A Curitiba (Brésil) « être conseiller municipal noir et de gauche c’est une résistance quotidienne ». Interview avec Renato Freitas

 | Par Gil Luiz Mendes, Ponte Jornalismo

Un conseiller municipal de Curitiba (PR) fait l’objet d’une procédure de cassation de mandat pour manque de respect suite à une manifestation à l’intérieur d’une église

« De quel côté serait Jésus ? », demande-t-il.

Renato Freitas (PT), originaire de Curitiba (PR), a l’habitude d’être une présence gênante dans des espaces qui, jusqu’à récemment, ne lui étaient pas réservés. Que ce soit à l’université fédérale du Paraná, où il a obtenu deux licences et un master, ou au Conseil municipal de Curitiba, où il effectue son premier mandat, après avoir participé à trois élections.

Traduction : Roger Guilloux pour Autres Brésils
Relecture : Felipe Kaiser Fernandes

Récemment, des images du conseiller municipal de 38 ans dirigeant une manifestation à l’intérieur d’une église pour demander que les Noirs cessent de mourir de la violence dans le pays, a viralisé sur les réseaux sociaux. Pour cette action, Renato Freitas fait l’objet d’un procès de cassation qui, s’il a effectivement lieu, sera la première fois qu’un membre du Conseil municipal de Curitiba perdra son mandat, alors même que l’archevêché de Curitiba a publié une lettre s’élevant contre ce procès.

Pour quelqu’un qui a connu son père alors qu’il était encore en prison, qui a perdu un frère de manière violente et qui a été la cible d’au moins 15 abordages musclés de la part de la police, dont une partie alors qu’il était déjà conseiller, c’est de nouveau un moment difficile dans la vie de celui qui est entré en politique par le rap. Même s’il se sent abandonné par ceux sur qui il devrait pouvoir compter, Renato trouve en sa fille nouveau-née, la force d’affronter ce moment difficile.

Ponte - Comment est né votre intérêt pour la politique ?

Renato Freitas - J’ai toujours été connecté, tu comprends ? Mais sans savoir que c’était de la politique, sans savoir ce qu’était un parti. Je ne savais rien. Mais le rap est une boussole pour moi depuis que je suis enfant. Je suis né en 1983. Je parle de l’époque où j’avais environ huit, neuf, dix ans. La musique a construit l’identité d’un enfant noir originaire d’un État du sud du Brésil. J’ai vécu à Piraquara (Paraná), une banlieue très violente et excluante [de Curitiba], qui est le plus grand héritage d’un complexe pénitentiaire. Mon père y était emprisonné et je vivais avec ma mère.

Ponte – Quelle relation aviez-vous avec votre père quand il était en prison ?

Renato Freitas - Il est mort dès qu’il est sorti de prison, après environ 15 ans de détention. Je n’avais pas beaucoup de contacts avec lui. Je lui ai rendu très peu de visites pendant cette période. Je n’ai donc pas eu de deuil, mais ce que j’ai eu, c’est une réaction très forte. Cela a été un moment de recherche. Ma mère travaillait pour une famille. Et alors, les questions politiques les plus importantes de la vie m’ont été apportées par le rap. Les questions concernant la négritude, l’auto-estime, la valorisation du questionnement, l’extrême pauvreté et la violence policière. Tout cela je l’avais déjà vu à cette époque par le biais de chansons telles que « Mano na Porta do Bar » et « Fim de Semana no Parque »[des Racionais].

Ponte - Quand la politique institutionnelle est-elle entrée dans ta vie ?

Renato Freitas - Je n’y suis entré que beaucoup plus tard, en 2004, lorsque je suis entré à l’Université fédérale du Paraná et que j’ai rejoint le PT. C’était mon premier contact avec la politique institutionnelle et je m’y suis jeté corps et âme en tant que militant.

Ponte - Comment s’est déroulée ton entrée à l’université ?

Renato Freitas - C’était vraiment un choix de fou que de vouloir aller à l’université. Mais un vrai choix. J’ai arrêté l’école très tôt, quand j’avais 14 ans. J’avais trois ans de retard, j’ai redoublé la cinquième et la sixième année. J’ai fini par devenir ce mineur délinquant typique du cycle d’un garçon noir de la périphérie, sans perspectives. Je suis allé en ville pour voler des snacks, des casquettes, du chocolat. Mais j’ai commencé à voir les enfants tomber, aller en prison. Certains quand ils ont eu 18 ans ont commencé à se faire arrêter. Je me suis alors demandé si cela allait être ma vie. Ensuite, je suis retourné étudier et travailler. J’ai été magasinier, employé dans un glacier, vendeur dans un magasin de vêtements. J’ai toujours essayé quelque chose mais je n’étais jamais satisfait. C’était des sous-emplois, toujours humiliants. Toujours. J’étais toujours marqué par les préjugés. Beaucoup de préjugés raciaux.

À Curitiba, vous travaillez et la personne vient vous dire que vous puez, que vous devez utiliser plus de déodorant. J’ai entendu des choses qui ne sont pas agréables. Après avoir fait des études secondaires normales, j’ai suivi un cours de préparation à l’entrée à l’université et j’ai été victime de beaucoup de discrimination. Quand je sortais pour la pause, le propriétaire et le portier de l’institution scolaire m’attrapaient par les bras, là, au milieu de tout le monde, m’obligeant à sortir sous prétexte que tout le monde disait qu’il y avait des gens qui volaient. J’y suis allé pour dire que j’avais une carte d’inscription au cours, que j’étais inscrit. Ils pensaient que je n’étais pas un étudiant. J’ai abandonné le cours et suis allé étudier tout seul. C’était en avril 2003, à la fin de l’année, j’ai été accepté en sciences sociales à l’Université fédérale du Paraná (UFPR).

