Parce que le Brésil a fait le choix de l’agrobusiness, ses habitants consomment 5,2 litres de produits phytosanitaires par an. Entretien exceptionnel avec Fran Paula

 | Par João Vitor Santos

Source : Instituto Humanitas Unisinos - 09/01/2015

Traduction pour Autres Brésils : Piera SIMON-CHAIX (Relecture : Hélène BREANT)

Source : contraosagrotoxicos.org

Penser un Brésil qui ne fasse pas primer une production de monocultures agricoles sur ces grandes propriétés que sont les latifundios, et ce afin de supprimer l’usage des produits phytosanitaires. C’est ce que propose Fran Paula, ingénieure agronome de la coordination nationale de la Campagne Permanente contre les Produits Phytosanitaires et pour la Vie dans une interview accordée par email à IHU On-Line. Pour elle, « l’agrobusiness utilise de vastes étendues de terres, créant des zones de monocultures. De cette manière, il détruit toute la biodiversité du lieu et déséquilibre l’environnement, qu’il rend propice à l’irruption de populations importantes d’insectes et de maladies ». Et la priorité donnée à ce type de production est renforcée par l’ensemble des normes qui bénéficient beaucoup plus à ceux qui adoptent la culture à base de produits phytosanitaires qu’à ceux qui optent pour l’agriculture biologique. Un exemple : la réduction d’impôts concernant la production de ces agents chimiques, réduisant considérablement le coût du produit. D’après Fran, dans des Etats comme le Mato Grosso et le Ceará, ce dégrèvement atteint les 100%.

En outre, à l’inverse de ce que l’on pourrait supposer, la lutte pour la réduction de l’usage des produits phytosanitaires ne passe pas forcément par une réforme de la législation brésilienne. Pour l’agronome, il suffit d’appliquer de façon efficace ce que disent les lois et d’exiger des organes gouvernementaux des actions plus fermes. Le plus grand défi, pour elle, est d’affronter le groupe ruraliste et son soutien à l’agrobusiness, en plus d’exiger des mesures qui permettent d’appliquer la Politique Nationale pour l’Agro-écologie. « Le groupe ruraliste occupe aujourd’hui plus de 50% du Congrès brésilien et intervient constamment pour qu’on envisage de légaliser la contamination. En même temps, il exerce une forte pression sur le gouvernement et ses organes régulateurs, ce qui complique les processus de contrôle, de surveillance et de retrait des produits phytosanitaires du marché. De surcroît, il tente constamment d’assouplir la loi afin de faciliter la diffusion de plus de produits phytosanitaires, dans l’intérêt de l’industrie chimique qui finance les campagnes électorales », ajoute-t-elle.

Fran Paula est ingénieure agronome et également technicienne de la Fédération des Organes pour l’Assistance Sociale et Éducative - FASE. Aujourd’hui, elle travaille au sein de la coordination nationale de la Campagne Permanente contre les Produits Phytosanitaires et pour la Vie. Il s’agit d’un groupe qui fait converger différentes actions avec pour objectif de sensibiliser la population brésilienne aux risques que représentent les produits phytosanitaires et, à partir de là, de prendre des mesures pour en finir avec l’usage de ces substances.

Consultez l’interview

IHU On-Line - Le 3 décembre dernier, Journée Internationale de Lutte contre les produits phytosanitaires, la Campagne contre les Produits Phytosanitaires a révélé que chaque Brésilien consommait 5,2 litres de produits phytosanitaires par an. Comment sont-ils parvenus à recenser ces données ? Qu’est-ce que cette valeur nous apprend sur l’usage des produits phytosanitaires au Brésil par rapport aux autres pays du monde qui utilisent ces produits en agriculture ?

