Condamné à douze ans et un mois de
prison lors d'un procès judiciaire très
controversé, l’ancien président brésilien
Luis Inacio Lula da Silva a jusqu’à ce
vendredi fin d'après-midi (heure locale)
pour se présenter à la police après avoir vu
son recours à un Habeas Corpus être nié par
le Tribunal Suprême Fédéral (STF).
Dès le début, l'enquête contre Lula
multiplie les vices de procédures, comme la
mise sous écoute des avocats de Lula, ou les
décisions polémiques comme celle de
condamner Lula alors qu'aucune preuve
matérielle n'aura été produite à ce jour. En
outre, la procédure judiciaire aura été
menée avec une vitesse exceptionnelle par
des acteurs qui auront régulièrement fait le
choix d’acquitter ou archiver de cas
beaucoup mieux documentés comme celui
d'Aécio Neves (candidat malheureux aux
présidentielles de 2014) ou du Président en
fonction, Michel Temer. Urgence aussi dans
l'émission du mandat d'arrêt parle juge
Moro, 24 heures à peine après la décision du
STF.
Le refus de l'Habeas Corpus
par le STF est doublement problématique
D’une part, le Tribunal Suprême
Fédéral confirme la jurisprudence résultant
à l'emprisonnement d'un accusé dès la
seconde instance, alors que ses voix de
recours ne sont pas épuisées. Selon
plusieurs juristes, cela va à l'encontre de
la Constitution brésilienne et du Code
Pénal. Tous deux affirment le droit
d’épuiser les voix juridiques, en liberté,
sauf dans le cas de flagrant délit ou de
prison préventive.
D'autre part, le STF fait
jurisprudence à travers sa décision contre
l'Habeas Corpus du candidat Lula plutôt que
de se prononcer sur la Question Prioritaire
de Constitutionnalité (QPC). Présentée
devant les juges par l'Ordre des Avocats en
février 2016 et jamais jugé par le Tribunal,
ce mécanisme juridique est censé définir la
doctrine du Suprême Tribunal face à
l’exécution d’une peine de prison dès la
deuxième instance, avant l'épuisement des
recours possibles aux tribunaux supérieurs.
Cette fragilisation de la sécurité
juridique et de la présomption d'innocence
semble être la voie suivie actuellement par
des secteurs du judiciaire brésilien tel que
la Procureure de la République Brésilienne,
Mme Dodge, qui estime que l'épuisement des
voies d'appels soit une exagération du
système.
L'écartement par la justice
brésilienne du candidat qui, selon les
derniers sondages, a les meilleures chances
de remporter le scrutin présidentiel (36% au
premier tour, le double du deuxième
candidat, Jair Bolsonaro, de l'extrême
droite) se fait dans un environnement
économique, social et politique marqués par
une crise aiguë impliquant d'autres acteurs
institutionnels.
Les Droits humains affaiblis
Cette semaine, le Chef des Armées a
déclaré sur Twitter que l'Armée ne
tolérerait pas l'impunité et a indiqué que
l'Institution Militaire pourrait prendre des
mesures si Lula bénéficiait d’une décision
favorable du STF. Ces déclarations ne sont
pas sans rapports avec les choix politiques
de l’actuel Président en fonction. Depuis le
mois de mai 2016, il aura permis aux Forces
Armées de prendre en charge un grand
nombre de portefeuilles, multiplié les
opérations militaires fédérales de maintien
de l'Ordre et décrété une l'intervention
militaire dans l'état de Rio de Janeiro.
L'exécution de Marielle Franco, élue
rapporteur de la commission municipale de
suivi de cette intervention, et la
vertigineuse multiplication des attaques et
assassinats contre les défenseurs des Droits
humains au Brésil depuis août 2016 ne
peuvent être déconnectées de l'environnement
politique dans lequel le procès contre Lula
puise son énergie.
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