Tandis que le monde s’engage sur la voie des énergies renouvelables alternatives, le Brésil salit son bouquet électrique

 | Par Carlos García Paret, Juliana Splendore

Les objectifs de réduction des émissions dans le secteur de l’énergie font de la progression des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique certains des principaux objectifs de la Conférence de Paris.

Source : Instituto Socioambiental - 14/08/2015
Traduction pour Autres Brésils : Hélène Bréant
(Relecture : Marion Daugeard)

Cette information est associée au Programme : Politique et Droit socio-environnemental

Ces dernières années, la tendance de nombreux pays en faveur de l’extension du recours aux énergies renouvelables, principalement pour produire de l’électricité, a été l’un des facteurs qui ont contribué en 2014, pour la première fois, au « découplage » - autrement dit, à la stabilisation des émissions mondiales de gaz à effet de serre au cours d’une période de croissance économique mondiale selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE).

A ce propos, les projections et les données récentes relèvent que les émissions brésiliennes dans le domaine de l’énergie augmentent, notamment sur la base des combustibles fossiles. Ces informations indiquent que le Brésil ne tire pas le meilleur parti de son immense potentiel de sources d’énergie alternatives, particulièrement de l’énergie éolienne et solaire, et qu’il nage à contre-courant du scénario mondial.

En matière de production d’électricité, le Brésil se projette aujourd’hui sur la scène internationale comme un pays au modèle essentiellement propre, puisque près de 73% de la production provient d’énergies considérées comme renouvelables, principalement de l’hydroélectricité, tandis que l’Union Européenne affiche une part de 30%, la Chine de 22,9% et les Etats-Unis de seulement 13,7% d’énergies renouvelables au total.

Toutefois, la crise hydrique et les décisions de politique énergétique ont entraîné au Brésil une augmentation de l’utilisation d’usines thermoélectriques à gaz, au gazole et au charbon. Le manque de précipitations pour alimenter les centrales hydroélectriques en 2014 a contraint le pays à accroître sa consommation d’énergie issue de centrales thermoélectriques jusqu’à atteindre 30,1% de la consommation totale. En 2011, ce pourcentage était de 4,5%. Par voie de conséquence, l’utilisation de cette source, qui est aussi la plus polluante, a augmenté le coût et les tarifs de l’énergie.

Il ne faut pas oublier non plus que la construction de grandes centrales hydroélectriques suscite des polémiques du fait de ses conséquences socio-environnementales considérables, notamment en Amazonie où ces ouvrages entraînent des déboisements et mettent en péril les conditions d’existence des peuples indigènes et des communautés traditionnelles, comme dans le cas du barrage de Belo Monte. Ces usines entraînent également des pertes d’énergie du fait de l’éloignement des centres de consommation.

Une enquête publiée cette semaine par l’Observatoire du Climat, un réseau d’organisations de la société civile dont fait partie l’ISA, montre que les émissions de gaz à effet de serre dues au secteur énergétique – y compris la production et la consommation de combustibles et d’électricité – ont augmenté de 34% au cours des cinq dernières années. Entre 1970 et 2013, le secteur a multiplié ses émissions par 4, totalisant 29% des émissions du Brésil en 2013, devenant dès lors la seconde source d’émissions du pays derrière la déforestation.

« Le résultat est inquiétant : bien que le Brésil ait la possibilité d’atteindre l’objectif proposé en 2009 (celui d’avoir réduit ses émissions d’ici à 2020 par rapport à la tendance), tout porte à croire que d’ici cinq ans, cette trajectoire sera ascendante. Autrement dit, le pays ira à l’encontre des recommandations de la science qui prône un recul des émissions pour éviter les effets les plus néfastes du réchauffement mondial. Si la déforestation en Amazonie échappe au contrôle, même l’objectif de 2009 ne sera pas atteint », alerte l’Observatoire dans une note.