Fran Paula - Les données se réfèrent à l’exposition à laquelle le Brésilien est confronté sur son lieu de travail dans son environnement et à travers son alimentation du fait de l’usage indiscriminé de produits phytosanitaires dans le pays. Le chiffre fait référence à la moyenne d’exposition aux produits phytosanitaires utilisés chaque année par rapport au nombre d’habitants au Brésil. Ce chiffre augmente lorsque les références sont des Etats producteurs de céréales, comme celui du Mato Grosso. En 2013, il a utilisé 150 millions de litres de produits phytosanitaires, ce qui expose la population de l’État à 50 litres de produits phytosanitaires par personne et par an.

Des données révèlent que le Brésil est, depuis 2008, le champion du classement mondial de l’usage des produits phytosanitaires. C’est-à-dire que nous sommes le pays qui consomme le plus de poisons sur la planète.

IHU On-Line - À quoi attribue-t-on cette consommation élevée de produits phytosanitaires ?

Fran Paula - Le choix évident de la politique agricole brésilienne pour l’agrobusiness est le grand responsable de cette situation. L’agrobusiness utilise de vastes étendues de terres, créant des zones de monocultures. Par exemple : soja, maïs, coton, eucalyptus ou canne à sucre. Il détruit ainsi toute la biodiversité du lieu et déséquilibre l’environnement, qu’il rend propice à l’apparition d’une importante population d’insectes et de maladies. C’est pourquoi ce modèle de production est dépendant de la chimie, il ne fonctionne qu’avec beaucoup de poison. Et, en plus d’utiliser une grande quantité de produits phytosanitaires et transgéniques, il ne crée pas d’emplois ni ne produit d’aliments.

Le groupe ruraliste occupe aujourd’hui plus de 50% du Congrès brésilien et il agit de façon constante pour tenter que soit envisagée la légalisation de la contamination. Tout en exerçant une forte pression sur le gouvernement et ses organes régulateurs (principalement en matière de santé et d’environnement), en compliquant les processus de contrôle, de surveillance et de retrait du marché des produits phytosanitaires. De surcroît, il tente constamment d’assouplir la loi afin de faciliter la diffusion de plus de produits phytosanitaires, dans l’intérêt de l’industrie chimique qui finance les campagnes électorales. C’est cette politique qui autorise des absurdités comme l’utilisation de produits phytosanitaires déjà interdits dans d’autres pays, leur degré de dangerosité pour la santé humaine et l’environnement ayant déjà été scientifiquement prouvé.

Au Brésil, un ensemble de normes réduit la perception d’impôts sur les produits phytosanitaires. Et l’exemption de ces impôts (impôts sur la Circulation de Marchandises et de Services - ICMS, Contribution pour le Financement de la Sécurité Sociale - COFINS, Programme d’Intégration Sociale - PIS et Programme de Formation du Patrimoine des Agents de la Fonction Publique - PASEP, Tableau d’Impact de l’Impôt sur des Produits Industrialisés - TIPI) peut atteindre 100% dans des États comme le Ceará et le Mato Grosso.

A l’inverse de ce que promettaient les semences transgéniques, les OGM ont accru l’utilisation des produits phytosanitaires dans le pays. On peut prendre l’exemple du soja Roundup Ready, résistant à l’herbicide glifosato. Avec l’arrivée du soja transgénique, la consommation de glifosato a augmenté de plus de 150%. L’Agence Nationale de Veille Sanitaire - ANVISA, prenant en compte l’augmentation potentielle de résidus de cet herbicide, a considéré que cette hausse représentait 50 fois les Limites Maximales de Résidus (LMR) du glifosato dans le soja transgénique, passant de 0,2mg/kg à 10 mg/kg. Ainsi, l’ANVISA démontre que les arguments de Monsanto annonçant une diminution de l’usage d’herbicides avec l’arrivée du soja transgénique ne se vérifient pas dans la réalité, ce qui était déjà prévu avec l’expansion de l’industrie de Roundup au Brésil.

IHU On-Line - Quelles sont les cultures qui reçoivent une dose particulièrement élevée de répulsifs dits « défensifs » ?

