Belo Sun : Or ou tragédie dans le Xingu ?

 | Par Patricia Fachin

L’entreprise canadienne Belo Sun veut s’approprier l’or d’une région qui est déjà éviscérée par Belo Monte . Le projet présente des données contradictoires et minimise les impacts environnementaux et sociaux. Un accident pourrait déverser une montagne de déchets toxiques dans la rivière en moins de 7 minutes.

Traduction de Roger Guilloux pour Autres Brésils
Relecture : Fatima Guilloux

Le projet minier Volta Grande de l’entreprise canadienne Belo Sun, qui doit s’implanter à la Volta Grande do Xingo, dans la ville de Senador José Porfírio, voisine d’Altamira, au Pará, « prévoit l’extraction de 74 tonnes d’or en 20 ans d’exploitation – période incluant la construction et le démantèlement des installations », indique Rosana Miranda. Il prévoit également, « 2.100 emplois directs dans la phase d’implantation et 526 dans la phase d’exploitation, 60 millions de R$ de redevances minières sur 12 ans, environ 130 millions de R$ de taxes pendant la période d’installation et 55 millions de R$ par an durant l’exploitation. » Bien que le montant semble important, « l’impact positif de l’exploitation aurifère sur les municipalités n’est que temporaire et n’est pas en mesure de modifier les indicateurs de développement tels que ceux de la santé, de l’éducation et du PIB par habitant », prévient-elle dans une interview accordée par courriel à l’Institut Humanitas Unisinos - IHU.

L’ONG Amazon Watch, dont Rosana Miranda fait partie, est associée à un groupe d’organisations qui dénoncent la non-viabilité du projet Belo Sun au niveau environnemental. Elle évoque les impacts que le projet minier pourrait produire dans la région, notamment parce qu’il est très proche d’un autre grand projet, le barrage de Belo Monte, qui a généré de nombreux problèmes socio-environnementaux à Altamira et dans la Volta Grande du Xingu.

"Le processus d’autorisation du projet Belo Sun souffre de graves lacunes, car il présente des informations contradictoires et minimise les impacts de son exploitation. Les premières études d’impact sur l’environnement de Belo Sun ont été lancées en 2009, alors que l’installation de Belo Monte n’avait même pas commencé. Les études de Belo Sun ne fournissent donc pas suffisamment d’informations sur l’impact cumulé de son exploitation avec ce qui est déjà causé par Belo Monte. Ces études, achevées et présentées en 2012, apportent des informations radicalement différentes de l’étude de viabilité que la société a présentée en 2015 à ses investisseurs."

Parmi les risques signalés par les avis techniques des chercheurs indépendants, Rosana met en avant la contamination du fleuve Xingu résultant de l’utilisation de « grandes quantités de cyanure et d’autres produits chimiques » et la « forte probabilité de défaillance du barrage, dont la rupture pourrait entraîner le rejet d’un volume d’environ neuf millions de mètres cubes de résidus toxiques atteignant le Xingu en moins sept minutes. »

Dans l’interview qui suit, elle critique également l’absence de consultation préalable des communautés traditionnelles d’agriculteurs, de riverains et d’autochtones dont la vie sera affectée par ce projet. « Les consultations permettent d’intégrer au projet, les connaissances et les opinions de la communauté, d’envisager d’autres alternatives afin d’arriver à une analyse équilibrée de la viabilité de l’entreprise. Ce n’est pas ce qui s’est passé pour le projet Volta Grande et, en conséquence, nous ne validons pas les décisions qui ont permis de faire avancer le projet sans que la consultation ait eu lieu », a-t-elle déclaré.

Rosana Miranda
Archives personnelles

Rosana Miranda est titulaire d’un master en études du développement de l’Institut des hautes études internationales et du développement - IHEID, Genève, Suisse. Experte en coopération internationale, elle travaille dans ce secteur depuis huit ans, se concentrant sur la défense des droits territoriaux et la promotion de la justice climatique, économique et de genre. Elle est conseillère des campagnes d’information d’Amazon Watch au Brésil.

