité vient du Brésil, malheureusement. Principalement des réseaux sociaux. Il y a des critiques très lourdes.
DW : Quels sont les arguments de ceux qui vous critiquent ainsi ?
LR : Que je dis du mal du Brésil aux allemands et au monde. Je ne dis pas du mal, je trace seulement un portrait qui me paraît être réaliste. Les gens n’acceptent pas ce portrait, ils n’acceptent pas de se regarder dans un miroir.
DW : Vous-même avez reconnu dans votre discours qu’il y a eu des améliorations au Brésil…
LR : Il n’y a pas de doutes. J’ai voté PT et je ne doute pas que le pays aille aujourd’hui bien mieux qu’il y a 40, 50 ans. Mais aller mieux qu’avant ne signifie pas aller bien. Mes critiques vont exactement dans le sens de proposer une réflexion pour que nous allions encore mieux.
DW : Lorsque vous avez reçu la mission d’être un des orateurs brésiliens à la cérémonie d’ouverture, pourquoi avez-vous décidé de vous centrer plus sur la réalité du pays que sur la littérature ?
LR : Je ne pense pas m’être moins centré sur la littérature. Pour moi la littérature est un miroir de la société, une image de la société, par conséquent elle est politique. On ne m’a fait aucune recommandation pour le discours, on m’a laissé tout loisir pour parler de ce que je voulais. Et, à aucun moment, je n’ai eu une quelconque intention de déplaire, offenser ou provoquer un malaise envers qui que ce soit. Le malaise était entièrement de mon côté, parce que j’avais à parler de mon pays que j’aime, mais je devais montrer comment il est.
DW : Pensez-vous que toute cette polémique aura quelque impact sur votre carrière d’écrivain ?
LR : Je ne sais pas. Et je n’ai pas dit que ce que j’ai exprimé soit vrai ou faux, mais je voulais que les gens y réfléchissent et qu’il y ait une discussion, cependant, une discussion courtoise.
DW : Ce type de provocation politique ainsi que la réalité brésilienne sont présents dans vos livres aussi, c’est exact ?
LR : Non seulement dans mes livres. Dans tous les lieux où j’ai parlé à l’intérieur et à l’extérieur du Brésil, j’ai dit la même chose. Je n’ai jamais rien dit de différent, sauf que je n’ai jamais été entendu. Et je vais le répéter, jusqu’à ce que le pays s’améliore. Le jour où le Brésil s’améliorera, je ne parlerai plus de ça.
Notes du traducteur :
[1] Luiz Ruffato est un écrivain issu de l’état du Minas Gerais. Son discours d’ouverture a présenté le Brésil, invité d’honneur à la Foire du Livre, en mettant en avant les inégalités de race, de sexe, de richesse qui persistent dans la société brésilienne.
[2] La Deutsche Welle ou DW est un service de diffusion internationale de l’Allemagne qui émet des émissions par radio et internet en 29 langues et par la télévision en 4 langues.
[3] Il s’agit de la Foire internationale du Livre à Francfort, la plus grande foire internationale du livre où les éditeurs négocient traditionnellement leurs droits. Chaque année un pays en est l’invité d’honneur. Elle a servi de modèle au Salon du Livre de Paris.