Ponte - Et comment s’est passé votre expérience universitaire ?

Renato Freitas - J’ai passé un peu plus d’un an à l’université et j’ai dû abandonner parce que je devais travailler. Mais là, au sein du mouvement étudiant, je n’ai jamais été véritablement accepté. A vrai dire, le mouvement étudiant ressemblait davantage à une colonie allemande. Je fais partie de la dernière génération qui est entrée à l’université avant la politique des quotas. Il n’y avait que des descendants d’Allemands de la classe moyenne, à l’université. Cette bande-là pensait que ce que nous, les noirs, avions à dire était évident et donc que cela ne méritait pas d’être entendu. Et nous étions censés n’être que des objets d’étude ; nous ne pouvions pas devenir des chercheurs ou des producteurs de connaissances. Et le mouvement étudiant lui-même, dans sa forme politique, reproduisait cette vision. J’étais toujours en train de distribuer des tracts, de faire des affiches, j’étais en première ligne des manifestations, mais je n’ai jamais été invité à devenir secrétaire, président, contrôleur, ou occuper un poste de responsabilité. Je n’avais jamais vécu ça. Je n’ai jamais été candidats à des élections. Cet espace ne m’a jamais été ouvert. C’était pour moi, un environnement hostile, à tel point que, au cours des premières semaines, le responsable de la sécurité de l’université m’a attrapé par le sac à dos et a fait la même chose que les responsables du cours pré-universitaire.

Ponte - En termes d’apprentissage, comment s’est passé la rencontre d’un gars de la périphérie, fan de rap, avec les grands penseurs des sciences sociales ?

Renato Freitas – J’étais fasciné par le fait d’avoir été accepté en sciences sociales. Et je me suis rendu compte que le rap de Racionais, Sistema Negro, GOG, avait à voir avec la pensée de grands penseurs universels, qui abordaient aussi les mêmes sujets mais d’une manière différente, et que ces connaissances se complétaient. J’étudiais et j’ai vu que ces auteurs disaient aussi que la société n’est pas harmonieuse, qu’il n’y a pas de démocratie, ni raciale ni sociale. En effet, la société était divisée racialement et économiquement entre les pauvres et les miséreux, les Noirs d’un côté et les riches et les Européens ou descendants d’Européens de l’autre. Et c’est cela qui, je crois, m’a libéré, c’est-à-dire qui a enlevé un poids de mes épaules. En fait, en ce qui me concerne, ce ne fut pas aussi difficile que ça. La méritocratie nous dit : si vous êtes millionnaire, c’est parce que vous êtes intelligent, créatif, travailleur et que vous méritez ces millions. Si vous êtes malheureux, c’est que vous n’êtes pas intelligent, vous n’êtes pas créatif, vous n’êtes pas travailleur. J’ai vu dans le marxisme que la rage colonialiste est ce qui explique le processus de colonisation et d’affirmation d’une race et le capitalisme comme forme de colonialisme, car le capitalisme est une invention européenne. J’ai commencé à partager ces réflexions politiques avec les gens des quartiers d’où je venais, l’idée était de les amener à récupérer l’auto-estime et d’entendre dire que notre lutte, n’était pas seulement une lutte dans la périphérie, qu’elle finissait par être une révolte antisystème. Le crime parvient très bien à le dire et l’Église aussi, d’une certaine manière, mais il n’y avait pas d’organisation politique, autre que l’Église ou le crime, pour accueillir ces revendications, les organiser et mobiliser les gens.

Ponte - Pourquoi as-tu abandonné les sciences sociales pour étudier le droit ?

Renato Freitas - Lorsque j’ai quitté le cours de sciences sociales, je suis allé travailler, mais j’ai toujours essayé de retourner à l’université et cela s’est produit en 2008, à l’époque des régimes des quotas raciaux. J’ai passé la maîtrise en droit, à l’UFPR également. Lorsque j’ai passé l’examen en 2007 pour entrer à l’université l’année suivante, la chose la plus triste de ma vie s’est produite. J’avais 24 ans lorsque mon frère aîné a été abattu d’une balle dans la tête par un voyou sans scrupules, qui est venu par derrière, pour lui tirer une balle dans la nuque. Mon père est mort à l’âge de 30 ans. Aujourd’hui, à 38 ans, j’ai vécu plus longtemps que mon père et mon frère. Cela s’est passé en avril et l’examen d’entrée à l’université était en novembre. J’avais un problème avec l’alcool et la violence. En fait, la violence a toujours été proche de moi, dans mon enfance, dans ma famille. J’ai commencé à étudier pour avoir une tête qui me permette de mieux vivre. Au cours de droit, je me suis lancé dans la criminologie, dans les processus de criminalisation, dans la question de savoir pourquoi il y a autant de prisons au Brésil, pourquoi le profil du prisonnier est toujours le même. J’ai obtenu mon diplôme, je suis devenu avocat, j’ai réussi le concours de la Defensoria Pública [1] de l’État du Paraná pour devenir conseiller juridique. Puis j’ai donné ma démission pour devenir avocat des gens des quartiers populaire et pour faire une maîtrise.