Interview

Vous faites partie d’un groupe d’organisations qui dénoncent la non-viabilité du projet Belo Sun au niveau socio-environnemental. Pourquoi ce projet n’est-il pas viable ?

Depuis quelques années, Amazon Watch suit les événements dans la Volta Grande du Xingu, elle était déjà présente quand des organisations de la société civile et des leaders autochtones essayaient d’empêcher le programme de Belo Monte. Avec l’arrivée de Belo Sun, nous avons rejoint les organisations de la société civile telles le Réseau Xingu+, le Mouvement Xingu Forever Alive, l’Institut socio-environnemental - ISA, International Rivers, Above Ground, MiningWatch Canada et l’Association interaméricaine pour la défense de l’environnement (Aida), qui ont dénoncé l’impossibilité, au niveau socio-environnemental, de réaliser ce projet.
En tant que membre de cette coalition, nous avons, nous aussi souligné la non-viabilité du projet. La compagnie minière a l’intention de s’installer dans l’une des régions les plus socio—bio-diversifiées du monde qui subit déjà des impacts irréversibles causés par la construction du barrage hydroélectrique de Belo Monte. Il est important de rappeler que Belo Monte est le plus grand projet d’infrastructure en Amazonie et l’un des plus grands barrages hydroélectriques du monde. Le passif de Belo Monte, qui ne produit pas l’énergie promise, inclut jusqu’à 80% de réduction du débit du fleuve Xingu, la déforestation et l’invasion de terres indigènes et de zones protégées, ainsi que la perte des moyens de subsistance de milliers de communautés, dont certaines attendent toujours d’être réinstallées sur de nouveaux territoires. Ce seul fait devrait nous alerter sur la réalisation d’un projet ayant un impact socio-environnemental aussi marqué qu’une exploitation aurifère.

Lacunes dans le processus d’octroi de licences

Mais en plus, le processus d’autorisation du projet Belo Sun présente de graves lacunes, car il fournit des informations contradictoires et minimise les incidences de son implantation. Les premières études d’impact sur l’environnement pour Belo Sun ont été lancées en 2009, alors que la construction de Belo Monte n’avait même pas commencé. Les études de Belo Sun ne fournissent donc pas suffisamment d’informations sur l’impact cumulé de son exploitation avec ce qui est déjà causé par Belo Monte. Ces études, achevées et présentées en 2012, apportent des informations radicalement différentes de l’étude de faisabilité que la société a présentée à ses investisseurs en 2015.

Un groupe de chercheurs indépendants soutenu par notre coalition a publié trois rapports techniques remettant en cause les données présentées par Belo Sun dans son document intitulé Étude et rapport d’impact environnemental (EIA-Rima). Ces travaux font état d’un risque énorme de contamination du fleuve Xingu en raison de l’infiltration possible de fluides polluants, de l’utilisation de grandes quantités de cyanure et d’autres produits chimiques. Le cyanure, en particulier, peut être mortel pour la faune aquatique et pour l’homme. En outre, il existe une forte probabilité de faille dans la construction du barrage, dont la rupture pourrait entraîner le rejet d’un volume d’environ neuf millions de mètres cubes de résidus toxiques atteignant le Xingu en moins de sept minutes. Tous ces avis techniques recommandaient le rejet du projet par les autorités brésiliennes ; ils ont reçu l’appui aussi bien du Défenseur public de l’État du Pará que du Ministère public fédéral. Cela n’a pas empêché le Secrétariat à l’environnement de l’État du Pará de délivrer une licence d’installation pour le projet en 2017, dans le cadre d’une procédure que nous considérons comme peu transparente, irrégulière et ne manifestant aucune considération pour les populations de la région.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le projet Belo Sun ? Quelle quantité de minerai la société a-t-elle l’intention d’extraire et pendant combien de temps ?

Le projet Volta Grande de la société minière canadienne Belo Sun prévoit d’extraire 74 tonnes d’or en 20 ans incluant la construction, l’exploration et le démantèlement de l’exploitation. Comme son nom l’indique, il est situé dans la Volta Grande du fleuve Xingu, à proximité de trois territoires autochtones et à environ 50 kilomètres de la centrale hydroélectrique de Belo Monte. Pour obtenir cette quantité d’or, elle devra extraire quelques millions de tonnes de roche des principales mines prévues dans le projet. Celui-ci prévoit également le stockage permanent de 35,43 millions de mètres cubes de résidus de minerai et d’eau dans un barrage de résidus de 44 mètres de haut sur les rives du fleuve Xingu.