« La déforestation zéro est indispensable mais insuffisante pour remettre le Brésil sur la voie de la réduction de ses émissions dans la proportion qu’exige cette période », analyse Márcio Santilli, membre fondateur de l’ISA. « Quoiqu’elle soit nécessaire, la réduction de la déforestation ne peut servir de rideau de fumée pour masquer la hausse continue des émissions des secteurs de l’énergie et de l’agroalimentaire », conclut-il.

Les choix de politique énergétique pour les années à venir ne font pas non plus des énergies renouvelables alternatives une priorité du Brésil. Les résultats préliminaires d’une étude réalisée par Oswaldo Lucon, de l’Institut de l’Energie et de l’Environnement de l’Université de São Paulo (USP) et commanditée par le World Resources Institute (WRI) montre que 78% des investissements brésiliens dans le secteur énergétique d’ici à 2023 concerneront les combustibles fossiles, d’après le Plan Décennal pour l’Energie.

Le Brésil est actuellement en queue de peloton parmi les derniers grands pays pour ce qui est de leur production d’électricité à partir de sources éolienne et solaire avec 2% du total, contre 11% pour l’Union Européenne, 5,4% pour les Etats-Unis et 3% pour la Chine. Cela ne signifie pas que le Brésil ait fermé la porte aux énergies renouvelables alternatives. En 2014, un grand appel d’offres dans l’énergie solaire a permis des prix plus bas que ce qu’on attendait et le plan brésilien pour l’énergie promet d’augmenter la part du solaire de façon significative pour atteindre 3,5 GW d’ici 2023.

Des études relèvent cependant que le Brésil pourrait doubler ce chiffre s’il investissait au rythme des pays qui le devancent. D’après l’Atlas du Potentiel Eolien Brésilien, le seul vent permettrait au pays d’atteindre un potentiel de 143 GW de capacité installée – soit plus que toute la capacité installée dans le pays à ce jour.

Changements dans le scénario mondial

En 2014, le monde a atteint près de 657 gigawatt (GW) de capacité installée (hors hydroélectricité) contre 560 GW en 2013 et en 2004, dix ans plus tôt, 85 GW. Ces informations émanent du Rapport d’Etat des Lieux Mondial (Global Status Report en anglais) lancé au mois de juin par le Réseau pour une Politique Energétique Renouvelable pour le 21ème siècle (REN21).

270,2 milliards de dollars américains ont été investis dans ces énergies en 2014 à travers le monde, soit 17% de plus qu’en 2013. Près de la moitié de ces investissements se sont produits dans des pays en développement. La Chine, avec 83,3 milliards de dollars, caracole en tête du classement, suivie de l’Union Européenne avec 57,5 milliards et les Etats-Unis avec 38,3 milliards de dollars. Le Brésil a déjà investi quant à lui 7,6 milliards de dollars.

« Le changement en matière d’énergies renouvelables a été assez significatif, tant en termes d’amélioration des connaissances dans ce domaine que d’accessibilité économique », estime Tasneem Essop, chef de file sud-africaine de l’Initiative Mondiale pour l’Energie et le Climat du WWF. « Le coût de l’énergie solaire photovoltaïque a diminué de deux tiers entre fin 2009 et 2013 : la vitesse du changement est comparable à celle observée dans la révolution des technologies de l’information », affirme l’Agence Internationale pour les Energies Renouvelables, l’IRENA (acronyme anglais) dans son dernier rapport. Dans 19 grandes régions du monde, l’énergie solaire photovoltaïque a atteint la parité réseau. Cela signifie que les prix de l’électricité non subventionnée sont devenus compétitifs par rapport aux sources concurrentes.

Capacité installée de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables alternatives (hors hydroélectricité). Source : Ren21, 2014. Pour donner un ordre d’idée, l’usine d’Itaipu, au Brésil, dispose de 14 GW de capacité installée. Le Brésil avait en 2014, 19 GW d’énergies renouvelables alternatives, 12 GW de biomasse et 6,4 GW d’énergie éolienne.