Ponte - Comment es-tu entré en politique ?

Renato Freitas - Dès septembre 2004, je faisais partie du mouvement social. Principalement du mouvement noir et du mouvement pour le droit au logement. Et alors j’ai rejoint le PT à l’université, puis deux ans plus tard, j’ai rejoint le PSOL, à l’époque où plusieurs personnes du PT ont effectué ce même parcours.

Ponte - Pourquoi as-tu décidé de te présenter aux élections ?

Reanto Freitas - J’ai passé dix ans au PSOL, de 2006 à 2016. Et la vérité est qu’ils ne m’ont pas davantage pris au sérieux que les personnes du mouvement étudiant. Ils ne m’ont jamais invité à devenir leader ou à tout autre poste au sein du parti alors qu’ils connaissaient mon travail à la Defensoria, ma défense des gens de la périphérie, en droit pénal. Beaucoup de gens qui passaient dans la rue, notamment dans les favelas, me saluaient pour avoir libéré tant de gens, avoir participé à leur lutte pour le logement, pour le respect des droits des hommes et des femmes noirs. Ils ont vu que je disposais d’un appui sérieux et ont dit que j’obtiendrais au moins 300 à 500 voix. Ils ont utilisé la stratégie consistant à appeler 20 personnes qui obtiendraient entre 300 et 500 votes. Avec cela, Bernardo Piloto a dit qu’il obtiendrait environ mille voix et qu’avec les autres voix de ce groupe, il serait élu cette année-là (2016) [2]. J’ai accepté, je faisais campagne à titre gracieux pour les autres. Pendant les 15 premiers jours de la campagne, les gars ne nous ont même pas donné de dépliants. Aucun soutien. Ils voulaient étouffer notre campagne. On n’avait pas de tracts, on n’avait rien. J’ai vu qu’en fait, ils voulaient que je sois un candidat laranja [3]. Mais en fait, j’ai obtenu 3 500 voix, le nombre de voix le plus élevé de cette élection pour le PSOL. J’ai failli être élu, j’étais très proche, et jusqu’à aujourd’hui, le PSOL n’a jamais obtenu plus de 3 500 voix dans une élection de conseiller municipal dans tout le Paraná. Peu après, je suis retourné au PT parce que le PSOL ne valorisait pas ma démarche. Au PT, je me suis présenté pour être député d’État en 2018. Une très belle campagne, j’ai eu 15 600 votes. Puis vint 2020, où j’ai fini par être élu comme conseiller municipal.

Ponte - Parmi les nombreux défis qu’un homme de la périphérie doit relever lorsqu’il arrive dans un endroit comme le Conseil municipal de Curitiba, il y a, en ce qui vous concerne, un processus de cassation pour une manifestation à l’intérieur d’une église. Pouvez-vous expliquer ce qui s’est passé ?

Renato Freitas - Il y a un principe chrétien qui dit que tout le monde doit être pardonné. Mais pour être pardonné, il faut d’abord admettre son erreur. Et deuxièmement, si vous l’admettez, vous devez mettre en pratique votre changement d’attitude. Jésus a dit que la foi sans les œuvres est lettre morte. Alors si vous avez admis vouloir changer le monde, changer de chemin, changer votre pratique, comme Dieu vous le demande vraiment, alors prenez les mesures pour que cela change et que ces fautes ne se répètent pas. La grande erreur de l’Église au Brésil a été de dire que les Noirs et les Indiens n’avaient pas d’âme et pouvaient donc être massacrés, exterminés, réduits en esclavage. Et ce, pendant très longtemps. L’Église n’a pas assumé sa faute. Elle n’a pas assumé sa responsabilité dans la grande tragédie humanitaire qui a détruit et entaché l’histoire de notre pays depuis le début. L’Église a toujours appuyé l’autre partie. Elle a justifié l’action du colonisateur, et celui-ci s’est senti le droit de tuer des gens, parce qu’il pouvait tuer des gens tout en étant considéré comme un homme de bien, un bon chrétien. Pour parler d’une période plus récente, la dictature militaire, par exemple, elle a un lien très étroit avec l’Église. L’Église a officiellement soutenu la dictature militaire de 1964 au Brésil. Il y a donc un très gros problème de l’Église vis-à-vis des Noirs et des Indiens. L’impérialisme s’est approprié le christianisme, en faisant la religion officielle et donc garante de la manière dont la justice était appliquée. C’est complètement absurde. Ce n’est que génocide, extermination et guerre. Le christianisme était une béquille qui a permis de justifier les actes de barbarie commis par l’Europe. L’église du Rosário dos Pretos, au Largo da Ordem, centre historique de Curitiba, a été construite en 1737 par la population noire qui ne pouvait fréquenter aucune des autres églises qui appartenaient aux Blancs et qui donc a dû construire sa propre église. Qui plus est, l’église a été construite sur un cimetière d’hommes et de femmes noirs, morts pendant la période de l’esclavage. Il s’agissait là d’une tentative évidente d’effacer l’histoire, les tombes, les vies de ceux qui étaient enterrés là. Cette église, qui appartient aux noirs, est administrée par un prêtre d’origine allemande. Lors d’une manifestation pour la vie des noirs - voyez ça, quelle absurdité - à l’occasion de la mort de Moïse, de Durval et de tant d’autres frères et sœurs exterminés…. Cette église, l’église des Homens Pretos de São Benedito, appelée aussi église du Rosário do Divino Espírito Santo ou encore église de la Freguesia.