Fran Paula - Tout d’abord : il n’existe pas de « défensifs ». Pour défendre qui ? Et de quoi ? Cette terminologie n’existe pas dans la législation. Le terme est « produits phytosanitaires » et c’est ainsi qu’il faut en parler. Le terme « défensif » est utilisé par l’agrobusiness, ce qui inclut les industries qui les produisent, pour détourner l’attention de la fonction de ces produits et de leurs effets nocifs sur la santé de la population et sur l’environnement. De la même façon que l’utilisation sécurisée de produits phytosanitaires est un mythe. Cela fait partie du lobbying de l’industrie chimique pour vider de son contenu le débat sur le risque que représentent les produits phytosanitaires.

Parmi les plus utilisés, soulignons : l’Abamectina, un type d’insecticide extrêmement toxique, utilisé dans des plantations de pommes de terre, de coton et d’arbres fruitiers ; l’Acefato, qui est un insecticide appartenant à la classe toxicologique III - Moyennement Toxique et qui est fréquemment utilisé dans des plantations de choux, d’arachides, de brocolis, de tabac, de chrysanthèmes, de choux frisés, de melons, de tomates, de soja, de roses, de citronniers et de pommes de terre ; et le Glifosato, un herbicide très utilisé pour combattre les mauvaises herbes dans la culture du soja, principalement.

Ce n’est pas le type de culture qui détermine la quantité de produits phytosanitaires utilisée. Ce qui la détermine, c’est le modèle de production. Je peux avoir un poivron avec une haute concentration de produits phytosanitaires, tout comme je peux avoir un piment biologique.

Source : http://sna.agr.br/

IHU On-Line - Quels sont les effets sur la santé de quelqu’un qui consomme des aliments contenant des traces de produits phytosanitaires ?

Fran Paula - Il n’existe pas de produit phytosanitaire qui ne soit pas toxique. Donc il n’y en a aucun qui ne présente pas de risque pour la santé humaine, en cas d’exposition et de contamination ultérieure. Les produits phytosanitaires provoquent deux types d’effets : les plus aigus, ayant lieu dans les heures qui suivent l’exposition ; et les effets chroniques, qui peuvent se manifester après des mois, des années voire des dizaines d’années, résultant de l’accumulation des résidus chimiques dans l’organisme des personnes.

Nous avons un exemple national de contamination par produits phytosanitaires et d’accumulation de ces résidus dans l’organisme. Il s’agit de la recherche qui a révélé la contamination du lait maternel. Les effets des résidus des produits phytosanitaires dans notre organisme peuvent provoquer des complications telles que des modifications génétiques, des problèmes neurotoxiques, des malformations fœtales, des avortements, des effets tératogènes, des dérèglements hormonaux, le développement de cellules cancéreuses. J’insiste : la majorité des produits phytosanitaires ont une action systémique - il ne suffit pas de laver superficiellement les aliments avec de l’eau et du savon pour éliminer les résidus de produits phytosanitaires.

IHU On-Line - La campagne alerte également sur le fait qu’il y a des régions dans le pays où la consommation de produits phytosanitaires est encore plus importante. Quelles sont ces régions et pourquoi la consommation y est-elle si élevée ?

Fran Paula - Comme je l’ai déjà dit auparavant, dans certains Etats où l’agrobusiness dispose d’un poids politique fort et détient de grandes zones de monocultures de soja et autres matières premières, la consommation de produits phytosanitaires est plus élevée.

IHU On-Line - En plus de la consommation d’aliments qui ont été exposés à des produits phytosanitaires, quels sont les risques auxquels sont exposés les habitants des régions où les taux d’application de ces répulsifs sont élevés ?

Fran Paula - Ils sont exposés à des problèmes de santé dus à l’exposition directe aux produits phytosanitaires, à la contamination de l’eau potable, de l’air qu’ils respirent et du sol. Ils peuvent aussi pâtir des menaces de pulvérisation aérienne comme les milliers de cas, dans tout le Brésil, de populations qui sont tous les jours aspergées de poisons, principalement faute de respect des mesures légales relatives aux limites de cette pulvérisation - aérienne comme terrestre - aux alentours de leurs lieux de vie. Nous exigeons de la part des services sanitaires qu’ils portent une attention particulière à toutes ces populations exposées aux produits phytosanitaires. Il s’agit en effet de promouvoir la vie et la survie de ces personnes. C’est pour cela que l’un des étendards de lutte de la Campagne a été la création de zones sans produits phytosanitaires ni OGM.

