Dossier : Un défenseur des droits de l’homme assassiné tous les 5 jours au Brésil

 | Par Carlos Madeiro

Traduction : les étudiants du Master 2 LEA-LCAI de l’Université de la Rochelle pour Autres Brésils
Relecture : Adèle Goliot

Depuis 2016 et jusqu’au premier semestre de cette année, tous les cinq jours, au Brésil, plus d’un défenseur des droits de l’homme a été assassiné. Ces données proviennent du Comité Brésilien de Défense des Droits Humains (CBDDH) qui a publié ce mardi 4 juillet le dossier « Une vie d’engagement : criminalisation et violence contre les représentant·e·s des droits humains au Brésil »

L’année dernière, 66 défenseur·e·s des droits humains ont été assassiné.e.s au Brésil et cette année, 37 cas ont déjà été signalés. Ce rapport, cependant, ne reflète pas la réalité car les chiffres sont plus élevés. Ils sont inédits et il n’existe pas de bases de données antérieures.

Le comité est composé de 24 organismes et mouvements sociaux. Pour définir ce qu’est un défenseur des droits humains, le comité s’appuie sur la définition que donne l’ONU (Organisation des Nations Unies) : « toute personne qui, individuellement ou en association avec d’autres, œuvre à la promotion ou à la protection des droits humains » [1].

Le Nord en tête.

C’est la région Nord qui totalise le plus d’assassinats de militants, avec 32 cas enregistrés l’année dernière. « [Les meurtres sont] presque toujours liés aux conflits pour l’occupation des terres, que ce soit par l’assassinat de Travailleuses et Travailleurs Ruraux Sans Terre ou de dirigeant·e·s d’organisations qui militent pour la défense du droit à la terre et contre les agressions des trafiquants de bois, des grileiros [2], des propriétaires terriens et des grandes entreprises », souligne le rapport.

C’est dans l’état du Rondônia que se concentre plus de la moitié des cas reportés de la région, avec 19 morts, chiffre record au Brésil. « Dans tout l’état du Rondônia, les dénonciations indiquent souvent une alliance entre les grands propriétaires des terres, les membres de la Police Militaire et les groupes de tueurs à gages, ce qui conduit à des menaces visant des défenseur·e·s des droits humains et à un processus de criminalisation, de diffamation et d’illégitimité des mouvements sociaux » explique le rapport.

La région Nord-Est arrive juste derrière avec un total de 24 assassinats recensés, dont 15 ayant eu lieu dans l’état du Maranhão. “En 2016, selon le CBDDH, le Maranhão a été celui qui cumulait le plus de meurtres d’Indiens. 8 personnes ont perdu la vie, dont 6 dans le village de Guajajara. A également été recensé l’assassinat de 2 leaders communautaires dans la ville de São Luis, sans doute pour avoir été à l’encontre des intérêts du trafic dans les quartiers de Coroadinho et Tibirizinho”, précise le rapport.

Les autres régions témoignent de chiffres moins élevés : quatre morts dans la région Centre-Ouest ainsi que trois dans les régions Sud-Est et Sud.

Toutefois, pour le CBDDH, il existe une sous-estimation des chiffres, en particulier dans les villes où agissent des défenseur·e·s des droits au logement, de la population LGBT, des travailleuses et travailleurs du sexe, des jeunes Afro-Brésiliens, des leaders communautaires, des médiactivistes des favelas et des banlieues. “De nombreux crimes à l’encontre des DDH dans le contexte urbain continuent d’être déclarés comme s’il ne s’agissait que de règlements de comptes ou de morts liées au trafic de drogues. Ce manque de transparence altère la réalité des faits et dissimule la véritables cause de ces décès, à savoir l’engagement des militant·e·s dans leurs combats sociaux » affirme le dossier.

Les Causes

Même s’il n’y pas de points de comparaison avec les années précédentes, les chiffres sont considérés « alarmants », et la violence aurait augmenté avec la crise politique. « L’année 2016 a été extrêmement violente pour les défenseur·e·s des droits de l’homme au Brésil, avec des statistiques inquiétantes quant aux assassinats et à la criminalité. On remarque l’accroissement de ces violations du droit depuis le coup d’État organisé par les secteurs les plus conservateurs de la politique nationale qui a conduit à la destitution de la Présidente Dilma Roussef » souligne le comité.

Ce dernier critique également la série de mesures provisoires, de projets de loi, de propositions d’amendement de la Constitution et de décrets, « qui affectent directement la lutte des défenseur·e·s des droits humains ». Parmi les mesures citées, figurent des propositions de changement des règles de la réforme agraire, le veto pour le mariage pour tous, la restriction des droits pour les victimes de viol et la réduction de la majorité pénale.

La répression violente des manifestations qui ont eu lieu dans le pays suscitent également des critiques. « L’intensification des mobilisations populaires, fruit de l’insatisfaction du contexte politique, a été suivie d’une sophistication de l’appareil d’État afin de les empêcher. On a donc assisté à une répression des manifestants avec des moyens et techniques de plus en plus insidieux, des législations restrictives en matière de manifestation, une criminalisation des manifestants et des mouvements sociaux. Dans ce contexte, le décret du Président Temer du 24 mai 2017 est emblématique. Il autorisait, via la loi de “garantie de la loi et de l’ordre”, la présence de l’armée dans la rue pour contenir les manifestants qui demandaient sa démission » indique le dossier.

Suggestions

Pour finir, le comité demande aux autorités fédérales la mise en place immédiate du Plan National de Protection des Défenseur·e·s et l’approbation par la Chambre des Députés du Programme de Protection des Défenseur·e·s des Droits Humains – projet de 2009 qui est prêt à être voté.

Il suggère en outre la création et la formation d’unités policières spécialisées dans la protection des défenseur·e·s des droits humains ainsi qu’une campagne nationale de reconnaissance et de valorisation des activistes. 

Le comité demande enfin à l’ONU qu’elle suive les cas « d’attaques, de menaces et de criminalisation contre les défenseur·e·s des droits humains » et qu’elle se rende au Brésil pour « connaître plus profondément le contexte actuel » et « l’aggravement des situations de conflits qui les rendent vulnérables »

Nombre d’assassinats (66) en 2016 par états : Rondônia (19), Maranhão (15), Paraná (6), Bahia (4), Tocantins (3), Alagoas (2), Amazonas (2), Mato Grosso (2), Rio de Janeiro (2), Acre (1), Goiás (1), Minas Gerais (1), Paraíba (1), Pernambuco (1), Piauí (1), Roraima (1).

Voir en ligne : UOL

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