Le PT en transformation

 | Par Paul Singer

<img671|left> Lors des trois derniers jours d’avril, la 13e rencontre nationale du Parti des travailleurs (PT) a réuni plus de mille délégués. Cette réunion doit poser une borne dans l’histoire récente du parti, tout comme l’a été le Processus d’élections directes (PED), qui a remplacé les directions municipales, d’états et nationale en septembre 2005.

La crise des Commissions d’enquêtes parlementaires, les CPIs, a pris de surprise la quasi totalité des pétistes [militants du PT], mettant en évidence le fait que de grandes quantités d’argent occulte avaient été distribuées à des parlementaires, du parti même et de ses alliés. Tristesse, honte, révolte et effondrement avaient été les réactions de beaucoup de membres du parti devant ces révélations, certains abandonnant le PT. Parmi ces derniers, il y avait des leaders, des parlementaires et des personnalités historiques, très respectés et admirés. Mais la plupart des pétistes ont décidé de rester et de tout faire pour que le PT retrouve sa vocation socialiste.

Dix listes se sont confrontées dans le PED, qui a mobilisé quelques 300 mille militants. Les résultats indiquent qu’au moins la moitié d’entre eux reconnaissent qu’il y a eu une dégénération dans la conduite du parti et qu’ils doivent en examiner les causes, pour corriger son cours. Cette question fut l’objet d’intenses débats au sein de la nouvelle direction nationale, débats qui ont profondément marqué le choix des délégués à la 13e rencontre. Pour la préparer, les documents à soumettre à la réunion ont été discutés par les représentants de tous les courant présents au PED. Il devenait alors possible d’arriver à un consensus sur les points cruciaux, y compris sur le nécessaire réexamen de la manière utilisée pour disputer et exercer le pouvoir - malgré l’intérêt évident de l’opposition à exploiter la crise du PT pour blesser à mort le parti et ses candidats aux prochaines élections.

On en vient ici à l’un des points cruciaux de la crise. Dans les années 1980, le PT avait élu peu de candidats, suite à des campagnes aux maigres ressources, mais qui comptaient sur l’élan bien connu d’un militantisme toujours plus engagé. La croissance de l’électorat pétiste, s’accélérant à partir de 1988, a apporté au parti d’autres sources de moyens : d’abord le Fond partisan, puis les contributions d’entreprises. Ce dernier changement a permis la professionalisation et le bureaucratisme des directions du parti, puisque celles-ci dépendaient toujours moins du militantisme de base.

La crise actuelle a mis en évidence le fait que la bureaucratisation de la vie du parti en est devenue la composante cruciale. Est alors apparue l’idée de ‘refonder le PT’, de le ramener à son passé héroïque, austère et éthique. Mais il n’est pas possible d’oublier que ce passé a été le point de départ d’une évolution (presque sans résistance) qui a conduit le parti au vice dans des campagnes électorales au coût élevé et à un laisser aller à des manœuvres financières inconfessables. En d’autres termes, il ne suffit pas de vouloir revenir à un moment où la pénurie d’argent était d’ailleurs moins une option qu’un produit des circonstances.

Le grand défi auquel le PT est maintenant confronté revient à trouver une nouvelle voie, où l’option pour l’éthique et le refus de l’argent en abondance puissent être combinés avec la lutte, sur un pied d’égalité, avec les autres partis, dans les élections à tous les niveaux. Principal représentant des classes travailleuses, le PT n’a pas le droit de renoncer à la lutte pour le pouvoir contre ceux qui représentent la classe dominante. Il doit politiser les élections pour mobiliser l’élan militant. C’est même la crise qui conduit un grand nombre de sympathisants à prendre leur carte, convaincus qu’ils sont de ce que leur présence contribuera au changement du parti. La nouvelle direction du PT a lancé lors de la 13e rencontre une campagne d’affiliation, montrant ainsi sa décision de revaloriser la participation des bases dans la vie du parti.

Dans le même sens, une proposition de reprise de l’organisation des militants en noyaux a été favorablement reçue, autant pour assurer une juste représentation au prochain congrès du PT, convoqué pour 2007, que pour se doter de l’instrument adéquat pour la campagne électorale de cette année. D’ailleurs, lors de cette 13e rencontre, une résolution a été adoptée, avec l’appui de tous les courants, selon laquelle le parti assume la nécessité de se transformer : « La 13e rencontre considère qu’à l’intérieur du PT le processus de discussion relatif aux origines de la crise traversée en 2005 et à l’énoncé des responsabilités n’a toujours pas été épuisé. [...] Elle considère que ce processus d’évaluation revêt une dimension individuelle et critique ; mais le parti est d’abord intéressé, principalement, par la dimension collective et autocritique, parce que nous sommes devant un phénomène de causes et de solutions systémiques ».

Tout ceci permet de présumer que le PT s’est engagé sur la voie de sa transformation. Ce chemin sera long, car il exige une compréhension claire des changements ardemment voulus et des moyens pour y parvenir. Parmi tous les partis politiques atteints par la crise, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, le PT est, jusqu’à présent, le seul qui en tire des enseignements pour reprendre l’action.

Par Paul Singer - Folha de São Paulo - 15.05.06

Traduction : Etienne Henry pour Autres Brésils


Paul Singer, âgé de 74 ans, économiste latino-américain réputé, professeur de la Faculté de d’Economie et d’Administration de l’Université de São Paulo (FEA/USP), est secrétaire national de l’Economie Solidaire au Ministère du Travail et de l’Emploi. D’origine autrichienne, il fut l’un des fondateurs, sous la dictature militaire, du Cebrap, cercle d’analyse marxiste où se retrouvait, notamment, Fernando-Henrique Cardoso, l’ex-président de la République.

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