IHU On-Line - Qu’est-ce qu’il est possible de faire pour freiner cette utilisation si importante de produits phytosanitaires ? Quelles sont les alternatives pour contrôler les fléaux qui menacent les plantations ?

Fran Paula - Analysons l’histoire de l’agriculture dans le monde, à partir de données qui remontent à 12 000 ans. L’histoire des produits phytosanitaires dépasse à peine les 50 ans. Autrement dit, il est possible depuis très longtemps de produire sans produits phytosanitaires. Les investissements dans des pratiques et des techniques de production qui n’utilisent pas de produits phytosanitaires progressent dans les pays de l’Union Européenne, au Japon, en Inde. Le Brésil est un pays en retard, dans la mesure où il utilise un arsenal de produits chimiques issus de la guerre. Notre pays a besoin de revoir rapidement le modèle de production qu’il est en train d’adopter, centré sur l’agrobusiness. Ce modèle concentre la terre, crée des zones de monocultures et des déserts verts, adopte des kits technologiques clé-en-main (engrais chimiques, semences hybrides et transgéniques, produits phytosanitaires) offerts par les industries chimiques. Il est nécessaire de mettre en œuvre le Plan National de Réduction des Produits Phytosanitaires - PRONARA, lié à la Politique Nationale pour l’Agro-écologie et la Production Biologique, élaborée en 2014. Cette législation prévoit des actions dans le champ de la recherche de technologies durables de production ; des crédits pour le renforcement d’une agriculture de base agro-écologique responsable pour la production d’aliments ; des investissements à destination des agriculteurs pour l’assistance technique et l’extension de zones rurales agro-écologiques ; le retrait immédiat des produits phytosanitaires déjà interdits dans d’autres pays et utilisés librement au Brésil, et la fin des subventions fiscales aux produits phytosanitaires. En outre, l’adoption de pratiques dont l’impact est moindre, comme le contrôle écologiques des fléaux et la gestion intégrée, l’adoption de pratiques écologiques de production, qui permettent la sélection naturelle des cultures, et des variétés mixtes qui ont une résistance plus grande à l’incidence des insectes et des maladies et qui permettent la diversification de la production et l’offre alimentaire de base selon les principes de la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

IHU On-Line - L’une des revendications de la Campagne Permanente contre les Produits Phytosanitaires et pour la Vie est la fin de la pratique de la pulvérisation aérienne sur les exploitations. Pourquoi ?

Fran Paula - La pulvérisation aérienne de produits phytosanitaires est une pratique qui menace la vie. Des études scientifiques variées et des cas d’intoxication humaine et de contamination de l’environnement ont prouvé qu’il n’existe pas de conditions qui assurent une pulvérisation aérienne en toute sécurité. En plus du fait qu’il s’agisse d’une technique archaïque en termes d’efficacité d’application, elle nécessite que de grandes quantités de poison soient pulvérisées pour que la quantité souhaitée du point de vue agronomique soit atteinte, à cause des pertes élevées. Des études de la Société Brésilienne de Recherche en Agro-alimentaire - EMBRAPA ont montré que le pourcentage de perte peut atteindre plus de 80% pour certaines cultures. Ce pourcentage élevé corrobore le fait qu’une grande partie de ce qui est pulvérisé atteint d’autres cibles que celles souhaitées, pouvant ainsi contaminer l’eau, les nappes phréatiques et même atteindre directement des personnes et d’autres êtres vivants.

