L’incendie qui a ravagé le Musée National de Rio n’est pas qu’un accident.
Un incendie a complètement détruit le Musée National de Rio dans la nuit du 2 septembre. Le feu a rapidement consumé presque l’intégralité des 20 millions de pièces qui composaient sa collection. Fondé en 1818 par le roi portugais Jean VI, qui en fait son palais royal, le musée accueillait la plus grande collection de l’histoire naturelle et anthropologique d’Amérique Latine. Le dernier président à avoir visité le Musée est Juscelino Kubitschek (1955-1960). En 2018, aucun occupant des fonctions exécutives n’a assisté à la fête de commémoration de son bicentenaire.
Le musée était lié à l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), institution victime des successives coupes budgétaires découlant de la politique d’austérité du gouvernement en place. Le budget annuel du Musée n’était que d’environ 500 mille réaux ; c’est-à-dire, d’environ 100 mille euros. Cette catastrophe annoncée fait partie du projet même de l’État, qui démantèle le Ministère de la Culture ainsi que le Ministère de la Science et de la Technologie et qui a imposé par un amendement à la Constitution le gel des investissements publics dans l’éducation. Et ne peut être ignorée la montée en puissance des forces politiques ultra-néolibérales et fondamentalistes foncièrement opposées la recherche et de valorisation des cultures du pays.
L’abandon des archives et des institutions de mémoire par les pouvoirs publics brésiliens n’est pas nouveau. Le Musée national, en particulier, est menacé depuis des années. D’autres incendies se cumulent dans l’histoire de la préservation du patrimoine national, mais aucun n’a jamais été aussi destructeur que celui-là. Même après des décennies de négligence, ce n’est pas par hasard si cette tragédie survient aujourd’hui : c’est une triste allégorie du pays actuel - et de celui à venir.
L’abandon criminel du musée par les pouvoirs publics, le laissant exposé et démunie face à un incendie, représente l’engagement du pouvoir en place pour l’effacement d’une mémoire et d’une histoire ainsi que la tentative de suppression de toute pensée critique possible sur le passé et l’avenir.
Patrimoine perdu
Les collections contenaient notamment : le fossile de Luzia, la plus ancienne homo sapiens découverte en Amérique ; des momies égyptiennes ; divers objets de la Grèce Antique ; des fossiles de dinosaures trouvés dans le Minas Gerais (conservés 110 millions d’années avant l’incendie) ; une importante collection d’objets naturels (coquilles, papillons, insectes, etc.) ; plusieurs tableaux historiques ; une quantité non négligeable d’archives amérindiennes - dont certains documents de peuples déjà disparus ; une météorite découverte en 1784 à Bahia ; et des documents essentiels pour la mémoire de la colonisation et de l’esclavage - entre autres, le stylo qui a servi à signer la Loi Áurea ayant mis fin à l’esclavage.