Un autre coup d’État, 56 ans après la Marche avec Dieu ?

 | Par Observatório da Imprensa, Rui Martins

L’histoire va-t-elle se répéter après plus d’un demi-siècle ? Et toujours avec la grâce de Dieu ? En 1964, les catholiques « grenouilles de bénitier », qui sentaient l’encens, brandissaient des panneaux avec pour slogan « la famille avec Dieu pour la liberté ». Le 15 mars 2020 dernier, les catholiques à la fin de la procession sont remplacés par les évangéliques. Les mots d’ordre les plus explicites demandent « La dictature maintenant » avec la fermeture du Congrès et de la Cour Suprême.

A vrai dire, les manifestants font partie d’un pré-cortège funèbre invoquant la mort et l’enterrement de la démocratie et de la liberté, au nom de ce Dieu qui a déjà inspiré tant d’atrocités au Brésil et partout dans le monde.

Traduit par Maria Betânia Ferreira pour Autres Brésils
Relecture : Aline Benchemhoun

Photo : Manifestant.e.s à la Marche de la Famille pour la Liberté du 19 mars 1964 à la place de la Sé, à São Paulo © Arquivo Nacional/Correio da Manhã.

L’histoire va-t-elle se répéter après plus d’un demi-siècle ? Et toujours avec la grâce de Dieu ? En 1964, les catholiques « grenouilles de bénitier », aux odeurs d’encens, brandissaient des panneaux avec pour slogan « la famille avec Dieu pour la liberté ». Le 15 mars 2020 dernier, les catholiques sont à la fin de la procession, remplacés par les évangéliques. Les mots d’ordre les plus explicites demandent « La dictature maintenant » avec la fermeture du Congrès et de la Cour Suprême. À vrai dire, les manifestants font partie d’un pré-cortège funèbre invoquant la mort et l’enterrement de la démocratie brésilienne et de la liberté, au nom de ce Dieu qui a déjà inspiré tant d’atrocités au Brésil et partout dans le monde.

En 1964, le Dieu des masses, chanté dans des litanies, des prières et des neuvaines, était Romain. Il est venu avec les colonisateurs portugais et participa avec eux à la création de notre société de classes, esclavagiste et raciste. Ce Dieu du 15 mars 2020 est un iconoclaste. Il condamne les images des saints présentes dans notre tradition et notre culture. Il ne comprend pas le latin, il parle anglais et il est plus malin et intelligent. Plutôt que de prêcher l’humilité et la résignation, il encourage la prospérité, dans une sorte d’Évangile des bourses, où les fidèles investissent leur foi avec quelques reais (NT : monnaie du Brésil) et reçoivent des intérêts bénis capitalisés, visibles pour certains d’entre eux, mais uniquement profitables après leur mort, dans le Royaume des Cieux, malheureusement pas encore cartographié, situé dans un lieu incertain et inconnu.

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Outre la similitude entre les « croyants » fidèles à la place des catholiques dévots, de la Bible à la place des missels, pourrions-nous trouver d’autres comparaisons ?

Non ! En 1964, le péché que les prêtres et les dévots détenteurs de la richesse craignaient le plus était les réformes de base. Il y avait un risque que les pauvres ne soient plus si pauvres, et le gouvernement brésilien était constitué par des hommes compétents dans les secteurs de l’administration et des ministères. Aujourd’hui, en mars 2020, la perspective d’un appauvrissement est encore plus grand, et la formation intellectuelle, culturelle et même humaine des ministres est extrêmement faible, voire dramatique.

[A lire aussi : Panorama du parlement brésilien par l’Observatoire de la démocratie brésilienne
Et Déchiffrer Bolsonaro et le gouvernement du Brésil ]

Quelques souvenirs

Je me souviens bien du vendredi 13 mars 1964, et aussi d’entendre quelques bribes du discours du Président João Goulart, place de la République, à Rio de Janeiro, devant la gare centrale du Brésil. J’étais dans un bus à São Paulo et quelqu’un avait allumé une de ces petites radios à piles. Le bus était bondé, et moi j’étais débout.

Je rentrais du travail, du siège du SESC (Service Social du Commerce et Centre Culturel) de la rue Doutor Vila Nova, où j’occupais le poste d’assistant auprès de la Direction de la Division d’Orientation Sociale. C’était une époque agitée, et le bâtiment où je travaillais était situé dans un endroit privilégié par rapport à la Faculté de Philosophie de la USP (Université de São Paulo), cible d’attaque par des élèves de l’Université Mackenzie, les élèves d’extrême-droite contre les élèves de gauche.

Une semaine plus tard, jeudi 19 mars, la droite conservatrice catholique manifestait à la place de la Sé (place du centre), à São Paulo. C’était une Marche de la Famille avec Dieu (toujours Dieu) pour la liberté. Ils accusaient le Président du Brésil João Goulart d’être communiste et ennemi de Dieu et exigeaient sa destitution.

Dieu, qui doit être un réactionnaire de droite invétéré, a entendu les prières de ses dévots, car le coup d’État militaire a eu lieu douze jours plus tard, renversant João Goulart et créant un régime discrétionnaire qui a duré 21 ans.

Plus d’un demi-siècle plus tard, 56 ans, précisément, avec d’autres personnages et un autre scénario, il se peut que le Brésil revive en partie ou dans son intégralité la même histoire. D’abord avec, dimanche 15 mars, la manifestation en faveur du Président du Brésil Bolsonaro afin de justifier un coup d’état et la fermeture des institutions démocratiques. Ensuite avec, le 18 mars, une manifestation pour la démocratie et contre les manœuvres putschistes du Président Bolsonaro.

[A lire aussi : L’auto-coup de Bolsonaro est en marche
Et « Bolsonaro a commis un ’crime de responsabilité’ » Note publique de l’ABJD]

Devons-nous nous attendre par la suite, au sacro-saint coup d’État soutenu par les pasteurs évangéliques, mais sans le soutien des médias, comme en 1964 ?
Le Congrès et la Cour Suprême vont-ils fermés ? Le Brésil deviendra-t-il l’Iran chrétien ?

Nous le saurons bientôt.

Voir en ligne : Observatório da Impressa

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