"Il n’y a pas de planète B." La phrase prononcée par la députée fédérale Célia Xakriabá (PSOL-Minas Gerais) illustre la préoccupation face à la gravité de la dégradation de l’environnement et justifie la Proposition de loi d’amendement constitutionnel (PEC) dont elle est l’auteure. Cette proposition vise à faire de la nature un sujet de droits fondamentaux. Ce changement signifie que les autorités publiques auront le devoir de la défendre et de la préserver. La PEC des droits de la nature établit également l’imposition de sanctions pénales et administratives à ceux qui ne respectent pas ces droits.
Bien que n’ayant obtenu que 40 % des 171 signatures nécessaires pour que la proposition de loi soit examinée et devant faire face à un Congrès fortement marqué par les élus ruralistes [1], la députée est optimiste. "Il n’y a pas de vaccin pour les questions climatiques, la solution viendra d’un changement de conscience. […] Le Congrès national doit prendre cette mesure pour ne pas devenir ’futurocide’ ", déclare-t-elle.
Le projet de loi bénéficie du soutien d’organisations non gouvernementales telles qu’Avaaz, une organisation non gouvernementale internationale de mobilisation sociale dont l’un des projets est la pétition pour la reconnaissance de l’écocide. "Le Brésil a une occasion historique de se positionner parmi les véritables leaders en matière de climat. L’adoption de cette PEC montrera que nous sommes réellement engagés vis-à-vis de l’avenir des personnes et de la planète", souligne Bia Calza, coordinatrice de la campagne d’Avaaz.
La PEC des droits de la nature s’inscrit dans une tendance déjà constatée dans des pays tels que l’Équateur et la Bolivie. Certaines villes brésiliennes reconnaissent déjà la nature comme détentrice de droits, c’est le cas de Bonito (Mato Grosso do Sul) et de Florianópolis (Santa Catarina).
Selon le procureur général de la capitale de Santa Catarina, Zany Leite Jr, 70 % de l’île de Florianópolis est préservée. En 2019, un amendement à la loi organique de la municipalité a modifié le contenu de l’article 133, lequel prévoit la diversité et l’harmonie avec la nature et proclame la reconnaissance de ses droits.
"Je considère cette loi comme importante d’un point de vue sociologique et idéologique. Elle permettra d’illustrer le passage de la conception anthropocentrique du droit, très centrée sur l’homme, à une vision bio-centrée ou écocentrée, plus axée sur la nature", a déclaré le procureur. Selon lui, depuis qu’il est en charge du Parquet, il n’y a pas eu de cas où des délinquants environnementaux auraient été sanctionnés sur la base de cette disposition.
Des difficultés d’adoption dès le départ
Même si elle bénéficie d’un soutien, cette proposition de loi risque de se heurter à des difficultés au Congrès. « La PEC pourrait réduire à néant la législation actuelle, étant donné qu’elle crée une nouvelle priorité. Je pense donc qu’il est très difficile qu’elle soit approuvée en l’état, même si elle est justifiée », déclare l’avocate Paolla Alves, du cabinet d’avocats João Domingos Advogados, qui représente des clients liés à l’agro-industrie.
Pour l’avocat constitutionnaliste et politologue, Pedro Chaves Beff, du cabinet Chaves e Azevedo, l’amendement intervient à un moment où les discussions internationales sur le climat sont très animées. Cependant, il y a au moins deux éléments à prendre en compte.
« Il y a la dimension juridique elle-même, basée sur les prérogatives propres à la procédure législative d’approbation, mais il y a aussi des obstacles politiques. Comme nous avons une Chambre des députés et un Sénat avec un front ruraliste très puissant, représentant l’agro-industrie, j’imagine que, politiquement, il sera difficile de faire accepter cette PEC", dit-il.
La députée fédérale Célia Xakriabá (PSOL-MG)
Union et urgence
La députée Célia Xakriabá estime que le défi que représente l’adoption de la PEC repose sur l’importance du débat. "Le fait que la législation environnementale soit inscrite dans la Constitution fédérale lui confère un poids unique. [...] La question est de savoir pourquoi les gens sont devenus si distants de la terre et des questions environnementales. On a l’impression que l’environnement, ce sont seulement les arbres. En fait, la question environnementale, c’est nous", a-t-elle déclaré, rappelant que la proposition, lancée l’année où le Brésil a présidé le G20 [2024, ndlr], renforce la lutte active du pays contre le changement climatique. De plus, elle intervient dans le contexte de la proposition de création du Conseil des Nations unies sur le changement climatique, à la veille de la COP30 qui se tiendra en 2025.
Mme Xakriabá est l’une des quatre femmes indigènes élues à la Chambre des députés. Elle est titulaire d’un master en développement durable de l’Université de Brasilia (UnB), d’un doctorat en anthropologie de l’Université fédérale de Minas Gerais (UFMG). Elle est l’une des fondatrices de l’Articulation nationale des femmes autochtones guerrières de l’ancestralité. Elle souligne le rôle des peuples autochtones dans la protection de 83 % de la biodiversité.
"Les peuples autochtones représentent 20 % de la solution pour mettre fin à la crise climatique, et les communautés traditionnelles, les communautés quilombola, par exemple, 30 %. [...] Reconnaître le vivant comme sujet de droits, c’est reconnaître la continuité d’une planète", a-t-il déclaré.