Pourquoi la société canadienne souhaite-t-elle devenir la plus grande entreprise d’exploitation minière à ciel ouvert du Brésil et pourquoi a-t-elle plus particulièrement choisi la Volta Grande du Xingu pour installer cette entreprise ?

L’exploitation minière n’est pas une nouveauté, l’exploitation aurifère artisanale est présente dans la région depuis le début du XXe siècle, et l’arrivée des premières sociétés minières dans la région remonte aux années 1970. L’intérêt de Belo Sun pour la Volta Grande du Xingu est également ancien, puisqu’il date de l’époque où la société portait un autre nom et avait une organisation différente de celle d’aujourd’hui. L’intérêt de la société, bien évidemment, est dû principalement au potentiel minier de la région, qu’elle considère comme étant le plus grand gisement d’or du Brésil. En outre, l’entreprise elle-même souligne comme l’un des avantages le fait que la région soit située dans le Pará, le deuxième État où l’activité minière est la plus importante dans le pays, et dont la législation est « amicale », selon le site de l’entreprise. Enfin, Belo Sun considère comme extrêmement avantageux l’emplacement près de Belo Monte, une zone dotée « d’excellentes infrastructures », lui permettant d’avoir accès à une énergie bon marché pour son exploitation. En d’autres termes, ce que nous considérons comme l’un des principaux risques de l’entreprise, la société le voit comme une opportunité de réduire les coûts.

Quelles sont les contreparties que l’entreprise offre à l’État brésilien ? Qu’est-ce qui a été négocié entre les parties au sujet de ce projet ?

Selon le Secrétariat à l’environnement et au développement durable de l’État du Pará, le projet devrait générer 2 100 emplois directs pendant la phase de mise en œuvre et 526 pendant la phase d’exploitation, 60 millions de R$ de redevances minières sur 12 ans, environ 130 millions de R$ de taxes pendant la période d’installation et 55 millions de R$ par an, au cours de l’exploitation. Cette somme semble importante, mais il est utile de se rappeler que, rien qu’en 2020, l’industrie minière au Brésil, a rapporté 126 milliards de R$, en pleine pandémie. Ce qu’une société minière comme la Vale [1] a distribué à ses actionnaires l’année dernière - 12 milliards de R$ - dépasse déjà les montants annoncés par le gouvernement du Pará sur les retombées du projet Volta Grande. En outre, une importante étude de l’Institut Choices montre que, contrairement à ce que les entreprises et les gouvernements aiment annoncer, l’impact positif de l’exploitation aurifère sur les municipalités n’est que temporaire et n’est pas en mesure de modifier les indicateurs de développement tels que ceux de la santé, de l’éducation et du PIB par habitant.

Pendant la construction de Belo Monte, la mise en œuvre du projet a donné lieu à de nombreux litiges juridiques, concernant la construction des installations. Notamment, il était dit que les entreprises impliquées dans le projet ne respectaient pas la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le droit à la consultation préalable des peuples autochtones, droit également reconnu par la Constitution de 1988. Dans le cas de Belo Sun, comment se déroule ce processus ?

Belo Sun n’a pas encore procédé à la Consultation libre, préalable et informée (CLPI) des peuples autochtones, ni des autres communautés traditionnelles de la Volta Grande du Xingu bien que les premières études sur la viabilité du projet aient été présentées il y a près de dix ans. Les premières étapes de l’analyse de l’impact environnemental de Belo Sun ont été réalisées sans que les communautés autochtones, ni les organismes compétents, comme la Funai, en soient informés ; la première réunion de présentation du projet aux populations autochtones n’a eu lieu qu’en décembre 2014.