Parmi les cas de contamination par pulvérisation aérienne, nous connaissons celui de 2013 à l’École Municipale de São José do Pontal, située dans la région rurale de la commune de Rio Verde, dans l’État de Goiás. Là, cette pratique a eu pour conséquences divers cas d’intoxication aiguë de travailleurs et d’élèves âgés de 9 à 16 ans. Dans ce cas précis, la pulvérisation a été effectuée sur la plantation de maïs située à quelques mètres de l’école, ce qui ne correspondait pas aux limites minimales de distance recommandées par la législation. Le produit pulvérisé, selon l’entreprise d’aviation agricole, était l’insecticide Engeo Pleno, fabriqué par la multinationale Syngenta. L’un de ces composants est le thiaméthoxame, du groupe des néo-nicotinoïdes, un produit extrêmement toxique pour les abeilles et dont l’utilisation en pulvérisation aérienne avait pour cette raison été interdite par l’Institut Brésilien de l’Environnement - IBAMA. Pourtant, après des pressions exercées par le Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de l’Approvisionnement - MAPA, l’interdiction a été suspendue.

IHU On-Line - Quelle est votre évaluation de la législation brésilienne en matière d’autorisation et d’utilisation des produits phytosanitaires ? Récemment, l’ANVISA a approuvé l’initiative proposant d’interdire les produits phytosanitaires Forato et Parationa Metílica. Comment évaluez-vous cette initiative et quelles sont les conséquences de ces produits phytosanitaires ?

Fran Paula - Le problème en général n’est pas dans la loi 7802/89 qui régit les Produits Phytosanitaires au Brésil, mais bien dans son application. Pour ce qui est de l’enregistrement des produits phytosanitaires, la loi établit l’interdiction de ceux pour lesquels le Brésil ne dispose pas de méthodes permettant la désactivation de ses composants, de manière à empêcher que ses résidus rémanents ne provoquent des risques pour l’environnement et la santé publique, pour lesquels il n’y aurait pas d’antidote ou de traitement efficace au Brésil. Elle interdit l’homologation de ceux qui, après analyses et expériences mises à jour par la communauté scientifique, présentent des caractéristiques tératogènes, cancérigènes ou mutagènes et provoquent des dérèglements hormonaux ou des altérations de l’appareil reproducteur. Elle ne permet pas l’homologation de produits phytosanitaires qui se révèlent plus dangereux pour l’homme que ne l’avaient démontré des tests en laboratoire sur des animaux, selon des critères techniques et scientifiques actualisés, et dont les caractéristiques sont également à même de nuire à l’environnement. Le plus grand risque réside dans les innombrables tentatives du groupe ruraliste d’assouplir la loi, avec pour objectif de défendre les intérêts des industries chimiques et ainsi d’ouvrir les vannes à davantage d’homologations de produits phytosanitaires sur le marché.
L’effet néfaste des produits phytosanitaires est reconnu et établi par la loi. L’ANVISA est l’organe responsable auprès du Ministère de la Santé de l’évaluation de la toxicité des produits phytosanitaires et de leurs impacts sur la santé humaine ; elle rend public le rapport de toxicologie favorable ou défavorable à l’autorisation de mise sur le marché par le Ministère de l’Agriculture.

IHU On-Line - Quels sont les aspects les plus urgents sur lesquels la législation doit avancer ou être révisée ?

Fran Paula - La législation brésilienne, même si elle contient des normes de restriction à l’homologation de produits phytosanitaires, ne précise pas le délai de réévaluation de ces produits. C’est finalement aux organes chargés de cette homologation de demander cette réévaluation. Au Brésil, la validité de l’homologation du produit n’est pas limitée dans le temps, à la différence de pays comme les États-Unis, où elle est valide durant 15 ans. Dans l’Union Européenne, c’est 10 ans, au Japon trois et en Uruguay quatre. Bien que la loi définisse les responsabilités relatives à la surveillance et au contrôle, le fait est que les organes chargés de la santé et de l’environnement ont une capacité réduite. Cela a lieu aux trois niveaux de gouvernement, en lien avec le développement de services de surveillance et de contrôle des produits phytosanitaires.

