Ce n’est pas seulement le modèle néolibéral, mais aussi le modèle brésilien qu’il faut changer (1)

Une longue analyse de Gilles de Staal datant de fin 2003 que nous re-publions aujourd’hui : selon nous, elle éclaire encore très bien la situation complexe des rapports sociaux au Brésil aujourd’hui. Par ailleurs, si les analyses de l’auteur vous intéressent, nous vous rappelons qu’il était présent lors de plusieurs débats de « Brésil en mouvements » en juillet dernier. Ses interventions sont en partie visibles sur le DVD "Brésil en mouvements".

Un an après l’élection de Lula à la présidence du Brésil et la formation d’un gouvernement dirigé par le PT, il est frappant de constater l’extrême prudence, pour le moins, manifestée dans les milieux « altermondialistes », et plus généralement de la « gauche radicale », français, à l’égard de la première expérience de pouvoir en Amérique du Sud, - depuis la tragique défaite de l’Unité Populaire chilienne en 1973 -, par un parti de transformation sociale, rassemblant l’essentiel des courants de la gauche militante, - du réformisme syndicaliste aux révolutionnaires marxistes, en passant par la théologie de la libération -, et soutenu par la quasi-totalité des organisations, syndicales ouvrières, paysannes, populaires, ou démocratiques de la société civile.

Un peu comme si la désillusion et l’amertume laissées par les gouvernements de gauche en France nourrissaient une appréhension par analogie quant à l’impossibilité de croire qu’une gauche parvenue au pouvoir par les voies institutionnelles dans un pays d’envergure significative puisse faire autre chose que se courber aux consensus néolibéraux et aux exigences de l’univers financier. Trahir, en quelque sorte comme une fatalité.

Pour ce qui est des grands médias d’information (Le Monde, Libé.), passée la ferveur sympathique des premières semaines, l’enthousiasme de Porto Alegre et les flots de drapeaux rouges, ils ont surtout manifesté leur soulagement à voir le gouvernement Lula se conformer avec application au plan du FMI, évitant ainsi une faillite du pays à côté de laquelle la banqueroute argentine de l’hiver 2000-2001 aurait fait pâle... tout en s’offrant au passage le plaisir d’opposer, - avec cet art de l’amalgame dans lequel ils excellent -, le sage réalisme du bon Lula qui, lui, n’hésite pas à faire la réforme des retraites publiques, à l’obstination doctrinaire des grévistes français et de l’extrême gauche confondus. Quant au suivi et à l’analyse de la situation politique brésilienne à partir de la victoire de Lula, - le rapport du gouvernement et des mouvements populaires, syndicaux, citoyens, l’évolution des conflits sociaux, la chronique des ingrédients de crise politique dessinée par l’élection d’un tel gouvernement avec une opposition conservatrice hégémonique dans pratiquement toutes les autres institutions du pouvoir (l’alliance gouvernementale est minoritaire dans les deux chambres du Congrès fédéral, dans tous les parlements des Etats fédérés, la droite gouverne sans partage 22 de ces 27 Etats et détient à travers eux le pouvoir judiciaire et l’essentiel de la force publique, sans parler de la mainmise des groupes oligarchiques ou corporatifs sur les grandes institutions économiques et sociales.) -, il est surprenant de constater qu’aucun média, fut il carrément de gauche, n’a semblé s’en soucier depuis un an. Tout au plus, ici ou là, un reportage ou un témoignage sur une lutte, un conflit, une situation ou une expérience particulière, généralement archétypé, dans lequel la situation politique elle même ne tient lieu que d’ambiance.

Du coup, les rares discussions autour de l’expérience du gouvernement PT flottent-elles dans une complète absence de contextualisation politique, d’analyse de la société et de la situation brésiliennes, des conditions et des priorités de l’action politique, et tendent naturellement à se fixer autour des préoccupations et des enjeux, non plus de la situation politique au Brésil, mais du mouvement altermondialiste lui même, quand ce n’est pas ceux de la construction d’une « gauche alternative » en France. Cela donne inévitablement des illusions d’optique.

Cela ouvre aussi la voie à des raisonnements et jugements par analogies, où l’acceptation du plan du FMI à la veille de l’investiture de Lula, est assimilée à Maastricht et Amsterdam, Lula aux figures de Jospin voire de Blair, et la réforme des retraites publiques à une entreprise de « remise en cause générale des acquis sociaux des salariés brésiliens » (acquis enviables, comme chacun sait !) sous caution d’un PT converti au social libéralisme. La dernière livraison de la revue Carré Rouge, d’Inprecor, ou encore le récent éditorial de Daniel Ben Saïd, « La peur triomphe de l’espérance », peuvent donner une idée de la virulence de ce type de raisonnement.

Sauf que : la défense des avantages du régime de retraite des fonctionnaires, (nous y reviendrons) n’est, hélas, sûrement pas exemplaire des problèmes sociaux que les travailleurs et exclus brésiliens ont à affronter et qu’un gouvernement populaire doit résoudre, et l’appui apporté par les associations de retraités du privé à la réforme gouvernementale en est un indice ; le PT, ni par son histoire, ses origines et ses traditions idéologiques, ni par le profil et la biographie de ses militants et dirigeants, ni par son insertion dans les luttes sociales et politiques du pays, ne ressemble, de près ou de loin, à la social démocratie européenne contemporaine ; enfin, aucune déclaration, aucun geste politique, aucune mesure concrète ne permet d’extrapoler que le parti ou le gouvernement aient renoncé à mettre en oeuvre le programme social, économique et politique sur lequel ils ont été élus, ni même à en repousser les échéances.

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