C’était cette église, le prêtre était là, la messe venait de terminer. Il est sorti, sans soutane, sans rien, sur le porche, pour dire que cette manifestation ne devait pas avoir lieu là, parce qu’elle ne faisait que déranger et qu’elle devait avoir lieu ailleurs, que ce n’était pas un endroit pour les manifestations. Vous rendez-vous compte de ce qu’il disait ! C’était d’une violence !

Ils me poursuivent également au Conseil municipal pour manque de respect. Je risquerais, j’oserais dire que le prêtre a agi avec un manque de respect vis-à-vis de ses frères. Toutes les églises devraient valoriser et exalter la vie, et notamment celle-ci, pas n’importe quelles vies mais surtout celle des Noirs. C’est pour cette raison, avec cette finalité que cette église a été construite et le prêtre n’en avait aucunement conscience et quand il l’a su, il n’a pas fait preuve de solidarité. Le mécontentement est général car les manifestants, plus de 200 personnes présentes, sont majoritairement des Noirs. Ils viennent de l’association des immigrés africains au Brésil, du mouvement des femmes noires du Paraná et du secteur antiraciste du PT. Notre vie n’est pas du tout valorisée dans cette église alors que c’est notre espace, l’Église des Noirs. Donc, rien de plus approprié que d’entrer dans cette église. C’est un moment sublime, c’est le lieu de parole des noirs à l’intérieur d’une église, l’église des noirs, construite par des noirs et payée par des noirs, sur un cimetière de noirs, parole clamant le droit à la vie des noirs que l’on est en train d’exterminer dans ce pays. Tu vois, ça a un impact énorme. Cela a une très grande valeur et d’autres manifestations de ce genre devront se produire.

C’était très beau. Et bien sûr, c’était une chose absolument nécessaire. Cette manifestation montre du doigt ceux qui sont confortablement installés au pouvoir et qui profitent de nos morts et de notre faible représentation politique et qui ne veulent pas, en fait, que nos voix soient entendues.

Ponte - Vous avez été sévèrement critiqué par des personnes de gauche. Comment avez-vous réagi aux commentaires de votre propre camp idéologique contre la manifestation que vous meniez ?

Renato Freitas - Il y a là deux formes d’hypocrisies. En fait, ils veulent nous dire quelle est la méthode correcte de manifester contre le racisme et l’extermination dont nous sommes victimes, nous, les noirs, dans ce pays. C’est complètement fou ! Parce qu’en réalité, qui est responsable de nos morts, qui exerce une telle pression sur la population, comme nous le disait Martin Luther King ? Ce qui nous effraie, ce ne sont pas les exactions des mauvaises personnes, ce qui nous effraie vraiment, en ces temps où nous vivons, c’est l’omission et le silence de ceux qui prétendent être de notre côté. Et ils savent que leur silence nous tue. C’est ce silence qu’ils manifestent par rapport aux pratiques du racisme. La balle tirée par un membre de la police municipale et qui m’a atteint dans la main tout comme les arrestations arbitraires dont j’ai été victime n’ont mérité qu’un silence indifférent. Donc, tout d’abord, il s’agit vraiment de racisme. « Ah, mais cet espace est sacré ! » Comment ne pouvez-vous pas voir le monde avec nos yeux, ne pas avoir un minimum d’empathie ! Imaginez que cette église ait appartenu à des Blancs, à des Italiens qui, pour une raison ou une autre, auraient subi un processus d’extermination dans ce pays et que, pour cette raison, ils auraient construit une église, la seule église qu’ils pourraient fréquenter et qu’il y aurait à l’intérieur, un prêtre noir, des fidèles noirs et, à l’extérieur, des Italiens manifestant pour la défense de la vie, et que le prêtre noir serait sorti pour dire que cette manifestation était déplacée, ne serait-ce pas une scène absurde ? Oui, bien sûr. Et tout le monde comprendrait la révolte des Italiens s’ils entraient dans l’église qui est la leur mais dans laquelle ils ne pourraient pas entrer.

Renato Freitas lors d’une manifestation à l’église Rosário, à Curitiba | Photo : Reproduction / Facebook

