Tarso Herz Genro est polyvalent, diplômé en droit, docteur honoris causa de deux universités brésiliennes, spécialiste en droit du travail, chroniqueur pour des journaux et blogs au Brésil et à l’étranger. Il est aussi professeur invité dans différentes universités au Brésil et à l’étranger, politicien, essayiste dans les domaines de la théorie du droit et de la théorie politique. Il a publié de nombreux livres dans le domaine du droit, de la politique et de la littérature. En tant qu’homme politique, il est rentré au Parti des Travailleurs dans les années 80 dèssa fondation. Il a eu plusieurs mandats, conseiller à Santa Maria-RG, vice-maire de Porto Alegre, député fédéral, maire de Porto Alegre, puis gouverneur de l’état de Rio Grande do Sul. Avec l’accession de Lula à la présidence et sa réélection, il a été nommé président du Conseil de développement économique et social et a été ministre de l’Éducation, ministre des relations institutionnelles et de la Justice. Il a également été président du Parti de Travailleurs-PT.
Le philosophe français Michel Foucault disait que tout lieu où s’exerce le pouvoir est, en même temps, un lieu de formation du savoir.
En tant que politicien de gauche, qu’avez-vous appris de l’exercice du pouvoir et de vos relations ?
Beaucoup de leçons et d’apprentissages. C’est dans l’exercice des fonctions parlementaires et exécutives que vous testez réellement votre vision du monde et de l’humanité. Et l’apprentissage dans la clandestinité de la lutte sociale et, pendant la dictature, l’apprentissage de la lutte politique.
Pensez-vous que tous les politiciens devraient être formés à l’exercice du pouvoir ?
Il n’y a pas de modèle politique unique. De manière très sommaire, mais qui reste une synthèse adéquate, on peut dire que certains politiciens veulent arriver au pouvoir pour tuer, je caricature en donnant des exemples d’hommes politiques. Je pense à ceux qui, comme Trump et Bolsonaro, sont des négationnistes de la science, des anti-écologistes et des racistes, dont la vision de l’être humain est une conception purement instrumentale de l’accumulation capitaliste. Leur mépris de la vie est inscrit dans leurs attitudes publiques et dans leurs principales pratiques étatiques. Il y a aussi ceux qui viennent faire carrière et « profiter » des circonstances, ce sont les politiciens traditionnels qui, selon les alliances qu’ils établissent, peuvent être utiles à la lutte pour l’émancipation ou bien venir en aide à la droite ou à l’extrême droite, avec leurs programmes de haine et de disparité croissante des revenus.Ils sont généralement identifiées par les « médias grand public » comme des politiciens « normaux » dans le régime démocratique-représentatif. D’autres politiciens utilisent le pouvoir pour lutter pour la vie, contre les guerres, pour l’émancipation, pour l’égalité et le respect des droits de l’homme - dans les différents courants d’opinion des partis démocratiques. Ils savent être pragmatiques, pour gouverner, sans renier leurs principes. Ceux-ci définissent précisément leurs alliés, adversaires et ennemis, afin de produire des politiques étatiques qui vont dans le sens de la liberté et de l’égalité, respectant les espaces constitutionnels conquis dans l’État de droit social. Ce que j’ai appris au « pouvoir », ou plutôt en tant que dirigeant d’un État de droit social, c’est qu’il est possible d’être cohérent - en tant que leader politique de gauche - à la fois dans l’opposition et au gouvernement. C’était peut-être mon apprentissage le plus important avec l’exercice du pouvoir. Cependant, je pense que chaque « politicien » cherche à se préparer consciemment ou inconsciemment à ce qu’il veut faire au pouvoir, selon sa vision du monde et de l’humanité. On sait que l’hégémonie du capitalisme financier ne peut être atteinte que par des moyens politiques, grâce à une gestion opportune des ressources du pouvoir.
Pourquoi la gauche s’est-elle davantage concentrée sur le néolibéralisme d’un point de vue économique et non de son idéologie ?
Je pense qu’à gauche, dans son ensemble, nous avons analysé principalement le processus dit « néolibéral », comme s’il ne faisait qu’instruire une autre étape du développement du capitalisme industriel classique, pas comme une barbarie plus globale, où la force normative du capital financier exprimait - comme elle l’a fait - une capacité à détruire à la fois la culture politique des Lumières et l’État-providence dans ses aspects économiques les plus positifs. Cela nous a affaibli dans le monde pour pouvoir préserver nos valeurs de gauche et affirmer nos différends idéologiques. Mèszaros et Baumann, de différentes manières, ont perçus cette limitation et ont beaucoup écrit à ce sujet. Je recommande de les lire tous les deux. Le philosophe hongrois Mészáros clarifie, dans ses travaux sur la philosophie, l’idéologie et les sciences sociales, le pouvoir de l’idéologie et son rôle dans le processus d’ajustements structurels. Alors que Baumann, dans son livre « La vie liquide », décrit nos sociétés contemporaines comme un univers sans repères où l’individualisme et l’éphémère des relations émergent... Nous vivons à une époque liquide. Rien n’a été fait pour durer. Pour la gauche, surmonter l’idéologie néolibérale est l’un des plus grands défis pour construire un nouveau projet de société. En cette période de pandémie, l’idéologie néolibérale a enlevé son masque comme vous l’avez écrit dans votre article sur Mediapart.
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