Dans un premier temps, la société a prétendu que le processus du CLPI n’était pas approprié car le projet était situé à une distance des terres indigènes supérieure aux 10 kilomètres définis par une ordonnance concernant ce sujet. L’entreprise a même ignoré que les limites de l’une des terres autochtones touchées, la Paquiçamba, avaient été modifiées en 2012, et a toujours contesté cette information, jusqu’à ce qu’elle soit contrainte par la justice de procéder à la consultation préalable. Belo Sun considère donc le droit à la consultation comme un geste de coopération de sa part, et non comme une obligation. Par ailleurs, les autorités compétentes ont traité ce droit d’une manière tout-à-fait irresponsable, cautionnant le point de vue de l’entreprise. Il n’y a pas eu non plus de consultation des communautés traditionnelles d’agriculteurs, de riverains et d’autochtones non représentés bien que la société ait déjà construit un siège administratif et une partie du projet, sur le territoire de l’une des communautés touchées, Vila da Ressaca.

Finalement, les tribunaux ont suspendu la licence d’installation du projet en 2017 car l’entreprise n’avait pas mené les études d’impacts sur les communautés autochtones de manière satisfaisante ni respecté l’obligation de réaliser un processus de consultation libre, préalable et éclairé. Et c’est l’une des principales raisons pour lesquelles la coalition - dont Amazon Watch est membre - demande l’annulation de l’ensemble du processus d’octroi de licences pour le projet. Consulter les communautés après avoir accordé plusieurs autorisations à l’entreprise n’a aucun sens. Ce type de consultation, effectué après qu’une décision en faveur du projet a été prise, porte atteinte aux droits des communautés. Les consultations servent à incorporer les connaissances et les opinions de la communauté dans le projet, à envisager d’autres alternatives et à effectuer une analyse équilibrée de la viabilité de l’entreprise. Ce n’est pas ce qui s’est passé avec le projet Volta Grande et nous remettons donc en cause la validité des décisions qui ont fait avancer le projet sans que la consultation ait eu lieu. L’Association interaméricaine pour la défense de l’environnement (Aida) a récemment publié une étude détaillée sur le processus d’analyse d’impact environnemental de Belo Sun ; elle constitue une ressource importante pour la réflexion sur cette question du CLPI pour le projet Volta Grande.

Quelles positions les communautés autochtones de la Volta Grande du Xingu ont-elles prises par rapport au projet Belo Sun ? Y a-t-il unanimité ou désaccord sur la position à adopter ?

Les communautés riveraines de la Volta Grande du Xingu, zone d’impact du projet minier, sont totalement ignorées dans ce processus de consultation et il n’y a eu aucune discussion sur l’impact et les mesures d’atténuation et/ou de compensation. Comme ce fut le cas à Belo Monte, ces communautés riveraines ont été écartées du processus de légalisation environnementale de Belo Sun. En ce qui concerne les peuples autochtones, il existe au moins deux types de situations. D’une part, l’absence de prise de position des institutions concédant des autorisations - Funai et Semas [2] - par rapport aux quatre avis indépendants inclus dans le processus. Ceux-ci remettent en cause la faisabilité technique du projet tel qu’il est présenté concernant le volet autochtone de l’étude de viabilité environnementale. Les informations présentées par ces avis ne peuvent être ignorées dans le processus d’octroi de licences, y compris celles provenant des peuples autochtones et des communautés riveraines D’autre part, certaines communautés autochtones de la région de Volta Grande du Xingu demandent à être incluses dans ce processus et dans la consultation préalable, libre et informée. A ce jour, ces demandes n’ont pas été prises en compte.

Il est important de noter que les Juruna de la terre indigène de Paquiçamba ont envoyé une lettre à la Funai en décembre 2020 pour dire qu’ils ne renonceront pas au protocole de consultation qui stipule que toutes les réunions doivent être présentielles et qu’ils ne les tiendront que lorsque tous les autochtones seront vaccinés. Ils déclarent de manière catégorique qu’ils n’acceptent pas de réunions virtuelles pour parler des impacts de Belo Sun et qu’ils n’accepteront pas de réunions présentielles avant que tous ne soient vaccinés.