Donc, en premier lieu, le racisme, sans l’ombre d’un doute. La naturalisation de notre exclusion et la nécessité de contrôler nos actions politiques. Les Blancs veulent toujours avoir le dernier mot sur nos actions, sur ce qui est bien et ce qui est mal. Pour la bonne raison que, s’ils n’ont plus cette possibilité, ce pouvoir de juger, de légitimer et de dire ce qui est bien ou mal, ils vont également se trouver en danger, parce que lorsque nous pourrons dire ce qui est bien, ce qui est mal, ils seront aussi jugés. Beaucoup d’entre eux le seront pour le racisme au quotidien, pour l’extermination, l’exclusion, le racisme institutionnel. Le deuxième point que vous soulevez, celui des progressistes du PT, leur attitude peut provoquer la destruction. C’est une hypocrisie et c’est un argument bien décevant de la raison politique, le soi-disant pragmatisme, ce qu’ils appellent la realpolitik. La realpolitik, la politique pragmatique, qui fait de la politique de comptoir où l’on négocie pour gagner du pouvoir. On peut facilement sacrifier la vérité parce que celle-ci n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est le résultat de ces actions-là et de ce discours. Et ça, pour nous, c’est du formalisme. Le formalisme est venu relativiser la vérité et établir la post-vérité, qui est la vérité construite à partir des banques de données, d’ordinateurs, de réseaux sociaux, de masses manipulées. La vérité est ce que cette masse désinformée exprime. C’est ce que le formalisme a créé. Et c’est à partir de ce paradigme de vérité que ces personnes agissent. « Renato est allé faire une critique idéologique de ce discours et a mis l’église dans une situation inconfortable ». Je sais que les secteurs dominants de l’église conduisent ces gens à réagir avec beaucoup de violence et même de racisme. Il en a toujours été ainsi. Et des courants minoritaires de l’Église, où l’on retrouve le père Julio Lancelotti, le père David et tant d’autres prêtres, évêques, fidèles, frères, étaient de notre côté et pensaient que cette question était très importante, car elle ouvrait une discussion qualitative nécessaire au sein de l’Église. De quel côté serait Jésus ?

Ce fut un moment d’avancée du progressisme au sein de l’Église et je crois que cela devrait également venir de l’intérieur du Parti des travailleurs et de tout le camp progressiste, dans la mesure où il est urgent de faire face au problème de l’hypocrisie religieuse dans l’État brésilien. Vous voyez, 80 % des personnes évangéliques et catholiques ont déclaré qu’elles allaient voter pour Bolsonaro à la prochaine élection. C’est du fascisme. Il a été élu avec les votes, principalement de chrétiens qui se sont cachés derrière un vernis religieux et une réputation de personnes vertueuses pour élire le fascisme et réclamer la mort. « Un bon criminel est un criminel mort ». Ils ont revendiqué la mort. Qui est considéré comme bandit dans notre pays ? Les jeunes noirs, pauvres, ayant une éducation primaire incomplète, les résidents de la périphérie des grands centres urbains. C’est le portrait type du criminel brésilien. C’est l’ennemi que le Brésil s’est choisi pour mener sa guerre contre la drogue, quelque soient les politiques de sécurité publique mises en place. C’est contre ces personnes, contre nous, qu’une majorité d’évangéliques et de catholiques s’est levée pour nous montrer du doigt. Elle a jugé et demandé notre mort et elle a élu le fascisme. Bien évidemment, ceci doit être remis en question. Qu’en est-il des lâches au sein du Parti des travailleurs et également au sein de l’ensemble du camp progressiste ? Les lâches qui ne sont pas dignes du protagonisme historique du champ politique dans la lutte contre le fascisme ! Les lâches ont préféré me jeter au feu pour ne pas avoir à affronter ce problème, qui est peut-être aujourd’hui le problème central de la démocratie brésilienne. Un leurre, la tromperie, le charlatanisme religieux qui règne et qui dispose aujourd’hui de l’un des groupes parlementaires les plus importants au niveau fédéral, dans tous les Conseils municipaux du Brésil et principalement dans ceux de ce Brésil profond, ce Brésil de la misère, de l’ignorance, du manque d’éducation formelle, du manque de connaissances et de conscience politique.

Ponte - Outre le procès au Conseil municipal, subissez-vous des représailles au sein du PT ?

Renato Freitas – Il s’est produit quelque chose de très étonnant. Le parti et ses dirigeants, le président au niveau de l’État, Arilson Chiorato et le président municipal du parti Ângelo Vanhoni, se sont empressés de faire une déclaration disant : « Écoutez, Renato doit s’excuser auprès de l’Église. S’il a fait quelque chose de mal, le Parti des travailleurs n’a rien à voir avec cela ! ». Tout d’abord, c’était déjà un gros mensonge. Le parti a également appelé à la manifestation et la présidente du secteur de la lutte contre le racisme se trouvait à l’intérieur de l’église. D’autres personnes du parti étaient également là, y compris des blancs. Le dernier candidat, par exemple, au poste de maire pour le Parti des travailleurs, était là dans l’église. En d’autres termes, le parti a menti. C’était lâche et mensongé et il m’a mis dans une situation très embarrassante en disant qu’il n’avait rien à voir avec ce que j’avais fait. Mais voyez la belle attitude qu’a eu la base du parti, au niveau municipal, mais aussi de l’État, la base, les gens qui luttent, qui sont au plus près de la vie de tous les jours, les tantes et les oncles, les jeunes, ils se sont tous révoltés contre cette position du parti, ils n’ont pas accepté et cette révolte a été à l’origine d’un grand mouvement de la part de la base en faveur de notre mandat et a fait honte à la direction. Bien sûr, celle-ci ne s’est pas rétractée mais elle n’a plus fait de déclarations publiques et a été mal vue par la base du parti. Et pour cette seule raison, je prends le risque de le dire, il n’y a aucun dossier contre moi aujourd’hui au sein du parti alors qu’au Conseil municipal il existe quatre demandes de cassation.