IHU On-Line - L’un des herbicides les plus utilisés et connu au Brésil et dans le monde est le Glifosato, appelé "mata mato" [tue-herbe]. Comme il élimine pratiquement toutes les mauvaises herbes, en plus d’être employé en zone rurales, il y a des municipalités qui en font usage dans des zones urbaines, effectuant ce que certaines personnes appellent le "désherbage chimique". Quels problèmes pour l’environnement l’utilisation indiscriminée de cette substance peut-elle causer, à la campagne et en ville ?

Fran Paula - "Mata mato" est l’un des noms commerciaux de l’herbicide Glifosato. Il possède une action systémique, c’est-à-dire qu’en étant appliqué sur les feuilles des plantes il est introduit jusque dans les racines et il est non-sélectif. Il tue tous les types de plantes, à part les transgéniques qui présentent des résistances à son principe actif. Parmi les risques pour l’environnement figurent la contamination de la nappe phréatique et du sol, avec la mort de micro-organismes et la perte de fertilité qui en découle. Et pour ce qui est du désherbage chimique, une note technique de l’ANVISA de 2010 recommande l’interdiction de cette pratique en milieu urbain à cause de l’exposition de la population au risque d’intoxication, en plus de la contamination de la faune et de la flore locales.

IHU On-Line - Et pour la santé de quelqu’un exposé au Glifosato ?

Fran Paula - Il existe des études toxicologiques sur le Glifosato dans de nombreux pays et toutes sont unanimes : les résultats démontrent des effets toxiques sur la santé. Ces études révèlent que la toxicité du Glifosato provoque les effets suivants : toxicité subaiguë (lésions des glandes salivaires), toxicité chronique (inflammation gastrique), dommages génétiques (dans les cellules sanguines humaines), problèmes reproductifs (diminution du nombre de spermatozoïdes et augmentation de la fréquence des anomalies spermatiques) et carcinogènes (augmentation de la fréquence des tumeurs hépatiques et du cancer de la thyroïde). Les symptômes d’intoxication incluent des irritations de la peau et des yeux, des nausées et des vertiges, un œdème pulmonaire, une chute de la tension artérielle, des allergies, des douleurs abdominales, la perte de liquide gastro-intestinal, des vomissements, des évanouissements, la destruction des globules rouges dans le sang et des lésions du système rénal. L’herbicide peut aussi rester présent dans des aliments sur une période allant jusqu’à deux ans après le contact avec le produit. Il peut être présent dans les sols pendant plus de trois ans, en fonction du type de sol et du climat. Malgré sa classification toxicologique au Brésil, le produit est considéré comme un biocide. À tel point qu’il a déjà été interdit dans des pays comme la Norvège, la Suède et le Danemark.

IHU On-Line - Quel est le rôle d’autres organes, comme le Ministère Public, dans les discussions et le combat contre l’utilisation indiscriminée de produits phytosanitaires ?

Fran Paula - L’action du Ministère Public est fondamentale face au contexte et au scénario où se trouve le Brésil : inefficacité de l’application de la loi et abandon des organes de surveillance et de contrôle. Le Ministère Public du Travail a lancé en 2009 le Forum National de Lutte contre les Effets des Produits Phytosanitaires. Créé pour fonctionner comme un instrument de contrôle par la société civile, le Forum National peut compter sur la participation d’organisations gouvernementales et non gouvernementales, de syndicats, d’universités et des mouvements sociaux, en plus du Ministère Public. Au-delà du Forum National, des forums ont été créés dans chaque État afin de combattre les impacts des produits phytosanitaires avec le même objectif. La Campagne participe au Forum National et à ceux des États, avec pour objectif de recueillir des éléments et d’offrir une base au Ministère Public pour des actions qui visent à la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires et à la promotion de l’écologie.

IHU On-Line - La Campagne Permanente contre les Produits Phytosanitaires et pour la Vie a déjà fait remarquer que 2015 serait une année de développement d’autres politiques nationales pour l’écologie et la production biologique. Quelles sont donc ces politiques ?

