Ils tuent les chevaux, n’est-ce pas ?

 | Par Antônio Torres

<img385|left> Le fait n’est pas nouveau, mais il se reproduit et peut se répéter à n’importe quel moment. C’est arrivé le 25 Octobre dernier et cela n’a pas eu de grandes répercussions.

C’est seulement maintenant que mon cousin José Marcelo Torres Batista, habitant à Brasília, a diffusé cette histoire si triste qui a attiré mon attention : un travailleur mort exténué par l’excès de travail, après avoir coupé 25 tonnes de canne à sucre dans un champs près de Piaracicaba, dans l’intérieur de São Paulo. Né dans le Minas Gerais, il s’appelait José Mário Alves Gomes, alias « Timba » à la maison, entre amis et pour les intimes. Il avait 47 ans. Secouru par un bus et amené à l’Usine Sainte Hélène, du Groupe Cosan, pour qui le fermier travaillait, il ne résista pas.

Le constat selon lequel cette mort est due à l’éreintement « en conséquence du paiement par productivité », provient du procureur Aparicio Querino Salomão, du Ministère du Travail. Le plus grave : c’est la onzième fois que cela arrive dans les mêmes conditions depuis l’année précédente, conformément à la dénonciation de la Pastorale du Migrant de Guariba. Dans la grande majorité des cas, le diagnostic est l’arrêt cardio-respiratoire. Les travailleurs ruraux, eux, n’ont aucun doute : c’est ce qu’ils appellent la "birola", les symptômes qui amènent la mort par excès de travail.

Reste à savoir quelles mesures les autorités compétentes prendront afin d’éviter que de nouveaux coupeurs de canne à sucre se tuent au travail, en fonction des moyens de production et des buts qu’ils s’imposent, extrapolant les limites de leurs propres forces. La cueillette est saisonnière. Il est urgent d’en profiter pour gagner le maximum qu’ils pourront, même s’il faut s’abîmer le mains sur le manche de la faux ou perdre la vie. Question : ce système de paiement par productivité ne serait-il pas une espèce d’échafaud ?

En pleine villégiature du Parti des Travailleurs, de telles morts commencent à apparaître plus cruelles qu’au temps de l’esclavagisme, quand il n’y avait pas de lois du travail, de syndicats, ni la Plateforme Brésilienne DHESC (Droits Humains, Economiques, Sociaux et Culturels), ni les pastorales - et que le sacrifice d’esclaves, à la campagne, à la ville, sous un arbre et sur une colline, était une norme institutionnalisée.

Il est aussi cruel de savoir que ces évènements ont pour cadre l’état de capitalisme le plus avancé de la fédération. C’est l’état de São Paulo qui a généré les conditions pour l’avènement de la plus grande organisation de travailleurs de notre histoire. Ce qui arrive au sein de ces fermes rappelle désormais, pour différentes raisons et dénouements similaires, les prémisses de la colonisation du pays.
En 1549, un indien appelé Kairuçu, chef du village de Uruçumirim, dans l’état de Rio de Janeiro, capturé et mis en esclavage par Brás Cubas, le fondateur de Santos, finit par mourir exténué dans un des engenhos
de ce maître.

[Au temps de l’esclavage, l’ensemble formé par le moulin à sucre, la maison de maître, la chapelle, les cases des esclaves, les champs de canne à sucre et le reste de la grande propriété, s’appelle engenho.]

Ce fut la goutte d’eau vers une révolte sans précédent dans cette capitainerie.

[Au début de la colonisation du Brésil, initiée en 1530 par le Portugal, les "capitaineries héréditaires" consistaient à répartir le territoire en portions de terre et à nommer "donataires" les responsables du développement et de la défense de ces terres pour le compte du royaume du Portugal.]

Aimberê, fils de Kairuçu, dirigea la fuite collective des travailleurs sylvicoles en captivité qui mirent le feu aux champs de canne à sucre de l’esclavagiste. Cette étincelle se transforma en flamme avec la création de la Confédération des Tamoios, l’organisation des natifs qui fit trembler la terre, de Saint-Vincent à Cabo Frio.

De souvenir en souvenir, nous arrivons à George Orwell : « Celui qui a le contrôle du passé, a celui de l’avenir. Celui qui a le contrôle du présent, a celui du passé. »

La triste fin du travailleur José Mário a donné lieu à une protestation. Un long poème - Le Monde Couvert de Canne à Sucre, d’Alexandre Pilati. Un extrait :

« 25 tonnes de cannes

pèsent plus de 500 ans.

25 tonnes de cannes

pèsent 8 000 kilomètres.

25 tonnes de cannes

sont longues comme le mensonge.

25 tonnes de cannes

signifient combien d’hommes, José ? »


Par Antônio Torres - automne 2005

Traduction : Caroline Don pour Autres Brésils

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