Ce n’est pas la première fois qu’ils essaient de me démettre de mes fonctions. Déjà dans la première moitié de mon mandat, j’ai dit, au Conseil municipal, que les conseillers qui avaient fait venir des médecins malhonnêtes recommandant l’usage de l’azitromicine contre le Covid 19, étaient des charlatans et des voleurs. L’un de ces médecins s’est présenté et a dit qu’il n’avait aucun problème avec qui que ce soit dans l’entreprise pour laquelle il travaillait. « Personne n’a été intubé, personne n’a été écarté et de plus, personne n’est mort pour avoir pris de l’ivermectine. » C’est ce qu’a déclaré le médecin au conseil municipal, invité par la coalition politique évangéliste du pasteur Osias Morais (Républicainsvi), de l’Église universelle, et trois autres pasteurs. J’ai dit que c’était un mensonge et que ces gens étaient des crapules et qu’ils ne se souciaient pas de la vie des habitants de Curitiba mais uniquement de leur base et de leur lien de loyauté avec le président et qu’ils se sacrifiaient pour cela. Et ils y ont dit que j’avais manqué de respect, qu’il était inacceptable de les traiter de charlatans, d’escrocs et ils ont demandé la révocation de mon mandat. J’ai fait l’objet d’un procès et j’ai été absous, mais c’est maintenant le moment où je suis sur la sellette. Je continue à subir la pression de la part des mêmes pasteurs et du président du Conseil municipal parce que nous sommes l’opposition. J’ai même été leader de l’opposition, ça n’a pas été une opposition de façade, vous savez ? Et c’est à l’occasion de cette manifestation qu’ils ont essayé de casser mon mandat.

Ponte - Pensez-vous que vous allez perdre votre mandat ?

Renato Freitas - Je suis victime d’un processus de persécution qui va bien au-delà de cette demande de cassation, cette fois-ci venant du Conseil municipal, ce qui est grave. C’est une persécution sévère. Sur les 38 conseillers, 26 sont issus de la base loyale au maire. Ils ont des emplois, ils reçoivent de l’argent, des pots-de-vin et tout le reste. Et ils votent pour tout ce que le maire veut. Tout, absolument tout. Donc, étant donné que le procès en cassation est politique, je suis déjà considéré comme exclu, à l’intérieur du Conseil municipal et leur base électorale est déjà en train de faire la fête, parce qu’elle pense qu’il n’y aura pas de problème. Maintenant, ce que nous essayons de faire, c’est d’avoir une conversation avec l’Église pour voir si elle a une meilleure compréhension de ce que nous représentons. Et j’ai essayé, principalement parce que la position de l’Église est très difficile. Ses dirigeants subissent également la pression du maire Rafael Greca (União Brasilvii). L’évêque lui-même l’a dit. Ce qui se passe, c’est que nous avons besoin, en fait, de provoquer une mobilisation publique, de caractère national, pour contraindre la « République de Curitibaviii » à agir en accord avec les exigences légales de proportionnalité, de légalité et de raisonnabilité.

Tu sais pourquoi je dis ça ? Car l’histoire du Conseil municipal de Curitiba montre qu’en trois siècles, personne n’a jamais été démis de ses fonctions. Il y a quelques années, Fabiane Rosa (PSD) a été arrêtée à l’intérieur de l’hémicycle pour pratique de rétrocommissions, formation de gang et détournement de fonds, pour divers délits. Il y a six ou sept ans, [João Claudio] Derosso (PSDB), alors président du conseil municipal, a reconnu auprès du ministère public, lors d’un procès, qu’il avait détourné environ 8 millions de R$ destinés à la création d’une revue fantôme. La revue du Conseil municipal n’existait tout simplement pas et c’était lui et une dizaine de conseillers qui étaient impliqués dans ce système de corruption. Personne n’a demandé leur cassation. Il a démissionné mais les autres conseillers ont continué à assurer leurs fonctions. Je pourrais vous donner plusieurs autres exemples de personnes qui ont commis des crimes et qui n’ont pas été démises de leurs fonctions. Et donc, ce que je vois, c’est qu’il s’agit d’une persécution et que cette persécution doit être montrée à l’ensemble du pays. Etant donné comment vont les choses, il est bien possible qu’ils vont tenter de révoquer mon mandat.

Ponte - Qu’est-ce que cela fait d’être un parlementaire noir, venant de la périphérie, dans le Conseil municipal d’une des capitales les plus conservatrices du pays ?

Renato Freitas - 77% de l’électorat a voté pour Bolsonaro à Curitiba. Aécio Neves aurait été élu dès le premier tour à Curitiba. Curitiba est extrêmement conservatrice et c’est pourquoi elle a été le théâtre de cette grande tromperie qu’a été le Lava Jato de Dallagnol et Sérgio Moroix [tous deux désormais pré-candidats à la Chambre des députés] et de tant d’autres représentants du néo-fascisme se cachant sous la bannière libérale mais dont les valeurs et les pratiques sont fascistes. Deuxièmement, Curitiba est connue pour être un nid de cellules nazies au Brésil. Les réunions nationales de groupes nazis ont souvent lieu ici. Et si les médias en ont parlé, c’est parce qu’au cours de l’une de ces réunions dans la région métropolitaine de Curitiba, l’un des participants, lors de la lutte pour la présidence de l’une de ces cellules avait trouvé la mort. Aujourd’hui, Curitiba est également connue pour être la « capitale européenne ». C’est ainsi que Curitiba se vend au reste du Brésil. La « capitale européenne », la ville intelligente. C’est une ville qui se démarque du reste du pays. Pour quelles raisons ? Parce qu’ils revendiquent fortement cette idée d’identité européenne, d’être européen, d’être blanc. C’est un refus de reconnaître la réalité, c’est du racisme, de l’hygiénisme. Ne pas reconnaître l’existence des Noirs, des gens du Nord-Est, des pauvres, des gens qui vivent dans la rue. Autant de personnes qui font tâche sur la carte postale de Curitiba, comme s’il s’agissait d’une partie de Curitiba qui ne fait pas partie de la ville. Et il faut faire fuir les intrus. C’est dans ce sens que la police municipale agit.

