Erika Campelo : « Bolsonaro rappelle Rodrigo Dutertre. Pas Trump »

 | Par Nadia Henni-Moulaï

46,7%. C’est le score obtenu par Jair Bolsonaro au premier tour des élections présidentielles au Brésil. Le candidat d’extrême-droite affrontera Fernando Haddad du Parti des travailleurs, fondé par Lula. Un scrutin prévu le 28 octobre et qui inquiète bon nombre de Brésiliens. Erika Campelo, franco-brésilienne installée à Paris et fondatrice de l’association Autres Brésils, revient sur les enjeux. A la veille d’un changement de paradigme pour son pays.

Photo : Mark Hillary, 29 setembro 2018 - ele não-São Paulo - Largo da Batata

Erika Campelo : « Nous avons lancé Autres Brésils en 2003. Avec un ami franco-portugais, nous sentions qu’il manquait beaucoup d’informations sur le Brésil réel.

La grande presse française abordait souvent le Brésil, à partir de stéréotypes. Nous voulions faire écho à tous les médias indépendants, libres, donner une autre image différente du Brésil.

Nous avons, donc, entamé un grand travail de traductions d’articles publiés par des médias, issus des mouvements sociaux. Le Brésil, c’est la samba. Mais, c’est aussi de très fortes inégalités. En 2005, il y a eu l’année du Brésil en France.

Il y a eu profusion de clichés sur ce pays qui a vu la naissance du Forum social mondial, pour un Brésil pour égalitaire. En 2005, nous avons crée le festival « Brésil en mouvements » avec des projections et débats sur les questions droits humains, sociaux et environnementaux. Le festival existe depuis 14 ans ».

Q : Jair Bolsonaro, avec 46,7% des suffrages lors du premier tour de l’ élection présidentielle, est aux portes du pouvoir. En tant que Brésilienne, basée en France et co-fondatrice d’Autres Brésils, quel est votre sentiment général ?

R : Qu’il est difficile d’avoir quelqu’un comme lui à la tête du Brésil ! Je suis attristée et les Brésiliens avec qui je suis en contact sur place, sont atterrés. Pour autant, ils ne lâchent pas prise.

Au Brésil, on ne peut pas être fataliste. Sinon, on ne se lève pas le matin. Et puis, cette situation n’est pas le fruit de hasard.

Justement, l’ascension de Bolsonaro s’explique. 14 ans après l’arrivée de Luis Inacio Lula da Silva (PT) au pouvoir, comment le Brésil en est-il arrivé à élire, probablement, un homme à l’extrême-droite ?

Justement, après 14 ans de gauche et quatre mandats, dont 2 pour Dilma Rousseff, une haine anti-PT (Parti des travailleurs) s’est développée. En 2014, quand Roussef gagne les élections, il y a une mauvaise conjoncture économique, le projet du gouvernement ne convainc pas et surtout les élites n’en peuvent plus de la gauche.

Elle est destituée lors d’un « coup d’état institutionnel » en août 2016. C’est à ce moment-là que l’on voit émerger des figures de l’ultra-droite conservatrice comme celle de Bolsonaro.

Avant la destitution de Rousseff, il n’était même pas connu. C’était un politique de second plan, adepte des déclarations racistes, sexistes, homophobes…D’ailleurs, quand il vote pour la destitution de Dilma Rousseff, il dédie son vote au tortionnaire de la présidente.

Q : Et puis, il y a le rôle des médias…

R : Oui, les grands groupes médiatiques brésiliens appartient à 8 familles. Il y a eu un matraquage sur la corruption, l’affaire de la Lava-Jato, l’appartement de Lula, du fait que Rousseff et le PT étaient au courant.

Il y a eu une caricature de l’affaire et des relais de fake news qui ont créé un climat propice à l’émergence de Bolsonaro. Or, l’affaire Lula a été mal traité par ces médias. Je ne minore pas sa responsabilité. Il a été condamné à 12 ans de prison par rapport à un appartement qu’il aurait dû payer plus cher.

Mais, les témoins dans cette affaire étaient tous en prison et on leur a promis des réductions de peine, cela dû a ce que l’on appelle au Brésil, « declaraçao premiada ».

Depuis 2016, on a ce climat avec des médias tendancieux et un système judiciaire qui ne fait pas le travail. On voit à chaque condamnation, deux poids et deux mesures.

Dès qu’il s’agit d’une personnalité de la gauche, les peines sont très dures en comparaison à d’autres. Et l’ironie, c’est que les moyens alloués à la justice l’ont été sous la présidence de Lula !

Q : 50 millions de Brésiliens ont voté pour Bolsonaro, séduits par son discours antisystème. L’est-il vraiment ?

R : Il faut bien comprendre que Bolsonaro surfe sur un ras-le-bol général, la corruption et la violence. Les gens pensent qu’il n’est pas corrompu. Or, il a le soutien de beaucoup de propriétaires terriens, de lobby de l’agrobusiness, des pro-armes et des Évangélistes.

Il compte, par exemple, s’opposer au mariage pour tous et faciliter l’accès aux armes. Ce sont ses deux mesures emblématiques.

Et puis, il est député depuis 30 ans et n’a proposé que deux projets de loi. ! Le système, il en profite bien. Et il faut penser aussi aux 97 millions de Brésiliens qui n’ont pas voté pour lui (la somme entre tous les candidats, les votes nuls, blancs et les abstentionnistes).

Q : Autre thème sur lequel il a su consolider son électorat, la violence dans la société brésilienne. Il brille par son opportunisme tant le problème semble endémique…

R : Le Brésil est un des pays qui tue le plus au monde avec 63 000 morts en 2017. L’année dernière, le pays a battu un triste record. Le Brésil a été le premier pays au monde en nombre de meurtres de divers groupes de personnes : jeunes hommes noirs, personnes LGBTI, défenseurs des droits humains, paysans, population traditionnelle et police, selon Amnesty International.

Voir en ligne : MeltingBook

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