Bolsonaro encourage les massacres dans les zones rurales et l’holocauste écologique.

 | Par Felipe Milanez

Traduction de Oriane PETTENI
Relecture Du et Philippe Aldon

L’assassinat du leader paysan Aluisio Sampaio [1] par des hommes en armes [2], chez lui, à Castelo dos Sonhos, dans l’état du Para, le mardi 11 octobre 2018 [3], peut être l’annonce d’une explosion de la violence dans les zones rurales. Membre du syndicat des travailleurs et des travailleuses de l’agriculture vivrière, il menait la lutte pour la terre contre les grileiros. [4]

Leader paysan Aluisio Sampaio. Crédits : Thais Borges.

Il semble en effet que beaucoup des soutiens de Bolsonaro ne votent pas pour un candidat mais pour un mercenaire. [5]

Le candidat extrémiste, qui défend le port du fusil permettant aux fermiers de renforcer leurs milices rurales pour tuer les activistes, veut ainsi promouvoir le carnage dans les zones rurales du pays. Exterminer les autochtones, exécuter les paysans, tuer les leaders des populations quilombolas , vivant de la culture traditionnelle de la terre.

En raison de ses discours et de son programme de gouvernement, beaucoup d’innocents pourraient venir grossir les sombres statistiques du pays le plus violent du monde, notamment les défenseurs de l’environnement et des droits humains, d’après les données du Global Witness.

En zone rurale, les milices investissent désormais dans les armes pour de nouvelles œuvres de mort.

Peu après le premier tour, Bolsonaro a déclaré qu’il en terminerait avec l’activisme dans les zones rurales, incitant à l’assassinat de militants du Mouvement des Sans Terres (MST), de syndicalistes et d’autochtones.
Les promesses faites verbalement ou consignées dans son programme de gouvernement sont terrifiantes.

Elles peuvent signifier un holocauste écologique et humain. L’écocide et le génocide seront des pratiques de la politique de mort et la matérialisation de la nécropolitique de Bolsonaro.

Dans son programme de gouvernement, « la propriété privée » n’a pas une fonction sociale comme c’est actuellement le cas dans la constitution. C’est à peine un euphémisme pour légitimer le vol, la dépossession, la spoliation et l’accaparement illégal de terres par les grileiros. De même, le mot « liberté », n’est pas lié à la garantie de droits, mais à leur violation : l’autorisation d’exercer la violence contre l’autre, avec la liberté, devenue permission de tuer.
Ce sont les deux piliers du programme de Bolsonaro qui matérialisent la construction d’un ordre violent d’injustices, de régression et de sang. Ils seront mis en pratique autant par des milices et des groupes de haine que par des mesures provisoires, des tractations avec le Congrès, ou des mesures d’exception comme la « garantie de la loi et de l’ordre ».

En ce qui concerne les zones rurales, il préconise la fin des réformes agraires et des démarcations, la légalisation de l’action des grileiros en territoires autochtones, quilombolas et terres agricoles.

La suppression du ministère de l’Environnement, qui serait transformé en un secrétariat du ministère de l’Agriculture, dont il promet de donner la direction au président du l’Union Démocratique Rurale UDR, d’après le journal l’Estadão, (et non de le fusionner comme l’écrit ce journal). Cela revient à donner aux bourreaux de l’écologie le pouvoir de promouvoir l’écocide.
Avec cette nomination, l’Institut Chico Mendes pour la conservation et la biodiversité (ICMBio) pourrait être sous le commandement du chef de l’organisation responsable de l’assassinat de Chico Mendes : l’UDR. Il y a un long historique de l’implication des membres de l’UDR dans l’assassinat des leaders ruraux. Marcos Prochet, ex-président de l’entité, fut condamné pour l’assassinat du sans-terre Sebastião Camargo, au Parana, en 1998. En 2016, il a été condamné à 15 ans de prison. Confier la direction de l’Institut Brésilien de l’Environnement et des ressources naturelles (Ibama) et ICMBio à l’UDR revient à « mettre le renard en charge du poulailler ».

Pressenti pour devenir ministre des Transports et diriger la construction d’infrastructure dans le pays, le général Oswaldo Ferreira s’enorgueillit de dire que de son temps, sous la dictature, « il n’y avait pas d’Ibama ou de mesures provisoires pour emmerder ». Et le général de s’enorgueillir : « J’ai rasé tous les arbres qui étaient devant moi sans que personne ne vienne m’emmerder ».

Sans ministère de l’Environnement, sans Ibama et sans ICMBio, avec des milices armées et carte blanche pour abattre les arbres qui se trouveront sur leur chemin, le pays s’isolera de l’enceinte internationale. Or, c’est grâce à la pression internationale que des compromis pour le contrôle de la déforestation, qui impacte le climat global, sont trouvés.