Il est très difficile d’être un homme noir de gauche dans une ville d’extrême droite. Curitiba arborait déjà des drapeaux nazis à la fin des années 1930, à l’intérieur et sur la façade des institutions, pour que tout le monde puisse les voir. Les médias sont contrôlés par la droite et l’extrême droite, ils connaissent bien leur public, ils savent qu’ils peuvent construire dans l’imaginaire de la population une vision très violente du monde. Il est très facile de manipuler l’opinion et de l’orienter contre un jeune conseiller noir qui a déjà beaucoup de difficultés. Quand les médias vont sur le terrain, ils publient des photos et disent que le conseiller a envahi une église. Comment pouvez-vous faire face à ces mensonges qu’ils ont fabriqués ? Ils savent qu’ils suscitent la haine. Ça va être difficile à effacer, même si la vérité éclate. Et elle est apparue petit à petit ces derniers temps. Mais à une vitesse beaucoup plus lente que celle du mensonge médiatique. Être conseiller municipal noir de gauche dans une ville raciste et de droite est une résistance quotidienne, de tous les jours, et c’est pourquoi nous sommes particulièrement tristes lorsque les forces progressistes se recroquevillent face au défi que l’histoire nous lance.

Ponte - Tout au long de votre vie, vous avez déclaré avoir été persécuté à plusieurs reprises par les forces de sécurité. Ce procès visant votre cassation serait-il un autre procès de l’État contre vous ?

Renato Freitas - Je viens d’une périphérie très violente. Je viens de Vila Macedo, à Piraquara, j’ai aussi vécu à Tamandaré, j’ai vécu à Pinhais, j’ai vécu à Colombo, j’ai vécu dans toutes les zones métropolitaines les plus violentes ici à Curitiba et cette réalité a fait que nous avons été persécutés par la police très tôt, exactement à cause de cela, parce que la police nous considère comme l’ennemi. Ici, à Curitiba, pour vous donner une idée de ce dont je parle, la patrouille scolaire - et c’est un policier militaire qui travaillait à l’école Leôncio Correia, où j’ai étudié qui me l’a dit - avait l’habitude de se promener avec un drapeau nazi à l’arrière du véhicule. Difficile d’envisager quelque chose de pire ! Le noir n’imagine pas la société de cette manière. Comment l’ennemi peut-il justifier la position privilégiée qu’il occupe aujourd’hui dans la société de Curitiba ? Les portes ne nous sont pas ouvertes. Ce n’est pas par hasard si nous [les Blancs] sommes à l’université, disent-ils. Nous y sommes parce que nous le méritons. « C’est parce que les Noirs ne le méritent pas et ils ne le méritent pas parce qu’ils sont des criminels ». C’est plus ou moins le raisonnement qu’ils tiennent. Et en fonction de ce raisonnement, nous sommes persécutés depuis que nous sommes enfants, persécutés, maltraités. Beaucoup de nos gens sont tués. J’ai plus de 15 dossiers à la police. Avez-vous une idée du contenu des casiers judiciaires ? Je n’ai été condamné pour aucune des accusations car elles étaient toutes ridicules. Il s’agissait à chaque fois de tentatives de criminalisation. La majorité avaient trait à la désobéissance et au mépris. Toutes ces accusations qui renvoyaient à des situations qu’ils auraient souhaitées, aimées être réelles et qui les auraient conduit à nous expulser des espaces publics, des places, des rues et même des bibliothèques. Comme la fois où nous étions devant la bibliothèque publique.

Ce sont des espaces où ils arrivent tranquillement, s’approchent de nous, nous mettent un pistolet sur la tempe, nous disent de circuler ou, en d’autres occasions, ils nous mettent dans leur fourgon et nous emmènent sur un terrain vague pour nous battre, nous menacer. Ça m’est arrivé une fois, juste à côté du BR-116. Nous marchions là au milieu de la nuit, moi et un de mes amis. La police nous a arrêtés. Ils ont pris l’argent de mon ami destiné à acheter une bouteille de gaz et ils nous ont mis dans la voiture de police et nous ont emmenés. Nous avions très peur car nous ne savions pas ce qui allait vraiment nous arriver. Jusqu’à ce qu’on ouvre la porte et que nous partions en courant, nous éloignant de la BR [route nationale] pour nous retrouver au milieu d’un ravin, au milieu de nulle part. C’était donc du terrorisme psychologique, beaucoup de violence physique dont nous portons encore les marques. Ma première candidature est de 2016. Savez-vous à quand remonte mon premier casier judiciaire ? C’était en 2005, un an avant que j’entre à l’université. Ça, c’est de l’humiliation, de la violence. Et je ne l’accepterai jamais. J’ai commencé à dire non, c’est inacceptable. À partir de 2005, j’ai commencé à dire non. Et puis j’ai commencé à avoir tous ces casiers judiciaires et cela jusqu’à aujourd’hui. Et je continue à dire non.