Plus récemment, en pleine crise sanitaire, on a appris que la Funai avait autorisé une réunion présentielle entre des représentants de la compagnie minière et les peuples autochtones Arara de la Volta Grande du Xingu et Paquiçamba, à Altamira, pour la présentation et la validation de leurs études d’impact environnemental. Que pensez-vous de cette décision ? La réunion a-t-elle eu lieu ? De quoi a-t-on discuté ?

Pour les associations réunies dans cette coalition, il est inacceptable que la Funai et Belo Sun prévoient des rencontres présentielles au moment où le Brésil est en pleine pandémie. À l’heure actuelle, les autorités brésiliennes doivent assurer la protection des populations indigènes et remédier aux graves déficiences techniques du projet. Autoriser des réunions présentielles montre clairement quels intérêts défendent la Funai et le gouvernement brésilien : ceux des grandes sociétés minières. Le processus de consultation préalable, libre et informée est un droit des communautés autochtones, et non une obligation imposée au préjudice de leur santé et de leur sécurité. Cette tentative d’avancer le processus de consultation est une nouvelle manœuvre de Belo Sun pour accélérer le processus et faire taire les preuves qui montrent que ce projet est techniquement et écologiquement irréalisable.

Heureusement, grâce à la mobilisation des organisations partenaires qui a permis au conflit de gagner un certain retentissement dans la presse et à une recommandation contraire au projet, de la part du Défenseur public de l’Union dans l’État du Pará, la Funai a fait marche arrière et a déclaré qu’elle n’avait pas autorisé ces réunions, et qu’aucune consultation présentielle n’aurait lieu aussi longtemps que la sécurité sanitaire des peuples autochtones concernés ne serait pas garantie.

Selon les médias, ce mois-ci [avril] a eu lieu la convention de l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs (PDAC), réunion annuelle rassemblant les principaux investisseurs et sociétés minières du Canada, présentant les opportunités d’investissement dans ce secteur au cours des décennies à venir. Le ministre des mines et de l’énergie, Bento Albuquerque, a envoyé un message aux participants de l’événement, où il a déclaré que le gouvernement brésilien est déterminé à faciliter l’accès aux ressources minérales du pays. Comment voyez-vous cette déclaration ? Qu’est-ce que cela signifie à long terme ?

Ce n’est pas la première fois que le ministre fait un clin d’œil de ce genre. L’année dernière, le Brésil était également présent à la PDAC - étant même l’un des rares pays à parrainer l’événement - et le message était le même : ouvrir définitivement les frontières du Brésil aux sociétés minières. Mais en fait, si on analyse le discours du ministre lors de l’événement de cette année, il est assez scandaleux sur plusieurs points et cependant, il a été passé sous silence par la presse nationale. Tout d’abord, lorsqu’il parle des efforts du gouvernement brésilien pour élever l’exploitation minière au rang d’activité essentielle afin qu’elle puisse continuer à fonctionner en pleine pandémie, il ne tient pas compte des centaines de milliers de victimes du Covid-19 au Brésil, et ignore que l’exploitation minière a été à l’origine d’épidémies dans le Minas Gerais et le Pará - y compris de risques pour les communautés autochtones proches des zones minières qui ont été continuellement exposées au virus. De plus, en insistant sur les efforts du gouvernement pour « accroître l’accès » à l’exploitation minière dans des zones jusqu’ici protégées, il inverse la logique du principe de précaution à l’égard d’une activité telle que l’exploitation minière, de fort impact, de risque élevé et qui laisse un passif environnemental pendant des décennies. Il n’est pas étonnant qu’il existe aujourd’hui une série de restrictions à cette activité. C’est pourquoi cette déclaration me préoccupe beaucoup. Elle va à l’encontre de ce que le monde actuel exige, aussi bien en raison de la pandémie que de ce que montrent les débats sur la manière de réduire notre empreinte écologique face au changement climatique.