Fran Paula - En août 2012, la présidente Dilma Rousseff a institué la Politique Nationale pour l’Écologie et de la Production Biologique - PNAPO, par le Décret n° 7.794 du 20/08/2012, résultat d’intenses dialogues et de revendications des mouvements sociaux. À partir de là, le gouvernement et la société civile se sont penchés sur la construction d’un Plan National pour l’Écologie et la Production Biologique - PLANAPO.

Dans le domaine de la production, le Plan propose des mécanismes permettant de répondre à la demande de technologies environnementales appropriées, compatibles avec les différents systèmes de cultures et avec les dimensions économiques, sociales, politiques et éthiques dans le domaine du développement agricole et rural. En même temps, il propose des alternatives afin de chercher à assurer de meilleures conditions de santé et de qualité de vie pour la population rurale. C’est ainsi qu’a été créé, dans le contexte du PNAPO, le Programme National de Réduction de l’Utilisation des Produits Phytosanitaires - PRONARA. Il est élaboré selon un partenariat entre la Campagne et divers ministères et organes subordonnés, en plus d’autres mouvements sociaux. Le PRONARA comporte 35 initiatives qui, menées à bien, permettraient d’améliorer drastiquement les conditions de santé du peuple brésilien en ce qui concerne les produits phytosanitaires. La logique du PRONARA est de se développer comme une base pour des initiatives structurées de façon articulée, en recouvrant six dimensions : enregistrement ; contrôle ; surveillance et responsabilisation de la chaîne de production ; mesures économiques et financières ; développement d’alternatives ; information, participation et contrôle par la société civile ; et formation et développement des capacités.

L’échéance est de trois ans pour l’exécution de cette première édition du Plan National d’Écologie, ce qui relie ses initiatives aux actions budgétaires déjà adoptées dans le Plan Pluriannuel de 2012 à 2015. Il s’agit donc d’un engagement important visant à mener l’écologie, ses principes et pratiques, non seulement à l’intérieur des unités de production mais aussi au sein des institutions mêmes de l’État, en exerçant une influence sur le rythme de la production et de la recherche ainsi que sur les organes de politiques publiques les plus variés. En résumé, il s’agit d’une avancée importante de la société brésilienne pour la construction d’un modèle de développement durable.

IHU On-Line - Qu’est-ce qui orientera le plus la lutte du mouvement en 2015 ?

Fran Paula - Nous avons déjà estimé que 2015 serait une année de grands défis et de luttes immenses, à commencer par ce mauvais augure de la nomination de Kátia Abreu au Ministère de l’Agriculture. Elle a été jusqu’à présent une représentante active du groupe ruraliste au Congrès et défend les intérêts de l’agrobusiness brésilien. Nous souhaitons également garantir une mobilisation sociale coordonnée et opposée aux initiatives de la Commission Technique Nationale de Biosécurité - CTNBIO pour libéraliser davantage de variétés transgéniques.

Aujourd’hui, la Campagne compte plus de 100 organisations et mouvements sociaux qui agissent d’un bout à l’autre du pays. L’objectif pour 2015 est d’amplifier et de renforcer notre dialogue avec la société, en alertant sur les risques que les produits phytosanitaires représentent, en renforçant la nécessité et l’urgence de la mise en application de politiques publiques de promotion de l’écologie, de solutions pour la production d’aliments sains pour tous les Brésiliens.

Nous avons aussi notre programme de lutte où sont planifiées des actions massives de la Campagne : 7 avril - Journée Mondiale de la Santé et anniversaire des quatre ans de la Campagne ; 16 octobre - Journée Mondiale de l’Alimentation Saine ; et 3 décembre - Journée Mondiale de Lutte contre les Produits Phytosanitaires. 2015 sera une année de Conférences Nationales, par exemple la Conférence Nationale de la Santé et la Conférence Nationale de la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle. Il s’agit là d’espaces où nous rappellerons la nécessité du contrôle par la société et l’importance de la mise en application des politiques publiques de promotion de l’agro-écologie et de la non-utilisation des produits phytosanitaires.

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