Des mobilisations d’organisations de la Campagne permanente contre les pesticides et pour la vie ont débouché sur une Action directe d’inconstitutionnalité (ADI) contre le Forfait Poison auprès de la Cour suprême. L’objectif était de disposer d’un cadre régulateur qui donne la priorité à la santé et à l’environnement plutôt qu’aux intérêts des entreprises de pesticides et du lobby rural.
Le maintien de cette nouvelle législation, approuvée par le Congrès, pourrait nuire gravement à la santé de la population brésilienne et affaiblir la structure régulatrice chargée de protéger les consommateurs. Seule une entité indépendante, s’appuyant sur la science et donnant la priorité au bien-être public, peut garantir la sécurité nécessaire à la santé et à l’environnement au Brésil.
La loi 14.785/2023, également connue sous le nom de Forfait Poison, a été adoptée dans le but de réglementer l’utilisation des pesticides au Brésil, en remplacement de la loi 7.802/1989. Certes, au cours des dix-huit premiers mois, le nouveau gouvernement a pris des décisions positives, mais le débat sur la libération des pesticides s’est poursuivi au même rythme qu’auparavant et, fin 2023, le vote de cette loi n’a pu être évité.
Depuis le début de son examen, ce texte a suscité de vives inquiétudes en matière de santé publique et d’environnement. Et les rapports de l’ONU ont recommandé au Sénat fédéral de rejeter le Forfait Poison, considérant que le texte permettait l’utilisation de pesticides cancérigènes et de substances présentant un risque de problèmes reproductifs et hormonaux, ainsi que de malformations chez les bébés. Rien de tout cela n’a pu convaincre le gouvernement fédéral que l’approbation de cette loi aurait de graves conséquences pour la santé de la population brésilienne et affaiblirait sérieusement le contrôle des pesticides dans notre pays qui, selon les données de la FAO (2023), occupe la triste position de champion du monde, avec plus de 720 000 tonnes utilisées en 2021.
Tout au long du processus législatif, diverses institutions ont fait des déclarations et des suggestions pour que le texte ne soit pas approuvé. Parmi celles-ci, le Conseil national de la santé, le Conseil national de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, le Conseil national des droits de l’homme, l’Anvisa [1] elle-même, l’Abrasco [2], la Fiocruz [3] , l’ABA [4], le Collège national des présidents des conseils de sécurité alimentaire des États, la Campagne permanente contre les pesticides et pour la vie, Greenpeace, l’Idec [5].
La loi 14.785/2023 ouvre la voie à l’homologation éternelle des pesticides qui causent des dommages au système reproductif, qui perturbent le système endocrinien ou qui font partie des produits cancérigènes, tératogènes ou mutagènes, plus dangereux dans les conditions réelles d’utilisation que lors des tests de laboratoire.
Par ailleurs, avec l’annulation des vetos, le texte de loi transfert les pouvoirs de décision au Ministère de l’agriculture. C’est ainsi que des étapes telles que la réévaluation des pesticides qui relevaient auparavant de la responsabilité de l’Anvisa, sont maintenant directement traitées par ce ministère. La réévaluation est l’étape nécessaire pouvant conduire à l’interdiction d’un produit. En raison de cette nouvelle procédure, les pesticides interdits dans d’autres pays ont peu de chance d’être interdits ici.
Pour les consommateurs, aussi longtemps que ce Forfait Poison continue à produire des effets, il est fort probable qu’il entraine une augmentation des quantités de poison utilisées par l’agrobusiness, y compris de pesticides interdits dans d’autres pays en raison de leur caractère cancérigène et de perturbateurs endocriniens. Jusqu’alors, la procédure antérieure suffisait à empêcher leur utilisation ici au Brésil.
Concrètement, le Forfait Poison crée une "zone de sacrifice" sur le territoire brésilien, où tous les poisons peuvent être produits ici et exportés, sans même que les organismes publics puissent procéder à des évaluations préalables. A cette libération automatique de fabrication de pesticides s’ajoutent de nouvelles possibilités d’autorisation d’utilisation en dehors de celles autorisées par les organismes de régulation. Et il ne faut pas écarter le risque que l’usage non justifié de pesticides à titre préventif soit recommandé par les professionnels de l’agronomie !
Tous ces facteurs devraient servir de catalyseur toxique pour un bond en avant permettant de mettre fin à l’absence de contrôle de ces substances chimiques au Brésil. Pour corriger ces failles, une révision judiciaire rigoureuse de la loi 14.785/2023 est essentielle.
Leonardo Ferreira Pillon est juriste au sein du programme « Alimentation saine et durable » de l’Idec.