ʺLa communication n’a pas profité du progrès de la démocratieʺ, affirme Franklin Martins

 | Par Vitor Nuzzi

Source : Rede Brasil Atual – 28/04/2014
Traduction pour Autres Brésils  : Piera SIMON-CHAIX (Relecture : Roger GUILLOUX)

Sebastian Rollandi, Venício Lima, Rosane Bertoti et Franklin Martins, lors de l’ouverture du séminaire de la CUT [1]

São Bernardo dos Campos (Etat de São Paulo) – Franklin Martins, l’ancien ministre du Secrétariat de la Communication Sociale, détecte un ʺmal-être croissantʺ de la société par rapport aux moyens de communication, secteur qui, selon lui, n’a pas accompagné l’évolution démocratique du pays. Simultanément, Franklin affirme que la question doit être prise en charge par la société et qu’il est nécessaire d’avoir une ʺcompétence politiqueʺ afin de rassembler une majorité et produire les changements. ʺÇa ne sert à rien de tout mettre sur le dos de Dilma [Rousseff]ʺ, dit Franklin, au cours du séminaire organisé par la CUT de São Paulo (en partenariat avec les Fondations Friedrich Ebert [2] et Perseu Abramo [3]), au siège du Syndicat des Métallurgistes de l’ABC [4], à São Bernardo dos Campos, lors des activités du 1er Mai.

ʺLe Brésil est devenu un pays démocratique ces dix, douze dernières années, et il ne peut plus être enfermé dans le pré carré des groupes oligopolistiques de la communication. La radio et la télévision ne parviennent pas à accompagner les transformations du paysʺ, affirme-t-il au journaliste. ʺQue les grands groupes le veuillent ou non, un nouvel accord va être nécessaire. Nous avons, c’est certain, la législation la plus archaïque du monde." Franklin a rappelé que la loi qui régit le secteur date de 1962, alors qu’il y avait plus de ʺtelevizinhosʺ que d’appareils de télévision.

L’ex-ministre a qualifié de ʺsornettesʺ l’affirmation selon laquelle il y aurait compétition entre les entreprises actuelles. ʺIl n’y a plus de compétition. Tout le monde répète ce qu’il entend. Nous n’avons qu’une seule voix et une société qui veut en entendre plusieurs."

Il ne s’agit pas de limiter, a-t-il rappelé, mais au contraire, de permettre la participation de plus de supports. ʺTous les services qui comprennent des concessions de service public sont régulés. A l’exception de la radiodiffusion. En vérité, ils ne sont pas préoccupés par la liberté d’expression mais par la compétitionʺ, a-t-il affirmé.

Pour Franklin, tous les éléments permettant un nouvel accord dans le secteur sont déjà prévus dans la Constitution : garantie de la liberté d’expression ; respect de la protection des sources d’information ; droit de réponse ; respect de la vie privée ; interdiction d’oligopoles et de monopoles ; priorité aux activités journalistiques, de loisir et de culture ; complémentarité entre communication privée, publique et de l’Etat ; soutien aux cultures régionales ; production indépendante.

Le professeur retraité Venicio Lima, consultant du Centre d’Études des Médias Alternatifs Barão de Itararé, a fait remarquer que le marché se structure de telle façon qu’il limite la création de groupes dans le secteur, ce qui des conséquences sur le contenu. ʺDepuis ses débuts, la législation n’a fixé aucune limite à la propriété, par un même groupe, de différents médias. Le Brésil a simplement adopté une partie de la législation américaine qui traite de ce sujet, tout en créant une agence régulatrice. Cela n’empêche pas non plus les politiques en cours de mandat, de posséder des concessions de service publicʺ, a ajouté Venicio, qui a présenté un résumé de l’histoire de la législation du secteur.

Il considère que le système actuel est ʺtotalement asymétrique par rapport à d’autres services publics (régulés), il est dépassé, non-réglementé, déficient en ce qui concerne la vie privéeʺ. Et en pratique, a-t-il complété, cela a pour conséquence de ʺlimiter la liberté d’expression de la majorité de la société brésilienneʺ.