Toutefois, le rapport GSR montre qu’il reste beaucoup à faire pour réduire les émissions du secteur énergétique (électricité, transport, industries, etc.). Les investissements dans la production fossile ont représenté, en 2014, 300 milliards de dollars à travers le monde. La part des énergies renouvelables alternatives dans la consommation énergétique mondiale s’est élevée l’année dernière à 10,1%, tandis que la consommation d’énergies fossiles atteignait 78,3%.

« Tout accord climatique obtenu à l’issue de la COP 21 doit donner une place centrale au secteur de l’énergie, faute de quoi il courra le risque d’être considéré comme un échec », a ainsi affirmé l’économiste en chef de l’AIE, Fatih Birol, faisant référence à la Conférence sur le Climat organisée à Paris en décembre.

Les objectifs du secteur énergétique en 2015

En plus de l’Union Européenne, des pays comme la Chine, les Etats-Unis et le Brésil, qui font partie des principaux émetteurs de gaz à effet de serre, ont présenté récemment des objectifs pour faire progresser la production d’énergie à partir de sources renouvelables. Les objectifs du secteur de l’énergie devront être au cœur des contributions prévues déterminées au niveau national, les CPDN (ou INDC pour l’acronyme anglais) définies dans la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC).

La Chine a annoncé son intention d’augmenter de 20% la part des sources d’énergie non fossiles dans son offre totale d’énergie primaire d’ici 2030 – objectif inséré dans sa CPDN dans le cadre de la COP 21.

Les Etats-Unis et le Brésil ont affirmé dans une déclaration commune au mois de juin qu’ils « comptaient atteindre, chacun, 20% de part de sources renouvelables – en plus de la production hydraulique – dans leur modèle électrique respectif d’ici 2030. »

L’objectif des Etats-Unis trouve son origine dans le Plan Energie Propre, le « Clean Power Plan » annoncé la semaine dernière par le Président Barack Obama, qui prévoit de doubler la production d’énergies renouvelables d’ici 2020 et de réduire les émissions du secteur de l’électricité à 32% d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 2005.

Malgré ce contexte mondial favorable, l’objectif brésilien pour les énergies renouvelables alternatives en vue des prochaines années est critiqué par certains spécialistes et représentants de la société civile. « La proposition d’augmenter la part des énergies renouvelables hors hydroélectricité jusqu’à 20% de la production électrique revient à préserver le statu quo. Nous avons déjà prouvé que le Brésil peut faire le double », explique Ricardo Baitelo, coordinateur Climat et Energie de Greenpeace Brésil, au site de l’Observatoire du Climat.

En France

Le 22 juillet dernier, le parlement français a adopté la Loi de Transition Energétique qui prévoit, parmi ses principales mesures, un recours accru aux énergies renouvelables avec l’objectif qu’elles constituent 32% de la consommation énergétique du pays et 40% de sa production d’électricité d’ici 2030. Cet objectif est encore plus ambitieux que celui de l’Union Européenne d’augmenter la part des énergies renouvelables pour qu’elle atteigne au moins 27% de la consommation d’énergie sur la même période.

La nouvelle loi française augmente aussi la taxation des carburants fossiles, le prix du carbone (de 22€ la tonne en 2016, à 100€ en 2030), fixe pour 2030 un objectif de réduction de la consommation d’énergie à 20% (à partir du niveau de 2012), améliore l’efficacité énergétique des bâtiments, oblige les grandes entreprises et les banques à réduire leur empreinte carbone et à mettre leurs stratégies en conformité avec les objectifs climatiques. Elle prévoit également de diminuer la dépendance à l’égard de l’énergie nucléaire qui passera de 75% à 50% du bouquet total. La France entend ainsi diviser ses émissions par quatre d’ici 2050 et montrer l’exemple aux autres pays qui participeront à la COP 21.

Juliana Splendore et Carlos García Paret, envoyés spéciaux de l’ISA à Paris
ISA

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