Cependant, il s’agit d’une déclaration totalement conforme à la proposition du gouvernement Bolsonaro. L’ouverture des espaces de conservation et des terres autochtones à l’exploitation minière industrielle est l’une des priorités du gouvernement depuis le premier jour de son mandat et il a travaillé sur tous les fronts pour y parvenir. D’un côté, nous avons les risques représentés par une législation telle que le projet de loi 191/2020, qui, bien qu’anticonstitutionnel, supprime le droit des peuples autochtones à s’opposer aux activités extractives sur leur territoire. De l’autre, les mesures prises par le gouvernement fédéral pour modifier et supprimer tout ce qui relève de sa compétence, au profit des sociétés minières - ce que le directeur de l’Agence nationale des mines (ANM) a appelé une « guillotine régulatrice ». Le Programme d’exploitation minière et de développement, PMD, lancé par Bolsonaro et Albuquerque, a, en fait, été littéralement dicté par les associations représentant le secteur minier.

Les chercheurs continuent de dénoncer le projet Belo Monte et à en montrer les impacts négatifs non seulement pour les populations indigènes, mais aussi pour toute la population d’Altamira. Comment le projet Belo Sun peut-il encore aggraver la réalité locale ?

Les grandes entreprises apportent toujours avec elles la promesse de créer des emplois et d’améliorer la qualité de vie des municipalités. L’expérience de Belo Monte montre non seulement qu’elle n’a pas permis d’améliorer les conditions de vie à Altamira mais qu’elle a fait de cette ville l’une des municipalités les plus violentes du Brésil. Il est impressionnant de constater que malgré cela, le discours relatif au projet de Volta Grande, tant de la part de Belo Sun que du gouvernement du Pará, reste le même. C’est ce qu’a déclaré le directeur de Belo Sun lui-même lors d’une récente interview, en expliquant que le projet sera un « moteur économique » pour la région.

Destruction de la vie communautaire

Le projet Belo Sun doit être installé dans la ville voisine de Senador José Porfírio (PA), également située dans la Volta Grande du Xingu. Les communautés concernées ont déjà dénoncé, à plusieurs reprises, le fait que même avec la suspension de la licence d’installation, la société minière n’a jamais cessé de travailler à cet endroit, ayant provoqué le départ d’au moins la moitié de la population de la communauté de Vila da Ressaca, l’une des communautés les plus fortement touchées par l’entreprise, et dont le déplacement vers un autre endroit est dans les plans de la société.
On assiste donc à une déstructuration complète de la vie communautaire, les gens partent d’eux-mêmes - de peur de rester et d’être expulsés de force sans compensation - ou sont relogés dans d’autres lieux ne disposant pas des infrastructures nécessaires pour les accueillir. C’est ce qui s’est produit à Altamira et les répercussions se font encore sentir aujourd’hui. La spéculation immobilière augmente dans la région ce qui provoque l’expulsion de ces familles et Belo Sun ne propose aucun plan spécifique pour atténuer ces impacts. L’entreprise est même accusée d’avoir passé des contrats irréguliers pour l’achat de terrains dans des zones de peuplement de Vila da Ressaca où elle a également construit un bureau avant même d’avoir mené à bien le processus de consultation préalable des communautés. Un chapitre de plus dans la série d’irrégularités que le projet accumule. Ainsi, même s’il était possible de d’envisager certaines retombées sociales et économiques du projet pour les communautés, jusqu’à présent, l’attitude de l’entreprise, sa manière d’agir ne permettent pas d’en espérer quoi que ce soit. On peut s’attendre à une déstructuration des communautés riveraines, rurales et autochtones, à une augmentation de la pauvreté et de la violence (y compris la violence sexiste), à davantage de problèmes de santé dus à la contamination de l’eau et du poisson et pas seulement pour les municipalités voisines.

Comment l’exploitation minière illégale est-elle arrivée dans les territoires autochtones ? Sur quelles terres se déroulent les opérations d’orpaillage et quelles sont les conséquences de cette exploitation sur les terres autochtones ?

L’exploitation minière sur les terres indigènes a explosé l’année dernière, amenant la menace d’une escalade de la violence et des problèmes pour la santé des populations indigènes s’ajoutant à l’impact environnemental. Une étude récemment publiée (25/03), réalisée à partir d’images satellites, par les organisations Hutukara et Seedume et l’Institut Socio-environnemental - ISA, a montré que l’exploitation illégale de l’or sur les terres indigènes Yanomami a dégradé 500 hectares entre janvier et décembre 2020. Je vous recommande de prendre connaissance des études récentes du réseau Pro-Yanomami et Ye’kwana, de l’ISA et du Choices Institute, ainsi que des communiqués des associations Yanomami et Munduruku pour une information plus complète sur l’exploitation de l’or sur les terres autochtones.