L’expérience de l’Argentine, avec sa Ley de Medios [5] a également été un thème du débat. ʺL’élaboration a eu lieu du bas vers le haut, la loi a été débattue en profondeur et pendant longtempsʺ, a rappelé [l’Argentin] Sebastian Rollandi, directeur des Relations Institutionnelles et Communautaires de l’Autorité Fédérale du Services de Communication Audiovisuel (Afsca, responsable de l’implantation et du respect de la législation). ʺC’est une loi qui a un esprit profondément anti-monopole. Ces quatre années (depuis l’approbation de la loi) ont été difficiles et continuent de l’être."

Rollandi rappelle qu’avant la loi, 90% de la production audiovisuelle argentine provenait de la région métropolitaine de Buenos Aires, ce qui rendait difficile l’accès au droit à l’information d’autres régions. Aujourd’hui, selon le directeur, 53 radios fonctionnent à partir d’universités, trois canaux sont liés à des communautés indigènes, et la télévision diffuse 4200 heures supplémentaires de contenu, incluant des programmes à destination des enfants produits localement.

Fantasme

ʺLa loi n’intervient pas sur les contenus, ce qui était un autre fantasme de la droiteʺ, a affirmé le directeur de l’Afsca. Rollandi a annoncé que les divers groupes d’entreprises - et même le plus connu, le groupe Clarín - ont déjà présenté leurs plans d’ajustement à la loi. Il estime que tous les groupes devraient s’y être conformés d’ici août prochain. ʺNous allons ainsi établir une égalité dans la régulation des services."

Toujours selon Rollandi, 100 000 emplois ont été créés dans ce secteur au cours des quatre dernières années. ʺUn autre mythe de la droite est tombéʺ, a-t-il affirmé. ʺLa plus importante caractéristique (de la loi) est que les décisions doivent être prises au Parlement, et non pas dans les bureaux des entreprises."

La Secrétaire de la Communication de la CUT, Rosane Bertotti, également coordinatrice du Forum National pour la Démocratisation de la Communication (FNDC), déclare que la prise de décisions politiques est nécessaire, comme cela a eu lieu pour du cas du Marco Civil da Internet [6]. ʺMais nous devons continuer à faire pression pour défendre nos intérêts."

Tina Hennecken, directrice de la Fondation Friedrich Ebert, a considéré que l’approbation de la loi Marco Civil était un moment décisif pour le pays. ʺInternet est une force pour la démocratisation de la communication, de la connaissance. Mais pour cela il faut des règles. En ce sens, nous vivons un moment décisif."

Agenda

Pour le président des métallurgistes de l’ABC, Rafael Marques, c’est une bataille qui est encore à mener. ʺNous devons contester l’organisation de l’information, actuellement aux mains de quelques organes de presse. Les travailleurs doivent élargir leur rayon d’action."

ʺOn est en permanence blessé dans notre quotidienʺ, a ajouté le secrétaire des Relations Internationales de la CUT, João Felício, faisant référence aux attaques contre les mouvements sociaux et les partis de gauche. ʺInformer de façon erronée est une forte attaque à la démocratie."

Le président de la CUT de São Paulo, Adi dos Santos Lima, a rappelé que c’était la cinquième année consécutive que le syndicat promouvait des discussions thématiques lors des activités du 1er mai.

Notes de la traduction :
[1] Central Única dos Trabalhadores ; organisation syndicale proche du PT de Dilma Rousseff
[2] Fondation Friedrich Ebert  ; fondation allemande disposant d’une antenne au Brésil et dont la finalité est de promouvoir le développement et la démocratie. Elle mène des actions en partenariat avec les syndicats (la CUT) et avec le PT
[3] Fondation Perseu Abramo ; créée par le PT, elle vise à contribuer à la définition des engagements politiques de ce parti.
[4] ABC : région industrielle, métropolitaine de São Paulo, regroupant les villes de Santo André, São Bernardo dos Campos et São Caetano do Sul
[5] Ley de medios ; votée le 23 octobre 2013 après une bataille acharnée de quatre années opposant notamment le groupe de presse Clarin au gouvernement de Cristina Kirchner, cette loi met en place une législation des médias visant à favoriser une plus grande pluralité en matière d’information.
[6] Loi des Droits Civils d’Internet, adoptée en 2014 au Brésil, visant à réguler l’usage d’internet. Elle porte principalement sur la neutralité du réseau, la vie privée, la rétention des données, la fonction sociale que le réseau doit remplir (liberté d’expression, transmission du savoir), la responsabilité civile des utilisateurs et des fournisseurs. Cf. : http://www.autresbresils.net/articles/article/avec-le-marco-civil-le-bresil

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