L’Ibama et le Secrétariat d’État à l’environnement du Mato Grosso (Sema) ont repéré la coupe à ras de 160 hectares dans une aire de préservation à Tapurah (MT). Photo : Mayke Toscano/Gcom-MT

Bolsonaro promet de sortir de l’accord de Paris, de mettre fin au compromis pour le contrôle de la déforestation mais également de se retirer de la convention 169 de l’Organisation internationale du travail et de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Si après la seconde guerre mondiale et la barbarie du nazisme, l’ONU a approuvé la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, c’est seulement en 1989 que l’OIT a approuvé la convention 169. Promue au Brésil le 19 avril 2004, elle a force constitutionnelle. C’est elle qui est responsable de la reconnaissance de l’existence des peuples autochtones dans le monde et qui donne la responsabilité aux gouvernements de défendre leurs droits. La convention 169 a donné naissance à la déclaration des droits des peuples autochtones, dont le Brésil a été l’un des principaux acteurs.

Bolsonaro promet de sortir de la convention 169 afin de mettre en œuvre sa politique de déforestation de l’Amazonie et de mettre en œuvre sa fameuse phrase « les indiens n’auront pas un centimètre de plus pour leurs terres ». Il s’agit également d’en finir avec les procédures de légalisation des terres des quilombolas qui « ne sont même pas foutus de se reproduire » et d’arriver à « l’octroi de licences environnementales dans les trois mois » c’est-à-dire l’approbation automatique, sans aucun critère, de projets qui détruisent l’environnement et affectent les communautés autochtones, quilombolas et traditionnelles.

« Les minorités doivent se plier aux majorités. Elles s’adaptent ou tout simplement elles disparaissent  » dit Bolsonaro.

Dans un discours au Congrès national, Bolsonaro a attaqué la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il a répété être contre la démarcation de la terre autochtone Raposa Serra do Sol, à Roraima. Ces terres, Raposa Serra do Sol, Vale do Javari et Yanomami, sont dans son viseur. Il accuse ces populations autochtones de vouloir se séparer du pays et considère que la démarcation de leurs terres est un « crime de lèse-patrie ».

L’élection à la députation fédérale de Joênia Wapichana (du parti REDE), autochtone, avocate qui a gagné sa notoriété en défendant la démarcation de Raposa Serra do Sol au Suprême tribunal fédéral, constitue un encouragement pour la résistance et pour le mouvement autochtone.

La situation est à l’explosion de conflits. Sonia Guajajara, leader politique autochtone de grande envergure au Brésil aujourd’hui, dit que Bolsonaro souhaite « légaliser le génocide des peuples autochtones au Brésil et ouvrir un précédent pour un retour en arrière en Amérique latine ».

La violence sociologique que le candidat à l’intention d’utiliser est telle que les producteurs ruraux les plus sensés sont préoccupés de l’impact que cela aura sur les affaires. Il n’y aura pas de marché pour boire le sang de la terre. Ni ici, ni à l’étranger. L’agrobusiness, écrit la Folha de São Paulo, « a peur du radicalisme ».

D’après Luiz Marques, historien à l’Université d’état de Campinas (Unicamp), l’abandon de la préservation de la forêt amazonienne, du Cerrado et d’autres biomasses brésiliennes causera des dommages irréversibles. « Si cela arrive, si nous continuons à perdre la couverture végétale naturelle de ces biomasses, une politique économique, peu importe laquelle, qui viserait à améliorer les standards de vie de la société brésilienne, ne sera plus possible », écrit-il dans un échange de courriels.

Les vies perdues seront également irréversibles.

Voir en ligne : Carta capital

[1Aussi connu sous le nom de Alenquer

[2mercenaires

[3Selon le MST, depuis le coup d’État de 2016, l’État du Pará a souffert de l’intensification de la violence, avec des expulsions, des menaces, des attaques et des meurtres de travailleurs ruraux, comme le massacre de Pau D’arco.

[4Son assassinat commandité a été suivi de l’assassinat de Davi Mulato, du peuple indigène Gavião, également dans la région amazonienne, dans l’état de Maranhão. Le meurtre a été dénoncé comme un crime de haine par le mouvement indigène. Alors que les crimes de haine et le fascisme s’étendent au Brésil, il est notable de constater que la campagne de Bolsonaro n’est pas caractérisée par l’utilisation habituelle de stickers, de pins ou de t-shirts supportant ouvertement le candidat. Il s’agit en réalité d’une campagne plutôt discrète qui se déroule de manière cachée dans les chaines de chat des réseaux sociaux. Comme un rapport du journal Folha de S.Paulo le montre, l’usage abusif de Whatsapp par de riches soutiens de Bolsonaro afin de répandre des « fake news » revient à une manipulation criminelle des élections brésiliennes.

[5Ils procèdent en cela de manière similaire aux riches fermiers de l’Amazonie, qui engagent des tueurs professionnels pour exécuter leurs concurrents politiques – de manière discrète mais déterminée, planifiant les moyens les plus cruels et les plus violents d’exécuter quelqu’un.

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