Plusieurs chercheurs ont défendu d’autres modèles de développement pour l’Amazonie, visant à mettre un terme aux mégaprojets et à garantir la durabilité sociale, environnementale et économique des peuples de la forêt. Quelle est votre position vis-à-vis de ces modèles alternatifs ? Quel modèle économique juste, tenant compte des enjeux environnementaux, sociaux et culturels pourrait être envisagé pour la région ?

Chez Amazon Watch, nous plaidons pour un modèle centré sur ce que nous appelons des solutions menées par les autochtones. En d’autres termes, nous soutenons et promouvons des solutions conçues et réalisées par les peuples autochtones et les communautés traditionnelles permettant de faire face au changement climatique et qui soient des alternatives à l’extraction des ressources naturelles et au développement industriel.

Les connaissances, les cultures et les pratiques traditionnelles des peuples autochtones contribuent depuis des millénaires à la gestion durable et équitable de l’Amazonie et de la planète dans son ensemble. Il s’agit notamment de soutenir les initiatives menées de manière autonome, par les autochtones en matière de gestion durable des ressources forestières, de l’agro-écologie, de l’énergie solaire, de la collecte de l’eau et de travailler en partenariat pour renforcer les capacités des dirigeants autochtones, en particulier des femmes. Mais le plus important c’est de soutenir ces communautés et d’être solidaire avec elles pour que leurs droits en matière de souveraineté, d’autodétermination et d’usufruit du territoire puissent être effectivement reconnus.

Récemment, l’Organisation des Nations unies a publié un rapport qui réunit plus de 300 études montrant le rôle fondamental des peuples indigènes et traditionnels en tant que gardiens des forêts et d’autres écosystèmes sensibles. Il montre également comment le fait de garantir l’accès aux terres à ces communautés peut réduire les taux de déforestation et la perte de biodiversité, évitant les émissions de CO2, par exemple. C’est pourquoi tout modèle d’économie équitable implique de garantir le droit au territoire des peuples autochtones et des communautés traditionnelles, non seulement au Brésil, mais dans le monde entier.

Voulez-vous ajouter quelque chose ?

Le projet Volta Grande de Belo Sun est toujours en cours de viabilisation, y compris sur le plan financier. Cela soulève un point important, à savoir le rôle des principaux agents du système financier international dans le financement des grands projets et des industries extractives telles que l’exploitation minière. Ces entreprises ne seraient pas en mesure de continuer à repousser les limites de l’exploitation minière dans la forêt sans l’appui des institutions qui les financent. C’est pourquoi, à Amazon Watch, nous avons travaillé sur des campagnes visant à demander des comptes aux principaux acteurs financiers mondiaux comme BlackRock, Citigroup, J.P. Morgan Chase.

Les milliers de milliards de dollars que ces institutions gèrent et qui proviennent de centaines de milliers de personnes - qu’il s’agisse de clients de banques ou d’investisseurs individuels - représentent un outil puissant pour faire pression sur l’industrie minière afin de lui faire comprendre qu’elle ne peut plus négliger ses responsabilités environnementales et sociales. Nous avons donc besoin d’un débat public plus large sur Belo Sun afin que les investisseurs actuels et potentiels sachent que cette entreprise pourrait être en train de promouvoir les dernières étapes de l’écocide du fleuve Xingu et que toute personne qui investit dans ce projet ou le soutient, de quelque manière que ce soit, est complice de cette destruction.

Voir en ligne : Belo Sun : Or ou tragédie dans le Xingu ?

Couverture, Manifestation de Greenpeace en 2010 devant Aneel.
Roosewelt Pinheiro/Agência Brasil – Agência Brasil

[1Vale anciennement Companhia Vale do Rio Doce est une entreprise minière multinationale et aussi l’un des plus grands opérateurs logistiques du Brésil

[2Secrétariat d’État à l’environnement et à l’économie durable

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