L’artiste observe qu’utiliser cette technique lui fait revivre l’époque où elle créait des dessins et des peintures concrétistes [1], avec, sous les yeux, ses six enfants en train de courir partout dans la maison : « Je les mettais au lit et ensuite j’allais faire mes petits dessins. Je me divertissais en dessinant, j’avais besoin de faire quelque chose qui m’apporte du plaisir. C’était aussi une façon de me vider la tête. »
Certaines œuvres de cette période font partie de l’exposition « Centenaire » qui, comme son nom l’indique, rend hommage à Maria Helena Andrés, en parcourant la production éclectique de l’artiste native de Belo Horizonte ; ses débuts nous transportent au début des années 40, lorsque, sur les conseils d’une enseignante du Collège Sacré-Cœur de Marie – « elle avait conseillé à mes parents de me mettre dans une école d’art » - Maria Helena quitte la capitale du Minas Gerais pour Rio de Janeiro afin de suivre des cours particuliers avec le peintre Carlos Chambelland [2], réputé pour ses talents de portraitiste.
En 1944, Maria Helena retourne à Belo Horizonte pour entamer une phase décisive de sa carrière. L’artiste commence alors à fréquenter l’Ecole Guignard, dont la ligne directrice est plus moderne. Alberto da Veiga Guignard [3] n’était pas intéressé par le fait de donner des recettes de peinture toutes faites à ses élèves : ceux-ci avaient reçu comme directive principale de créer selon leur propre inspiration.
Inaugurée en novembre 2022 dans la Galerie d’Art du centre culturel Unimed-BH Minas, « Centenaire » réunit 63 œuvres de l’artiste : peintures, dessins, aquarelles, collages et sculptures. L’exposition est une immersion dans toutes les périodes créatives de Maria Helena, ainsi qu’une synthèse de sa trajectoire ayant embrassé et incorporé les éléments esthétiques de différents mouvements artistiques nationaux et internationaux.
« Les gens vont découvrir l’évolution de ma carrière. D’abord, il y a eu la mutation du figuratif, très inspiré de Guignard, vers l’abstrait, au moment où mes œuvres ont commencé à devenir plus géométriques. Ensuite, je suis entrée dans un constructivisme très particulier, très mineiro [4], mais en même temps relié à São Paulo. »
L’exposition, conçue par les conservateurs Marília Andrés et Roberto Andrés, est donc organisée suivant les phases par lesquelles est passée l’artiste, notamment une série d’œuvres qui traduisent sur la toile l’impact de la seconde guerre mondiale sur la vie de Maria Helena. Le mari de l’artiste, le médecin Luiz André Ribeiro de Oliveira, aujourd’hui décédé, fut convoqué pour aller travailler en Italie mais la guerre prit fin avant son départ.
« Le fantôme de la guerre était toujours présent dans mon subconscient, c’était un reflet de ma vie à ce moment-là. De tout temps, ma peinture a évolué en fonction des évènements, de mes expériences intérieures et de leur démonstration extérieure, toujours accompagnée de discipline et de liberté », raconte Maria Helena Andrés, qui a cherché dans la philosophie et la spiritualité une manière de comprendre l’importance de l’art pour vivre et penser le monde. Dans les années 70, elle a fait plusieurs voyages en Orient et a découvert le Népal, le Tibet, le Japon, la Thaïlande et l’Inde, où elle a donné des cours de dessin à Chenai (anciennement Madras).
On peut lire les réflexions de Maria Helena sur les processus créatifs et le dialogue entre différentes cultures dans les livres suivants [5] : « “Caminhos da Arte” (1977), “Oriente-Ocidente : Integração de Culturas” (1984), “Maria Helena Andrés : Depoimentos” (1998) et son œuvre la plus connue, “Vivência e Arte”, publiée en 1966. La bibliothèque du Congrès de Washington, aux Etats-Unis, conserve un volume de cet ouvrage qui défend l’art moderne non seulement comme « une rupture avec la tradition », mais aussi comme une rencontre avec le spirituel. La spiritualité imprègne tout au travers du contact avec la nature et le cosmos.
Art et éducation
« Centenaire » abrite également un espace de projection du film « Maria Helena, Art et Transcendance », des réalisateurs Evandro Lemos et Danilo Vilaça ainsi qu’un environnement ludique regroupant des activités éducatives pour les enfants. Cet endroit a été pensé comme une extension de la maison de l’artiste, en référence à ses 17 arrière-petits-enfants qui ont beaucoup séjourné à Retiro das Pedras, où il y avait toujours une petite table avec du papier et des crayons. Aidée de ses enfants, Maria Helena a tenu à ce que l’exposition consacre un espace pour que les enfants puissent s’exprimer librement.
« Il est très important de leur donner la possibilité de se sentir à l’aise pour peindre, dessiner et faire tout ce qui leur passe par la tête ; leur imagination est très fertile. On a beaucoup à apprendre des enfants. J’ai demandé à ma fille (Marília) d’organiser un espace avec des coussins colorés, des tables et des tiroirs avec tout le nécessaire pour que les enfants puissent venir et dessiner ce qu’ils veulent. C’est un succès », se réjouit-elle.
L’idée est que l’exposition devienne itinérante et puisse occuper le Centre Culturel Banco do Brasil à Rio de Janeiro, São Paulo e Brasília. Le catalogue de l’exposition a été présenté le 10 janvier dernier à Belo Horizonte. Entre les expositions individuelles et collectives, Maria Helena Andrés a parcouru le monde pour faire découvrir son art en Amérique et en Europe, mais « Centenaire » a une signification particulière pour elle : « C’est une synthèse de mon travail et de mon œuvre. Je trouve que c’est ma plus belle exposition. »
C’est avec art, philosophie, éducation et spiritualité que Maria Helena a conçu chaque instant de sa vie, survolant de manière libre et détachée un monde passionnant, sans frontières, uniquement caractérisé par sa beauté et dont les couleurs et les formes continuent d’être tracées, jour après jour, dans la maison de Retiro das Pedras. « Je trouve merveilleux de pouvoir encore créer à 100 ans, et de pouvoir faire ce que l’âge, la tête et le corps permettent », conclut l’artiste centenaire.