Ponte - Comment imaginez-vous votre avenir en politique ?

Renato Freitas - J’ai la conviction que nous allons nous sortir de ce moment très difficile. Je suis convaincu que je ne serai pas démis de mes fonctions, malgré tout ce qui se passe à l’intérieur du Conseil municipal. S’il n’y a pas davantage de pression au niveau national, ils vont me mettre en accusation. S’ils ne se sentent pas contraints, gênés, ils vont tenter de casser mon mandat. Mais je crois que le pouvoir judiciaire va rejeter leur décision, car il n’est pas possible de lancer ce processus de cassation. Je serais le premier à être destitué d’un endroit où les gens volent, où tous les gens détournent de l’argent, où tout ce qu’ils font est mal fait. Je pense qu’on va s’en sortir. Après avoir traversé cette épreuve, j’ai l’intention de faire deux choses : d’abord, me présenter comme député d’État, un projet que j’avais dans le passé. Je vais reprendre ce projet de me présenter comme député d’État. Il y a aussi un autre projet, qui est tout aussi important, qui est de mobiliser notre groupe l’année prochaine, les bases du Parti des travailleurs et de contester l’action de la direction du parti, ici à Curitiba. C’est nécessaire parce que nous devons avoir une direction qui soit en accord avec nos actions, nos manière de penser et non pas une direction qui ne veut que le pouvoir, l’électoralisme, cette chose laide qu’est le pragmatisme qui sacrifie la vérité au nom du pouvoir.

Si le Parti des travailleurs ne change pas et ne se renouvelle pas dans ce sens, il sera de plus en plus discrédité. Et nous ne pouvons pas toujours rester dans une politique de « votez pour nous parce que nous sommes la seule option », comme c’est le cas aujourd’hui, en 2022, au Brésil. Pourquoi voter pour Lula ? Parce qu’il n’y a que lui pour qui voter et que vous devez voter pour lui. Donc nous allons faire campagne, mais ce n’est pas ce que nous voulons pour notre pays. Nous voulons que notre pays ait une politique proactive. Nous allons taxer les grandes fortunes, nous allons lancer un processus de réforme agraire, nous allons avoir une politique économique d’inclusion, de plein emploi. Nous allons nationaliser des secteurs clés de l’économie, nous allons valoriser la Petrobras, nous allons faire un audit de la vente de Vale do Rio Doce [4] . Et pas seulement parce qu’il y a du fascisme de l’autre côté. Sinon, c’est très confortable. Je vois souvent cela au niveau de la direction municipale de notre parti. Notre stratégie consiste également à contester le parti au niveau municipal.

Ponte - Qu’est-ce qui vous motive encore à faire de la politique ?

Renato Freitas - La naissance de ma fille a marqué un tournant dans ma vie. Elle a deux ans, elle est née en décembre 2019. Elle est née presque en même temps que la pandémie. J’ai fait campagne avec elle, pour être conseiller municipal alors qu’elle venait de naître. C’était génial, vraiment fou. Dans ma vie, j’ai perdu beaucoup de choses. J’ai perdu des membres de ma famille dans la violence, mes meilleurs amis dans la violence, dans la prison, la pauvreté, la drogue, surtout le crack. Et je me suis toujours révolté mais j’ai aussi connu la dépression. Jusqu’à la naissance de ma fille, pour moi, être vivant ou être mort n’avait pas d’importance. La seule chose que je voulais, c’était de continuer mon chemin. Aujourd’hui, non. Je commence une nouvelle vie. Je m’appelle Renato. Avec la naissance de ma fille, je suis né à nouveau ; elle s’appelle Aurora, ce qui signifie naissance. Et aujourd’hui, pour moi, il est important que je sois en vie. C’est une chance que Dieu m’a donnée de voir ma fille grandir. C’est plus beau que ça. C’est un paradoxe inexplicable. C’est ce qui me fait avancer aujourd’hui, ferme et fort.

Voir en ligne : Renato Freitas : ‘ser vereador negro de esquerda numa cidade racista de direita é resistência diária’

Couverture : Renato Freitas | photo de Malik Fotografia / Reproduction

[1Defensoria Publica. Organisme qui s’occupe de la défense des droits des personnes défavorisées. On pourrait peut-être établir un parallèle avec Les maisons de la Justice et du droit (MJD), en France

[2Modalité du vote au Brésil pour l’élection des députés. Il s’agit d’élections au scrutin proportionnel à listes ouvertes, les partis présentent des listes sans définir d’ordre ou de position. Les électeurs peuvent exprimer leur choix en inscrivant soit un nom soit un parti sur l’écran de vote. Les sièges obtenus par un parti sont en réalité ceux qu’obtiennent, nominativement, les candidats qui se présentent en son nom. Les voix obtenues au nom du parti sont réparties entre les candidats qui en ont besoin pour être élus, la décision relevant du parti.

[3Candidato laranja. Un candidat qui prête son nom lors d’une élection pour favoriser quelqu’un d’autre.

[4Entreprise minière privatisée en 1997 et dont le prix de vente était très en dessous de sa valeur commerciale réelle.

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