Changer le monde, [nouveau] mode d’emploi
Par Chico Whitaker
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Petit manuel de l’altermondialisme
Forum social mondial (FSM), mode d’emploi. Tel pourrait être le titre alternatif de l’ouvrage de Chico Whitaker. « Ce livre se veut explicatif. La plupart des gens disposent d’informations insuffisantes sur le forum. Je raconte sa genèse, son histoire, sa règle du jeu », explique l’auteur, 75 ans, membre de la Commission brésilienne Justice et Paix, ex-membre du Parti des travailleurs (PT) et co-fondateur du premier FSM de Porto Alegre, en 2001. Pédagogique, le livre comprend plusieurs annexes et documents de référence. A quelques mois du premier FSM africain, à Nairobi (Kenya), Chico Whitaker souhaite inscrire dans le marbre les succès - 20 000 participants en 2001, 150 000 en 2005 - et ambitions du rendez-vous altermondialiste planétaire. Il n’oublie pas de souligner les limites du processus et les grands défis auxquels il est confronté. « Le Forum social mondial ne va pas changer le monde mais permet à ceux qui veulent le transformer de se rencontrer. Le Forum est un espace mais pas un mouvement », insiste-t-il pour mettre fin à toute ambiguïté. Le FSM doit, selon lui, servir d’antidote à la désaffection des citoyens pour les partis politique. « C’est une nouvelle entrée dans la sphère politique » qui comble le besoin de « se rencontrer, de débattre, de réapprendre à écouter, à transformer nos désaccords en nouvelles idées », nous précise l’ancien député de São Paulo. « Changeons nos pratiques politiques pour changer le monde. Nous devons désapprendre ces idées de fonctionnement pyramidal et d’avant-garde qui ont marqué le siècle ». Un message qui se veut optimiste dans un contexte où les débouchés politiques concrets des forums sociaux se font attendre. Au Brésil, la perspective d’un second mandat de Lula est davantage perçue comme un moindre mal que comme un véritable espoir (Chico Whitaker publie d’ailleurs dans son livre sa lettre de démission du PT). En France, alors qu’Attac, pilier de l’altermondialisme hexagonal, connaît une crise interne sans précédent, le débat pré-campagne présidentielle sonne désespérément creux. « Les enseignements du forum n’ont pas été pris en compte. Il n’y a pas eu de changements de la pratique », regrette l’auteur, qui espère que son livre permettra à davantage de citoyens de s’associer à ce processus encore jeune.
Par Ivan du Roy
Présentation de l’éditeur
Où va l’altermondialisme ? Après avoir proclamé la nécessité d’un ordre planétaire qui ne soit pas dominé par l’intérêt financier, le mouvement est à la recherche d’un nouveau souffle. La crise traversée par la branche française de l’association Attac le confirme. La contestation des logiques néolibérales n’était-elle qu’un feu de paille, une révolte éphémère butant sur la force d’un capitalisme capable de digérer toutes ses contestations, même les plus radicales ? Cofondateur du Forum social mondial qui prit naissance en 2001 à Porto Alegre au Brésil, Chico Whitaker livre ici son diagnostic et son projet. L’altermondialisme n’a pas d’avenir s’il reste prisonnier des vieux réflexes politiques du XXe siècle : avant-garde éclairant le peuple, rôle dirigeant du parti, programme unique de revendications et directives à appliquer par tous. En utilisant ces vieilles recettes, les partisans d’une alternative à la mondialisation financière se condamnent à l’échec. A l’inverse, Chico Whitaker nous présente le nouveau mode d’emploi pour changer le monde proposé par les forums sociaux mondiaux. Tout en renforçant l’espace où se rencontrent ceux qui, dans leur diversité, font déjà l’expérience de changer le monde, il repousse l’idée de transformer les forums en une nouvelle Internationale. Loin d’un grand soir qui révolutionnerait la planète d’en haut, l’espérance de Chico Whitaker repose sur la mise en réseaux de ceux qui, dans leur pratique, privilégient l’humain par rapport au profit financier en combinant changement social et changement personnel.
Les Editions de l’Atelier, 255 p, 21€